Jacques Parizeau
Le ministre
Élection québécoise du 15 novembre 1976
Alain Lavigne lance que « pour René Lévesque, Jacques Parizeau et le PQ, l’élection du 15 novembre 1976 est enfin la bonne. Cette victoire d’un premier parti souverainiste a pris instantanément beaucoup de place dans l’imaginaire collectif des Québécois. Tellement qu’un mythe du grand soir s’est peu à peu construit depuis. Fort du slogan à deux volets “On a besoin d’un vrai gouvernement. Ça ne peut plus continuer comme ça”, le PQ mène cette fois une campagne axée sur un chef rassurant prêt à devenir premier ministre avec une équipe. Avec Camille Laurin, Jacques-Yvan Morin, Robert Burns et Claude Morin, Jacques Parizeau est désormais positionné au même rang que d’autres candidats vedettes, dont certaines nouvelles recrues telles Lise Payette et Rodrigue Tremblay. Tout au long de la campagne, le PQ propose aux Québécois de former un bon gouvernement et, une fois élu, de tenir un référendum sur son projet de souveraineté-association. »
Autocollant électoral du Parti Québécois. 1976.
Collection Dave Turcotte
Don Pascal Bérubé
Alain Lavigne précise que « dans L’Assomption, où Jacques Parizeau souhaite se faire élire, cela prend la forme de grandes assemblées publiques en présence d’autres candidats. Lors de l’assemblée d’ouverture du 24 octobre, avec comme invités René Lévesque, Lise Payette et Doris Lussier, Parizeau attire 750 personnes à la polyvalente Paul-Arseneau. La publicité de L’Artisan le présente comme “Un homme au travail pour nous” (27 octobre), “L’homme capable de défendre nos intérêts” (3 novembre) et “Un homme à la mesure de notre comté” (10 novembre). Toutefois, les stratèges ont rapidement vent que sur le terrain les interventions de Jacques Parizeau s’écartent souvent du plan de la campagne nationale. En effet, faut-il s’en surprendre, il parle trop ouvertement d’indépendance… Lévesque mandate dès lors Louis Bernard de téléphoner à Parizeau afin de lui rappeler de se conformer à la stratégie nationale. Bon soldat, il accepte. Ce à quoi Bernard dira plus tard : “J’ai toujours trouvé que Parizeau était un joueur d’équipe.” »
Le 15 novembre 1976, le Parti Québécois fait élire 71 députés avec 41,4 % des votes. Les libéraux font élire 26 députés avec 33,8 % des votes et l’Union nationale, 11 députés avec 18,2 % des votes. Sont aussi élus : un député créditiste et un député du Parti national populaire. Jacques Parizeau est élu député de L’Assomption avec une majorité de 14 439 votes.
Résultats de l'élection québécoise de 1976 dans la circonscription de L'Assomption.
Musée virtuel d'histoire politique du Québec
Nommé ministre des Finances, ministre du Revenu et président du Conseil du Trésor
Fort de son expérience et de sa crédibilité, il se voit nommer par le nouveau premier ministre René Lévesque : ministre des Finances (26 novembre 1976 au 22 novembre 1984), ministre du Revenu (26 novembre 1976 au 21 septembre 1979) et président du Conseil du Trésor (26 novembre 1976 au 30 avril 1981).
Laurence Richard émet qu’en « tant que ministre des Finances, Jacques Parizeau a la réputation d’être le seul véritable économiste professionnel du milieu des finances gouvernementales au Canada. Le ministre ontarien des Finances de l’époque, McKeough, affirme que “Parizeau est le seul économiste parmi les vendeurs d’autos, les avocats et les plombiers qui dirigent les finances canadiennes… Je crois que tous, en tant qu’économistes amateurs, nous le respectons comme professionnel ; on accorde beaucoup d’importance à ce qu’il pense.” »
Laurence Richard souligne que « selon Don McPherson, le cabinet Lévesque est “le plus talentueux depuis l’équipe du tonnerre du libéral Jean Lesage”. Jacques Parizeau estime pour sa part que ce cabinet compte plus de gens de talent que celui de Lesage : “Bien sûr, Lesage s’était entouré de quelques ministres remarquables, mais l’équipe du tonnerre, c’était avant tout un slogan. En fait, Lesage n’avait autour de lui que trois ou quatre ministres clés : Lévesque, Gérin-Lajoie, Kierans, Laporte. Le Conseil des ministres de Lévesque, c’est tout à fait autre chose. C’est un Conseil des ministres comme on n’en a jamais vu.” »
Photographie de l'assermentation du premier conseil des ministres du premier ministre René Lévesque. 26 novembre 1976.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Laurence Richard déclare que « les grands mandarins de la Révolution tranquille sont maintenant au pouvoir. “Dans le domaine social et culturel, le contenu législatif fait penser à la Révolution tranquille, tant les réformes sont nombreuses. Des institutions municipales à l’assurance-automobile, du financement des partis politiques aux lois de la consommation, en matière économique et financière, le contenu des mesures prises visait des objectifs de ‘bon gouvernement’.” Les réformes entreprises demeurent fidèles, en effet à l’esprit de la Révolution tranquille, même si le Parti québécois n’accroît pratiquement pas le rôle de l’État : “En fait, dit Parizeau, on prend très peu d’initiatives nouvelles, parce que la plupart des instruments étatiques dont nous avons besoin sont en place. C’est la façon de s’en servir qu’on change.” D’ailleurs, si on compare les huit années d’administration péquiste aux quatre années de l’Union nationale, de 1966 à 1970, on constate que l’UN a créé bien plus de sociétés d’État que le PQ. Le gouvernement péquiste renforce plutôt l’action de ces sociétés : Caisse de dépôt, SGF, Soquem, Soquip, Sidbec, etc. Il crée également d’importants leviers financiers, comme l’assurance-automobile. Et surtout, le gouvernement Lévesque utilise ces leviers. »
Laurence Richard rapporte que « dès son premier budget, en 1977, Jacques Parizeau impressionne le monde des affaires. Il réussit d’ailleurs un coup de force exceptionnel : tout en réduisant le fardeau fiscal de la classe moyenne, il obtient la bénédiction de Wall Street ! Pour les courtiers en valeurs, il s’agit d’un “budget modéré et discipliné” : “New York analysts pleased with "disciplined" Quebec budget”, titre même la Gazette de Montréal. »
Caricature de Serge Chapleau illustrant Jacques Parizeau et René Lévesque. Journal Le Dimanche. 23 janvier 1977.
