Jacques Parizeau
Le conseiller
Conseiller économique et financier du premier ministre et du Conseil des ministres de 1961 à 1969
Le 22 juin 1960, le Parti libéral dirigé par Jean Lesage est porté au pouvoir. Il met ainsi fin à un long règne de l’Union nationale tour à tour dirigé par Maurice Duplessis (1944-1959), Paul Sauvé (1959-1960) et Antonio Barette (1960). Avec son équipe du tonnerre, le nouveau gouvernement élu entame une série de réformes. C’est le début de la Révolution tranquille.
Laurence Richard affirme que « Jacques Parizeau ne peut demeurer longtemps à l’écart de la grande vague de la Révolution tranquille qui, dans tous les domaines, submerge le Québec au cours des années soixante. Il décide d’en être un artisan dans les domaines où il excelle : l’économie et les finances publiques. L’année 1961 est pour lui l’année charnière qui détermine une nouvelle orientation non seulement pour sa carrière, mais pour sa vie. »
Selon Wikipédia, « dans la foulée de ces transformations administratives, sociales, économiques, politiques et culturelles, en avril 1961, Jacques Parizeau est recruté par Roland Parenteau, un collègue des HEC, pour intégrer le Conseil d’orientation économique (COE). Cette entrée dans ce groupe de hauts fonctionnaires est un tournant majeur dans la carrière de Jacques Parizeau. Alors inconnu de tous, sauf de ses étudiants, le jeune professeur des HEC se retrouve soudain avec un accès rapide aux multiples couloirs du pouvoir politique. Il devient membre de divers comités produisant des rapports et des mémos, dans le but d’aider le premier ministre Jean Lesage à préparer ses réformes. »
Photographie de Jean Marchand, René Lévesque et Roland Parenteau lors du colloque de l'Institut d'économie appliquée. 1963.
Fonds Secrétariat général
Laurence Richard précise que Jacques Parizeau avait précédemment eu un mandat en 1960, sous le gouvernement d’Antonio Barrette, pour collaborer « à la préparation d’un Code du travail. Cette étude à laquelle participent un nombre égal de représentants du patronat et des syndicats et d’universitaires ne sera terminée que sous le gouvernement Lesage. Quant au Code du travail rédigé à partir de cette étude, il n’entrera en vigueur qu’en 1964, après bien des rebondissements et des luttes syndicales. »
Antonio Barrette est candidat conservateur défait dans Joliette en 1935. Il est élu député de l'Union nationale dans la même circonscription en 1936 et réélu en 1939, en 1944, en 1948, en 1952, en 1956 et en 1960. Il est ministre du Travail du 30 août 1944 au 8 janvier 1960 dans les cabinets Duplessis et Sauvé. Il est choisi chef de l'Union nationale le 8 janvier 1960. Il est premier ministre, président du Conseil exécutif et ministre du Travail du 8 janvier au 5 juillet 1960. Il démissionne comme député et chef de l'Union nationale le 15 septembre 1960. Il est ambassadeur du Canada en Grèce du 4 avril 1963 au 12 juillet 1966.
Photographie du nouveau premier ministre Antonio Barrette. Journal La Presse. 6 février 1960.
Collection Dave Turcotte
Nationalisation de l’hydroélectricité
Laurence Richard raconte qu’un « dimanche après-midi de 1961, René Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles du Québec, téléphone à Jacques Parizeau, professeur d’économie aux HEC. Parizeau n’a rencontré Lévesque que deux fois, à son émission Point de mire, à laquelle il a été invité.
“Pensez-vous qu’on peut nationaliser les compagnies d’électricité ? Demande Lévesque à Parizeau.
— Je n’en ai pas la moindre idée. Il faudrait voir le dossier, répond Parizeau.
— Venez chez moi. J’ai le dossier.”
Lévesque réside rue Woodbury, tout à côté de la rue Robert où habite Parizeau, près de l’Université de Montréal. Celui-ci se rend à pied chez le ministre, qu’il trouve installé derrière une pile de feuilles.
“Voilà le dossier, dit Lévesque.
— J’ai combien de temps pour l’étudier ? demande Parizeau.
— Prenez tout votre temps.
— Oui, mais encore ?
— Trois, quatre jours.”