Collection Dave Turcotte
Laurence Richard commente que « Jacques Parizeau a été l’un des artisans les plus acharnés de la fabrication des outils de développement économique des Québécois au moment de la Révolution tranquille, sous le gouvernement du Parti québécois, il s’emploie à les utiliser au maximum. Il soutient tout ce qui peut favoriser le développement linguistique des Québécois francophones, tant par son appui à la loi 101 que par la mise en place de compétences francophones dans les diverses sociétés d’État. »
Laurence Richard relate que « quand le Parti québécois est porté au pouvoir, les marchés financiers se ferment partout en Amérique du Nord. Les prêteurs ne refusent pas de prêter au Québec, mais ils veulent le faire à des taux plus élevés que pour l’Ontario. Parizeau, en sa qualité de ministre des Finances, doit emprunter pour Hydro-Québec. Astucieux, il emprunte loin de l’épicentre du séisme, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, au Japon, partout sauf en Amérique du Nord : “Ma stratégie est simple, explique-t-il. Quand ils se rendront compte que je n’ai aucun problème à emprunter et qu’ils seront tannés de perdre des commissions, ils me reviendront. […] Partout, qu’il ait emprunté en euro-dollars américains, en livres sterling, en francs suisses, en florins hollandais ou en yens japonais, Parizeau a obtenu le même taux que celui de l’Ontario. ‘Évidemment, conclut-il, ça a changé l’atmosphère au Canada. Dans la mesure où on n’a aucune difficulté à emprunter en dehors de l’Amérique du Nord, les banquiers se rendent compte que toutes leurs réactions de mauvaise humeur à notre égard, finalement, leur font perdre des commissions !’” »
Ouvre-lettres produit par la Fonderie d’Art & d’Artisanat du Québec accompagné d’une carte professionnelle de Jacques Parizeau. Entre 1976 et 1984.
Collection Dave Turcotte
Laurence Richard note que Jacques Parizeau est un lève-tôt. « Il lit les journaux, le matin, et se rend au bureau à la première heure. Quand il y arrive, il est prêt à commencer à travailler. Les journées, cependant, n’en finissent plus. Il n’a jamais fini avant 10 h, le soir. Quand il était ministre des Finances, le lundi était consacré à son comté : le jour, il recevait ses électeurs et, en soirée, des conseillers municipaux ou des groupes. Les mardi, mercredi et jeudi, il les passait à Québec à un rythme effréné. Le vendredi, il finissait tôt, vers 5 h. Le samedi, il retournait dans son comté pour participer à des activités sociales. Le dimanche, enfin, il faisait des visites dans d’autres comtés à des fins politiques. »
Photographie de Jacques Parizeau lors du Carnaval d'hiver de L'Épiphanie. 11 février 1979.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Le ministre de la classe moyenne
Laurence Richard explique que « Parizeau a toujours été particulièrement sensible à la classe moyenne, et à ceux qui ont le choix entre le travail et l’aide sociale. Ses favoris, comme ministre des Finances, ont toujours été les gens dits “ordinaires”, les familles qui ont de la misère à joindre les deux bouts : “Comme ministre des Finances, j’étais obnubilé, pas tellement par les pauvres que par le petit monde. Ceux qui me préoccupaient, c’étaient les petits salariés, les couples dans lesquels la femme ne travaillait pas ou travaillait pour un petit salaire et qui avaient des enfants. Ces gens étaient l’objet de tous mes soucis, sur le plan de l’équité sociale.” Lorsque Parizeau retire la taxe de vente sur les vêtements, les chaussures, les meubles et les appareils ménagers, c’est précisément à cette catégorie de travailleurs qu’il pense. »
Photographie de Jacques Parizeau échangeant avec une commerçante du centre commercial Galerie Rive-Nord. 25 juin 1976.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographie de Jacques Parizeau échangeant avec un agriculteur de L'Épiphanie. Juin 1976.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Dans ses mémoires, René Lévesque écrit qu’au-delà « de cette image qu’il soignait avec volupté, il aura été à mon avis le plus efficace en même temps que le plus progressiste de tous les argentiers du Québec. Bourgeois de vieille lignée — “et j’en suis fier”, proclamait-il —, il n’était pas moins doté d’une conscience aiguë des iniquités du sort, sentiment que ses budgets s’efforçaient de refléter. Quitte à taxer davantage les gens aisés, il parvient à réduire peu à peu le fardeau des humbles, tant et si bien qu’au bout du compte la comparaison avec l’Ontario, éternel critère si souvent masochiste, était devenue saisissante : là c’étaient toujours les petits qu’on saignait à blanc et les gros qu’on ménageait, alors qu’ici on était parvenu à faire très précisément le contraire. »
Laurence Richard affirme qu’en « pas les femmes. Il met au point une loi qui permet aux femmes collaboratrices de leur mari de recevoir un salaire, ce que les groupes de femmes demandaient depuis des années. De même, comme le note Lise Payette, dans Le pouvoir ? Connais pas !, en pleine négociation avec les employés de l’État, le ministre des Finances, sans chantage ni menace, offre un des congés de maternité les plus généreux en Amérique du Nord. »
Photographie de Jacques Parizeau et de Lise Payette. 1990.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Régime d’épargne-action
Selon Wikipédia, « ayant pris le pouvoir dans une situation économique difficile, le gouvernement péquiste décide d’aider les travailleurs en baissant les impôts des plus pauvres et de la classe moyenne et en augmentant ceux des plus nantis en 1978. Toutefois, afin d’atténuer le fardeau des plus nantis et aussi de développer les entreprises québécoises, Jacques Parizeau lance un nouvel instrument le 27 mars 1979 : le Régime d’épargne-actions (RÉA). Unique en son genre en Amérique, le RÉA s’appuie sur une idée simple : permettre à l’État d’aider les investisseurs du Québec en déduisant de leurs impôts (à certaines conditions) les nouvelles actions achetées dans des “entreprises dont le siège social ‘ou la principale place d’affaires est située au Québec’”.
Cet instrument permet de renverser une tradition chez les francophones (les Québécois n’achetant autrefois que très peu d’actions d’entreprises) et d’en finir avec la sous-capitalisation des entreprises du Québec. Pour Matthew Fraser, l’auteur du livre Québec inc., “le RÉA a été l’un des principaux moteurs de l’explosion actuelle des affaires au Québec. […] De 1983 à 1987, le nombre de nouvelles compagnies publiques inscrites à la Bourse de Montréal a plus que triplé”. En effet, le RÉA permet l’expansion de Canam Manac (compagnie d’acier), du Groupe SNC (firme d’ingénierie), de la Société de gestion Unigesco, de Quebecor (entreprise de presse), de Bombardier (manufacturier de transport), ainsi que d’Aligro, des Magasins Le Château, du Groupe Transcontinental, et de Circo Craft.
Le RÉA connait ses plus belles années de 1983 à 1987 et recueille sur ces 5 années près de 5,1 milliards de dollars d’investissements. Le krach d’octobre 1987 brise cette dynamique. Par la suite, le RÉA ne retrouvera jamais son niveau d’activité du début des années 1980. »
Dépliant promotionnel du budget 1979-1980. 1979.
Collection Dave Turcotte
Taxe de vente
En 1978, Jacques Parizeau réalise un exploit remarquable avec la taxe de vente. L’initiative est née du ministre ontarien des Finances, Darcy McKeough, qui a baissé temporairement la taxe de vente provinciale pour stimuler le commerce de l’automobile. Ayant été positive, cette mesure est reprise par le ministre fédéral des Finances Jean Chrétien. Dans son discours du budget du 10 avril 1978, il propose de diminuer la taxe de vente provinciale de 3 % sur tous les produits. Le gouvernement fédéral financera le manque à gagner des provinces. Cependant, cette intrusion du fédéral suscite la résistance du Québec, soucieux de son autonomie fiscale.
Parizeau et son équipe réagissent en élaborant une stratégie originale. Ils proposent d’éliminer la taxe sur des biens indispensables à la famille modeste et produits par des industries québécoises (textile, vêtement, chaussure, meuble) et de promouvoir le tourisme en supprimant la taxe sur les chambres d’hôtel. Tout ça équivaut exactement à la somme offerte par Ottawa, soit 226 millions $. Cette démarche dynamise des secteurs mous de l’économie québécoise et soutient les ménages à faible revenu.
Chrétien et les fonctionnaires fédéraux sont « horrifiés et stupéfaits » par cette contre-proposition, tandis que Parizeau remporte une victoire politique majeure. Le gouvernement fédéral finance, mais Parizeau et le Québec récoltent tout le mérite politique. Chrétien envoie 85 $ à chaque contribuable pour regagner l’initiative, en vain : Parizeau a gagné.
L’échec de Chrétien dans cette bataille a même eu des répercussions sur le plan national, poussant Trudeau à reconsidérer ses plans électoraux. La finesse stratégique de Parizeau dans cette affaire a été remarquée même par ses adversaires politiques, soulignant sa capacité à unir les Québécois contre Ottawa.
Discours sur le budget 1979-1980. 1979.
Collection Daniel Paillé
Discours sur le budget 1980-1981 écrit à la main par Jacques Parizeau. 1980.
Collection Daniel Paillé
Négociations avec la fonction publique
Sophie Imbeault raconte qu’élu « en novembre 1976, le Parti québécois ne s’est pas encore frotté à la négociation de conventions collectives des employés de l’État. Le SFPQ est donc le premier syndicat important du secteur public à le faire. Le salaire moyen pour les fonctionnaires est alors d’environ 11 000 $ annuellement pour une semaine de 33 heures. Les ouvriers gagnent, en moyenne, 12 000 $ annuellement pour une semaine de 40 heures. Sa convention arrivant à échéance le 30 juin 1978, un premier projet est soumis aux membres en mars 1977 afin que les demandes soient présentées en janvier 1978. […]
Les demandes du SFPQ ont été déposées le 6 février 1978. La convention des quelque 27 000 fonctionnaires et 7 000 ouvriers est arrivée à échéance le 30 juin et, en juillet, le gouvernement n’a toujours pas soumis ses offres globales. […] Face à la “lenteur indue et stratégique” du gouvernement, le syndicat fait une demande de conciliation à la fin de juillet de façon à pouvoir recourir à la grève en octobre. Le 20 octobre, le gouvernement présente enfin ses offres salariales au SFPQ. Pour Jean-Louis Harguindeguy, elles constituent un “nivellement par le bas” et sont “du plus parfait ridicule”. Il croit que “l’affrontement est inévitable entre l’État et ses fonctionnaires”. Le président note que ces offres abolissent la clause d’indexation des salaires selon l’augmentation du coût de la vie à compter de 1979, une clause qui fait partie de la convention depuis 1968. […]
Le gouvernement propose un contrat de travail de 36 mois au SFPQ, qui en demandait un de 30 mois. […] Le total des demandes du SFPQ, pour un contrat de 30 mois, se chiffrerait à 141 millions, tandis que l’offre gouvernementale serait de 79,5 millions pour un contrat de 36 mois. Le 25 octobre, le SFPQ obtient son droit de grève [mais ne l’utilise pas pour l’instant.] […]
Au début de 1979, les négociations sur les clauses normatives sont terminées. Les discussions se poursuivent sur les clauses salariales. […] À la fin d’avril, alors que les négociations entrent dans leur phase finale, c’est la rupture sur la question de l’indexation. Après quelques jours d’interruption, les discussions reprennent. […] Les deux parties ne s’entendent toujours pas sur les questions salariales. […] Le 23 juin, [le SFPQ] entreprend donc des moyens de pression qui prennent la forme de débrayages rotatifs qui se poursuivront tout l’été. Quelques centaines de syndiqués, qui occupent des postes stratégiques, vont débrayer pour quelques jours. […] Le 4 juillet, le gouvernement passe à l’action et met en lock-out plusieurs centaines d’employés. Quelques jours plus tard, le SFPQ demande à ses 2 000 membres en grève et en lock-out de retourner au travail. Le syndicat entend poursuivre les débrayages dans d’autres secteurs. […]
Comme l’avait annoncé le président du SFPQ à plusieurs reprises, les moyens de pression se poursuivent. Il profite du huis clos sur le livre blanc sur la souveraineté-association pour que le syndicat soit le plus visible possible. Ainsi, tôt le matin du 1er novembre, 3 000 de ses membres entrent dans le centre municipal des congrès où les journalistes devaient prendre connaissance du contenu du livre blanc. L’événement est annulé dans la foulée. […]
La pression se fait de plus en plus forte pour un règlement des négociations dans le secteur public alors que l’année référendaire approche. C’est sans compter l’ombre qui plane d’une grève générale dans les secteurs public et parapublic qui amènerait près de 250 000 personnes (appartenant au front commun CSN-CEQ-FTQ, à Hydro-Québec, au SFPQ et au Cartel des organismes professionnels de la santé) à débrayer. […] Le 12 novembre, l’Assemblée nationale adopte une loi spéciale qui suspend pour quinze jours le droit de grève dans les secteurs public et parapublic et force les syndicats à soumettre à leurs membres les plus récentes offres patronales avant le 28 novembre. À Montréal, des membres du SFPQ manifestent pour protester contre ce projet de loi.
Le 21 novembre suivant, le ministre des Finances, Jacques Parizeau, présente les offres finales du gouvernement à l’Assemblée nationale. Le SFPQ arrive à une entente le 23 novembre. […] Le 27 novembre, la majorité des sections du SFPQ recommandent aux membres d’accepter les offres gouvernementales. Près d’un mois plus tard, le 21 décembre, le résultat des consultations est connu. Les membres du SFPQ acceptent les offres, […]. La cinquième convention collective est finalement signée le 31 janvier 1980. Elle fixe les conditions de travail jusqu’au 31 décembre 1982. Au terme de plus d’un an de négociation, les syndiqués obtiennent des augmentations de 13,3 % la première année, 9 % la deuxième et 8 % la troisième. »
Autocollant dénonçant le ministre Jacques Parizeau dans le cadre des négociations pour le renouvellement de ses conventions. Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. 1979.
Collection Dave Turcotte
Autocollant dénonçant le ministre Jacques Parizeau dans le cadre des négociations pour le renouvellement de ses conventions. Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. 1979.
Collection Dave Turcotte
Caisse de dépôt et placement du Québec
Ministre responsable de la Caisse de dépôt, Jacques Parizeau nomme Jean Campeau à la présidence de l’institution le 20 février 1980. L’arrivée de ce dernier marque le début d’une série d’achats importants, faisant passer le contrôle de plusieurs grandes entreprises entre des mains québécoises.
Photographie de Jacques Parizeau (candidat péquiste dans Crémazie en 1973) entouré de trois députés péquistes de Crémazie : son épouse Lisette Lapointe (2007 à 2012), Manon Blanchet (1998 à 2003) et Jean Campeau (1994 à 1998). Vers 2007.
Assemblée nationale du Québec
Fonds Claude Lachance
Référendum de 1980
Laurence Richard aborde ainsi la difficile écriture de la question référendaire. « Après quelques années de pouvoir, la date du référendum est fixée au 20 mai 1980. La formulation de la question référendaire ranime, au sein du PQ, les luttes entre les “orthodoxes”, dont fait partie Jacques Parizeau, et ceux qui croient qu’il faut faire des compromis pour l’emporter.
La veille du jour où la question référendaire doit être lue devant l’Assemblée nationale, ministres et députés passent tout l’après-midi à discuter de sa formulation. Après une interruption pour le souper, la discussion reprend, mais il ne reste plus beaucoup de monde. “À force de travailler sur les mots et les phrases, raconte Parizeau, on finit par s’entendre sur une question vers une heure du matin.” Parizeau, crevé, va se coucher après avoir reçu l’assurance que le lendemain matin, la question sera lue à l’Assemblée nationale.
Le lendemain matin, installé à son bureau à neuf heures, comme d’habitude, Jacques Parizeau ne se doute pas de la surprise qui l’attend une heure plus tard, à l’ouverture de l’Assemblée nationale. En effet, quand René Lévesque lit la question devant les députés, Parizeau constate avec stupéfaction que le texte a été expurgé de points importants qu’il a réussi à y faire inscrire la veille. La question telle que lue par Lévesque, qui demande aux Québécois d’accorder au gouvernement le mandat de négocier la souveraineté-association et promet la tenue d’un autre référendum pour faire entériner les ententes conclues avec le reste du Canada, constitue une aberration pour Parizeau. Pendant que les députés font une ovation à Lévesque, il demeure assis sur son siège pendant à peine 10 secondes — qui semblent des heures — avant de se joindre aux applaudissements : “Il existe des photos impérissables de cet instant, sur lesquelles il est facile de voir que je suis en rage !”
Au cours de l’après-midi, Lévesque téléphone à Parizeau : “Écoutez. Je suis bien embêté. J’ai oublié de vous avertir ce matin. Ils ont travaillé toute la nuit sur la question. Excusez-moi, j’aurais dû vous en parler.” Parizeau n’est pas un homme vindicatif, mais il n’apprécie pas du tout ce genre de “malentendu”. Le soir même, au restaurant Le Parlementaire, il a l’air abattu. Lise Payette, qui va lui parler, raconte : “Il m’a avoué qu’il venait de vivre la journée la plus difficile de sa carrière politique. Il y eut des rumeurs de démission. Ce serait faire mentir Parizeau qui a toujours dit de lui-même qu’il était d’abord et avant tout un bon soldat.” »
Alain Lavigne rappelle cependant que « lors du débat sur la question à l’Assemblée nationale, il est le seul du parti ministériel à évoquer ouvertement l’indépendance. II y soutient que la souveraineté apparaît non seulement comme l’affirmation d’un épanouissement collectif, mais aussi la condition du relèvement économique et de la prospérité : “Devant la montée des aspirations souverainistes, on cherche à affirmer les avantages de vivre au Canada, mais la conviction n’est plus ce qu’elle était […] On finit par se dire que, si le fédéralisme, c’est l’affrontement, le désordre et la confusion, il doit y avoir moyen de vivre autrement. On se dit aussi qu’il n’est peut-être pas inévitable que le Québec soit forcé d’avoir, bon an mal an, un des plus hauts taux de chômage du monde industriel. De la patrie, on veut passer au pays.”
Pareil discours, qui ne plais évidemment pas aux stratèges, explique en partie le fait que Monsieur ait été relégué à l’arrière-scène pendant la campagne, à l’exception du dernier blitz montréalais. Peu importe, la situation lui permet de consacrer plus d’énergie à convaincre ses commettants de L’Assomption […]. Au lancement de la campagne du Oui à Repentigny, pas moins que 2 500 sympathisants sont au rendez-vous. Le Regroupement national du Oui est aussi bien présent en publicité dans l’hebdomadaire régional, entre le 16 avril et le 14 mai. Une pleine page de publicité avance que “L’Assomption dira Oui au mandat de négocier avec le reste du Canada une nouvelle entente fondée sur l’égalité des peuples”. »
Le 20 mai 1980, l’option du Oui recueil 40,44 % (50 % chez les francophones) et le Non, 59,56 %. Le Oui l’emporte dans la circonscription de Jacques Parizeau. Alain Lavigne note que « le communiqué émis par le bureau du député souligne que “près de 6 mille personnes ont été rejointes en assemblées publiques. Plus de 2 mille ont signé des pétitions de regroupements pour le OUI et, enfin, sans avoir besoin de banderoles attachées à des avions ou encore du chef de l’opposition fédéraliste pour mousser le moral des troupes du NON, des milliers de bénévoles se sont affairés tout au long de la campagne à faire pencher la balance du bon côté”. Va pour le communiqué de circonstance. Pour ce qui est des états d’âme de Jacques Parizeau, les choses sont bien différentes. Sa colère se manifeste dans la limousine ministérielle qu’il l’amène au Centre Paul-Sauvé. »
Pierre Duchesne relate : « En ce soir de défaite, il en a contre les siens. Il est mauvais perdant. Puis, il s’attaque aux fédéralistes. Il dit à son chauffeur : “Ils vont nous revoir dans 10 ans, monsieur Arseneault ! Si ce n’est pas maintenant, ce sera dans dix ans. Le référendum va passer. On va l’avoir notre indépendance ! On va l’avoir notre pays !” »
Photographie de Jacques Parizeau et René Lévesque lors du référendum de 1980. Mai 1980.
Collection Dave Turcotte
Élection québécoise du 13 avril 1981
Selon Wikipédia, « Le Parti québécois est au pouvoir depuis 1976 et vient de perdre le référendum sur la souveraineté-association. Malgré cette défaite, René Lévesque, toujours le chef du parti, demeure populaire auprès de la population. Du côté des libéraux, Robert Bourassa a démissionné à la suite de l’élection de 1976. Gérard D. Lévesque a été choisi comme chef intérimaire, puis Claude Ryan a été élu chef le 15 avril 1978. Claude Ryan mène une campagne à l’ancienne, peu télégénique. Rodrigue Biron, chef de l’Union nationale, démissionne du parti le 3 mars 1980 pour siéger comme indépendant, et se joint peu après au Parti québécois. Il est remplacé par Michel Lemoignan, qui est à son tour remplacé par Roch LaSalle le 9 janvier 1981 ; LaSalle était député progressiste-conservateur à la Chambre des communes du Canada et avait démissionné pour diriger l’Union nationale. Le parti avait réussi un retour modeste lors de l’élection précédente. À cause du délai de trois ans et demi entre l’élection de 1976 et le référendum de 1980, les élections ont lieu quatre ans et cinq mois après les précédentes, ce qui est un des plus longs intervalles depuis la Confédération. »
Alain Lavigne présente la campagne du Parti Québécois ainsi : « Avec comme slogan Faut rester forts, le PQ était d’autant plus confiant qu’il bénéficiait de la meilleure organisation. Un véritable modèle d’organisation et de marketing politique aux yeux du journaliste Graham Fraser : “Carpentier et les autres stratèges avaient tiré des leçons profitables de la défaite référendaire : cette fois, on ne prendra pas les électeurs de front, on ne parlerait pas de risque, et on ne se placerait pas sur la défensive.” De surcroît, comme le souligne Martine Tremblay, les stratèges ont eu la bonne idée de jouer “au maximum la carte de l’équipe, en montrant constamment le premier ministre entouré des ministres les plus populaires de son gouvernement”. Les cinq ministres que les sondages internes plaçaient en tête en termes de notoriété et de popularité étaient Jacques Parizeau, Bernard Landry, Pierre Marc Johnson, Marcel Léger et Jean Garon. »
Autocollant électoral du Parti Québécois. 1981.
Collection Dave Turcotte
Alain Lavigne avance que « tout en assumant son rôle de ministre vedette dans la campagne nationale. Monsieur est bien visible dans son comté à l’occasion d’assemblées publiques et de pleines pages de publicité dans trois éditions d’affilée de L’Artisan. Dans celles-ci, le candidat Jacques Parizeau martèle qu’il est : “À l’image de L’Assomption. À l’image du Québec.” Toujours bon soldat, Parizeau se conforme aussi assez bien à la ligne de son parti qui met en sourdine son option sur la souveraineté. En fait, à une exception près, soit lors de la dernière assemblée dans son comté, en présence de René Lévesque, qui rassemble près de 3 000 personnes. »
Le gouvernement de René Lévesque est réélu lors de l’élection du 13 avril 1981. Le Parti Québécois fait élire 80 députés avec 49,3 % des votes et le Parti libéral, 42 députés avec 46 % des votes. Jacques Parizeau est réélu dans la circonscription de L’Assomption.
Alain Lavigne paraphrase les propos de Pierre Duchesne, biographe de Jacques Parizeau ainsi : « Cette victoire sans lauriers a un goût amer pour lui. Il en dira plus tard : “Lévesque a perdu sur l’essentiel, c’est-à-dire, le référendum et gagne l’accessoire : les élections de 1981.” »
Résultats de l'élection québécoise de 1981 dans la circonscription de L'Assomption.
Musée virtuel d'histoire politique du Québec
Nommé ministre des Finances et ministre des Institutions financières et Coopératives
Alain Lavigne croit que « la confiance de Lévesque envers Parizeau semble d’ailleurs s’effriter. À la formation du nouveau conseil des ministres, Lévesque lui retire la responsabilité du Conseil du trésor. Annonçant d’abord aux membres de son équipe son intention de démissionner, Jacques Parizeau revient finalement sur sa décision après 48 heures d’hésitation et de représentations. »
Le 30 avril 1981, Jacques Parizeau demeure ministre des Finances dans le cabinet Lévesque et devient ministre des Institutions financières et Coopératives (30 avril 1981 au 9 septembre 1982).
Photographie de Jacques Parizeau prêtant serment comme ministre. 1981.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Récession de 1981-1982
Selon Wikipédia, « entre août et décembre 1981, l’économie québécoise commence à se dérégler. Les taux d’intérêt augmentent de façon dramatique, dépassant 20 %. Les faillites se multiplient. Les usines ferment et des milliers de personnes se retrouvent brusquement au chômage. Sans le savoir, le Québec amorce la pire récession économique depuis la Grande Dépression. Dans ce contexte extrêmement difficile, les conventions collectives signées avec les employés du secteur public plombent les finances de l’État. Responsable des négociations avec les employés du secteur public, Jacques Parizeau se retrouve dans l’obligation d’imposer des compressions budgétaires à tous les ministères. Yves Bérubé (devenu le nouveau président du Conseil du trésor à partir de 1981) cherche à imposer au ministre Parizeau une annulation des augmentations de salaire prévues pour 1982. Les centrales syndicales ne bougent pas. C’est l’impasse. »
Autocollant du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec dénonçant les ministres Jacques Parizeau et Yves Bérubé ainsi que le premier ministre René Lévesque. 1983.
Collection Dave Turcotte
Alain Lavigne ajoute qu’en « 1982 et au début de 1983, le gouvernement Lévesque est la cible de moyens de pression et de grèves de la part de plusieurs syndicats des secteurs public et parapublic. Le gouvernement réagit à coups de lois spéciales et de décrets, lui permettant notamment de prolonger les conditions de travail de ses employés et de réduire leurs salaires. […] Le 5 avril, à l’occasion du Sommet économique de Québec, René Lévesque présente aux représentants du milieu des affaires et des syndicats les états financiers du Québec. Il annonce qu’il y a un trou de 700 000 millions $ dans les finances publiques. Et il fait alors allusion à un possible gel des salaires des employés de l’État. Les syndicats se préparent au pire.
Il revient au ministre des Finances de tenter de dissiper les craintes lors de son discours du budget, le 25 mai. Jacques Parizeau confirme que le gouvernement respectera ses engagements pour l’année 1982. Cependant, pour éviter la catastrophe budgétaire, il annonce du même coup que leurs conditions salariales et de travail seront revues dès le début de 1983 de la façon suivante : “Le gouvernement récupère les montants pour la période allant du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983. Les salaires touchés baissent en moyenne de 14,6 %, puis remontent. Pour les plus nantis, la récupération s’étalera sur trois ans. La tâche des enseignants est également augmentée par une modification apportée aux nombres moyens d’élèves par classe.”
Le 26 mai, le projet de loi 70 est déposé à l’Assemblée nationale par le président du Conseil du trésor, Yves Bérubé. Par cette loi, le gouvernement procède à une récupération salariale et prolonge par décret les conventions collectives de ses employés pendant trois mois au début de 1983. Parallèlement, le projet de loi 68 impose des modifications aux régimes de retraite, alors que le projet de loi 72 force le maintien des services essentiels dans les établissements de santé.
Plusieurs manifestations s’ensuivent. Le 10 novembre, le front commun syndical CSN-CEQ-FTQ déclenche une grève illégale de 24 heures. Celle-ci est stoppée par le projet de loi 50. Le 11 décembre, le gouvernement adopte la loi 105, met fin à la négociation avec ses employés et impose 109 nouvelles conventions collectives.
Le 26 janvier 1983, le Québec vit le début d’une série de grèves illégales. Le 15 février, l’Assemblée nationale est convoquée pour l’adoption de la loi 111. Cette dernière force le retour au travail. »
Pierre Duchesne écrit que : « Des années plus tard, les fonctionnaires ne pardonneront toujours pas au gouvernement péquiste d’avoir agi ainsi. Quand Jacques Parizeau sera élu premier ministre du Québec en 1994, il se fera encore reprocher l’adoption de cette mesure, même après avoir reconnu publiquement, en 1989, que l’idée n’était pas la bonne. »
Autocollant dénonçant le ministre Jacques Parizeau.
Collection Dave Turcotte
Corvée-habitation
Selon Wikipédia, « Afin de passer à travers la récession, Jacques Parizeau lance également le programme Corvée-habitation (avec la collaboration de la FTQ, alors la plus importante centrale syndicale du Québec) pour stimuler la construction domiciliaire en subventionnant une partie du taux hypothécaire. L’année suivante, Louis Laberge, président de la FTQ, propose la création d’un fonds des travailleurs. Le 23 juin 1983, la loi 192 vient sanctionner la mise sur pied du Fonds de solidarité de la FTQ : un fonds de retraite auquel toute la population du Québec pourra contribuer et profiter d’un crédit d’impôts de 35 %. »
Photographie de Jacques Parizeau en entrevue.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
La nuit des longs couteaux
Selon Wikipédia, à la suite de la défaite référendaire « René Lévesque décide de s’inspirer de la démarche de Claude Morin (son ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes) et de se lancer dans des négociations avec le reste du Canada. S’opposant depuis toujours à la démarche étapiste de Claude Morin, Jacques Parizeau recommande à René Lévesque de ne pas entamer des négociations si rapidement après la défaite référendaire, redoutant un renouvellement du fédéralisme qui affaiblirait le Québec. Malgré ces réticences, Lévesque décide d’entreprendre des négociations avec les provinces anglophones. En octobre 1980, il s’oppose formellement au rapatriement unilatéral de la constitution et au projet de Charte des droits et libertés de Pierre Elliott Trudeau (qui affaiblirait les provinces).
[…] Le Québec dirige alors un front commun de huit provinces (à l’exception de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick) en vue des négociations constitutionnelles. Malgré son désaccord avec son chef, Jacques Parizeau continue de se plier à sa volonté. Toutefois, les discussions constitutionnelles prennent un tournant inattendu. Dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, les sept premiers ministres des provinces anglophones du front commun et le ministre fédéral de la Justice Jean Chrétien se rencontrent en secret et forment une entente constitutionnelle, ignorant les demandes du Québec.
Le lendemain matin, René Lévesque apprend que les autres provinces du front commun ont abandonné le Québec. Ayant toute l’autorité pour rapatrier la constitution canadienne en y enchâssant une Charte des droits et libertés, Pierre Elliott Trudeau triomphe. Celle-ci sera signée le 17 avril 1982, en présence de la reine d’Angleterre, Élisabeth II. Toutes les provinces canadiennes signeront, à l’exception du Québec. »
Le « Beau risque »
Laurence Richard rappelle que le « moral des troupes péquistes est à son plus bas. Gérald Godin se déclare prêt à renoncer à l’indépendance. Claude Charron voit le salut dans le Parti conservateur fédéral. En 1984, René Lévesque se met à parler du fédéralisme de Brian Mulroney comme d’un “beau risque”.
Selon Parizeau, le débat de fond sur l’option souverainiste s’engage à une réunion du Conseil des ministres qui se tient à Fort-Prével en septembre 1984 […]. Les ministres débattent avec vigueur du sort qui sera fait à l’idée de la souveraineté : certains ne veulent pas changer l’objectif du PQ d’un iota alors que d’autres, voulant éviter un autre échec, s’éloignent de l’option indépendantiste. Lévesque obtient des ministres et des députés un moratoire à ce sujet. Ils doivent cesser de parler de souveraineté pendant quelque temps. […]
Le débat éclate quand Lévesque, lors d’un Conseil des ministres, annonce que Pierre-Marc Johnson, ministre des Affaires intergouvernementales, pressé de s’exprimer par Le Devoir, a écrit un article dans lequel il déclare que pour éviter de se faire dire non une deuxième fois, il faut carrément changer les articles du programme disant qu’un vote pour le PQ est un vote pour la souveraineté. “L’effet est terrifiant, dit Parizeau. Tout le monde a l’impression de s’être fait rouler.”
La réponse vient dans la “lettre des 12” ministres opposés à l’article de Johnson. Cette lettre, rédigée par Parizeau, est signée aussi par Laurin, Lazure, Harel, Leblanc-Bantey, Marois (Pauline), Tardif, Dean, Paquette, Landry, Léonard et Léger. Intitulée nécessaire souveraineté, elle constitue un acte de foi dans l’option souverainiste : “Nous continuons de croire que la souveraineté du Québec, dans le cadre d’une association économique avec le Canada, est l’instrument privilégié du développement économique du Québec, de sa capacité d’accéder à une plus grande justice sociale et à un épanouissement culturel normal… La souveraineté du Québec n’est pas seulement une question juridique et constitutionnelle, mais économique et sociale.”
Avant de rendre publique cette lettre, Parizeau l’a donnée à lire à Lévesque, qui perçoit le texte comme une rébellion et non comme un appui. Il se rapproche de Johnson. “Il est clair, dit Parizeau, qu’on se dirige vers un conflit : d’un côté, ‘le beau risque du fédéralisme’, et, de l’autre, la souveraineté. Les choses ont changé.” »
Laurence Richard continue : « La crise éclate le 19 novembre. Ce jour-là, Lévesque présente un texte à ses collaborateurs en leur demandant de prévoir les conséquences possibles de sa publication. Le texte affirme que “pour la prochaine élection, la souveraineté n’a pas à être un enjeu ; ni en totalité, ni en parties plus ou moins déguisées”. C’est un virage majeur et, selon Parizeau, l’entourage de Lévesque, pour la première fois, fait une erreur d’évaluation politique terrible. Ils concluent qu’il n’y aura que deux démissions parmi les députés et les ministres. Ils croient que Parizeau, pris par son livre blanc, le terminera, que Laurin et les autres resteront pour d’autres raisons.
Parizeau, ce jour-là, rencontre son exécutif élargi, soit une cinquantaine de personnes, dans son comté de l’Assomption. Est à son bureau de comté, vers cinq heures, quand Lévesque lui téléphone. “Vous avez eu la politesse de m’envoyer votre texte de la déclaration des 12, lui dit le premier ministre. J’ai l’intention de rendre un texte public, à minuit, ce soir. Voulez-vous envoyer quelqu’un pour le chercher ?”
Parizeau confie cette mission à son attaché de presse, Normand Saint-Hilaire. Lorsqu’il lit le texte, il est déçu, mais une expression surtout le fait sursauter : “l’idéal dans lequel nous croyions”. La lecture d’un tel texte l’incite à une petite indiscrétion : il rencontre les membres de son exécutif à huit heures et leur fait lecture du texte de Lévesque. Ensuite, il se rassoit et ceux qui le suivent depuis des années comprennent. Certains tentent mollement de lui faire retarder sa démission. Quand Parizeau quitte la réunion, il est clair pour tous qu’il démissionnera.
Le lendemain, Jacques Parizeau ne bouge pas. Le mercredi, c’est le Conseil des ministres. Dans la moitié des journaux qui ont rapporté la lettre de Lévesque, on lit : “l’idéal dans lequel nous croyons” et dans l’autre moitié, “l’idéal dans lequel nous croyions”. Devant les autres ministres, Parizeau ne pose qu’une seule question à Lévesque : “Il faut que je sache. Est-ce que c’est yions ou yons ? Yions”, répond Lévesque.
Trois heures plus tard, Parizeau présente sa démission. Elle sera suivie de celles de Laurin, de Léonard, de Leblanc-Bantey, de Boucher, de Paquette, de Lazure et de Vaugeois. Sa mésentente avec Lévesque fait beaucoup souffrir Parizeau, à cause de la relation d’extrême confiance réciproque qui les a liés jusque-là. “Moi, j’en ai été chaviré et je pense que lui aussi a été affecté.” »
Jacques Parizeau donne sa démission comme ministre le 22 novembre 1984 et comme député le 27 novembre 1984.
La une du journal La Presse. 23 novembre 1984.
Collection Dave Turcotte
La une du journal La Tribune. 23 novembre 1984.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Caricature de Raoul Hunter. Journal Le Soleil. 23 novembre 1984.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Raoul Hunter
René Lévesque
Laurence Richard prétend que « les rapports de Jacques Parizeau et de René Lévesque sont empreints de respect et de confiance : “Ce n’étaient pas des rapports d’amitié, précise Jacques Parizeau, parce que nous étions trop différents, mais il existait une confiance totale, dans les deux sens. Je ne me suis jamais méfié de Lévesque et il n’a jamais douté de moi. On avait travaillé tellement longtemps ensemble qu’on n’avait plus besoin de se faire des dessins ! En politique, un degré de confiance pareil, c’est rare. C’est à marquer d’une pierre blanche. Cette confiance est d’autant plus nécessaire que le ministre des Finances est en quelque sorte l’alter ego du premier ministre. Paradoxalement, pendant toutes les années où il occupe le poste de ministre des Finances, alors même qu’il est perçu comme l’éminence grise ou comme le dauphin du premier ministre, il ne rencontre pas René Lévesque ailleurs qu’au Conseil des ministres, une fois par semaine. Autrement, leurs rapports se limitent à des coups de téléphone très rapides pour consulter l’autre.” »
Sculptures d’art populaire à l’effigie de René Lévesque et Jacques Parizeau.
Assemblée nationale du Québec
Collection Alain Lavigne
Sculpteur Wyug (Guy Waters)
Retour aux HEC
Après sa démission, Jacques Parizeau se retire de la vie publique et retourne enseigner aux HEC. Laurence Richard souligne que tout « le monde sait qu’il est demeuré souverainiste, ce qui ne lui facilite pas toujours la vie. On fait appel à lui en qualité d’expert, souvent pour des travaux très complexes. Mais chacun s’assure de n’être pas compromis avec un affreux séparatiste : “C’est une période extrêmement curieuse, où les ministres des Finances, à Ottawa et à Québec, me sollicitent pour des avis, des expertises, à la condition que cela ne se sache pas !” raconte Parizeau. Il travaille donc pour le gouvernement fédéral et pour le gouvernement du Québec, sur la réforme des institutions financières. Il rédige des rapports sur divers sujets et certaines sociétés lui commandent même d’importants plans de réorganisation, mais toujours en secret. »
En 1985 et 1986, Jacques Parizeau est le président de la Commission d’étude sur les municipalités créée par l’Union des municipalités du Québec. En 1987, il est chroniqueur invité au Ottawa Citizen.
Photographie de Jacques Parizeau en conférence aux HEC lorsqu'il est ministre. 16 mai 1978.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Photographe Armand Trottier
LE MINISTRE
Photographie de Jacques Parizeau en discussion avec René Lévesque.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographe Jacques Nadeau
Mosaïque des présidents et des secrétaires du Conseil du trésor de 1971 à 1991. 1992.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographie de Jacques Parizeau avec quelques membres du conseil des ministres du gouvernement de René Lévesque. Vers 1981.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographie de Jacques Parizeau en discussion avec Félix Leclerc et Doris Lussier. Ce dernier a dédicacé cette photographie. 1980.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographies de Jacques Parizeau en visite au Festival Western de Saint-Tite. 1979.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographies de Jacques Parizeau en visite au Festival Western de Saint-Tite. 1979.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Élection 1976
Photographies de Jacques et Alice Parizeau lors de la Saint-Jean-Baptiste à Charlemagne. 24 juin 1976.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Affiche électorale du candidat péquiste Jacques Parizeau dans L'Assomption. 1976.
Collection Dave Turcotte
Invitation à une assemblée publique du Parti Québécois en présence d'Élie Fallu, Jacques Parizeau et Guy Chevrette. 1976.
Assemblée nationale du Québec
Fonds Élie Fallu
Publicité du Parti Québécois mettant en valeur l'équipe du Québec au service des Québécois. Journal La Presse. 13 novembre 1976.
Collection Dave Turcotte
Photographie de Jacques Parizeau en entrevue sur la scène du rassemblement du Parti Québécois au Centre Paul-Sauvé à Montréal. 15 novembre 1976.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographe Éric Parizeau
Élection 1981
Dépliant électoral du Parti Québécois. 1981
Collection Dave Turcotte
Dépliant électoral du candidat péquiste Jean Garon dans Lévis. 1981
Collection Dave Turcotte
Photographies de Jacques Parizeau lors de la soirée électorale du Parti Québécois. 13 avril 1981.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Photographe Antoine Desilets