C’est ainsi que s’amorce une nouvelle carrière pour Jacques Parizeau : conseiller du gouvernement du Québec. »
Selon Wikipédia, « à cette époque, le territoire québécois était desservi en électricité par onze entreprises privées. Ces entreprises étaient contrôlées par un syndicat financier canadien-anglais, dominé par la firme de courtage A. E. Ames & Sons, la Bank of Montreal et la compagnie d’assurances Sun Life. Malgré une étatisation partielle du secteur de l’électricité en 1944 par le gouvernement d’Adélard Godbout (avec la création d’Hydro-Québec), ces entreprises d’électricité demeuraient tout à fait hostiles à l’intervention de l’État. Ceci avait pour conséquence de maintenir en place des structures de prix favorisant les grandes entreprises canadiennes-anglaises ou étrangères, au détriment des ménages et des petites et moyennes entreprises québécoises, et de donner au syndicat financier de la rue Saint-Jacques un pouvoir écrasant sur les choix politiques et économiques du Québec. »
« Au cours des années 1930, la grogne se fait entendre dans la population. Les tarifs abusifs des compagnies ainsi que l'augmentation incessante de leurs profits sont deux sujets qui attisent l'hostilité de la population. En 1934, le gouvernement Taschereau crée la Commission Lapointe. Dans son rapport elle condamne les abus des compagnies sans pour autant se prononcer en faveur d'une nationalisation. Elle se contente de proposer la création par l'État d'un organisme de contrôle ayant autorité sur les compagnies. Les problèmes persistent encore une bonne dizaine d'années avant que le gouvernement Godbout ne nationalise finalement la Montreal Light, Heat and Power Company, le 14 avril 1944. Une nouvelle société d'État, Hydro-Québec, prend alors la relève sur l'île de Montréal. » - Chaîne du Québec
Casque de protection d'Hydro-Québec.
Collection Dave Turcotte
Laurence Richard explique qu’assisté « par trois jeunes professeurs de comptabilité de l’École des hautes études commerciales, Parizeau prépare l’évaluation du coût des actions à payer à chacune des compagnies d’électricité qu’on s’apprête à nationaliser. La petite équipe calcule un coût de trois cents millions de dollars pour la nationalisation. L’étude, chiffres à l’appui, n’a pas coûté bien cher. Les trois jeunes des HEC sont à peine rémunérés pour ce travail. Quant à Parizeau, le total de ses honoraires s’élève à 900 dollars. Le gouvernement du Québec, peu expérimenté dans le domaine, sent le besoin de se faire rassurer. Une nouvelle évaluation est commandée à une grande maison de courtage new-yorkaise. Celle-ci vérifie les chiffres de Parizeau et confirme leur exactitude. Mais, bien entendu, la facture de la maison américaine est très élevée. Cette anecdote constitue selon Parizeau un bon exemple de l’esprit qui règne dans le Québec d’alors : les Québécois ne se font pas confiance. L’évaluation “locale” s’est pourtant avérée juste, à un dollar près ! C’est donc armé des chiffres de Parizeau que René Lévesque, en 1962, affronte la réunion décisive du Lac-à-l’Épaule, au cours de laquelle il convainc le premier ministre, Jean Lesage, et les autres libéraux de la pertinence de la nationalisation de l’électricité. »
La nationalisation de l’hydroélectricité devient aussitôt un enjeu politique important. Le 19 septembre 1962, Jean Lesage déclenche des élections anticipées sur la question. Plusieurs considèrent ce scrutin comme une élection-référendaire sur la nationalisation de l’hydroélectricité au Québec. Le 14 novembre 1962, le Parti libéral de Jean Lesage est réélu avec un plus grand nombre de députés : 63 sièges sur 95 et 56,40 % des voix.
La une du journal électoral du Parti libéral du Québec. 1962.
Collection Dave Turcotte
Laurence Richard relate que « le 21 novembre 1962, une semaine après l’élection qui a réélu les libéraux sur le thème de la nationalisation, il envoie à New York une délégation composée de Roland Giroux, de Michel Bélanger et de Jacques Parizeau. Giroux, président de la maison de courtage Beaubien-Lévesque, est le seul à être familier avec la haute finance. Beaucoup plus âgé que les autres, il est pour l’équipe à la fois le vieux sage et le grand expert. Quant à Parizeau et Bélanger, ils ne connaissent à peu près rien dans ce domaine, mais ils sont bien décidés à s’instruire aussi vite qu’il le faudra. Giroux les entraîne chez un concurrent de Ames, la maison de courtage Halsey Stuart, qui depuis longtemps souhaitait faire partie du syndicat financier québécois. Jacques Parizeau explique d’abord aux dirigeants de la maison de courtage les raisons pour lesquelles le gouvernement québécois est taxé de “socialiste”, et il leur expose les arguments en faveur de la nationalisation des compagnies d’électricité absolument indispensable, souligne-t-il. Il parle depuis quelques minutes à peine quand l’un des financiers l’interrompt : “P’tit gars, vous n’êtes pas exactement en avance. Les Ontariens ont fait ça en 1907. De combien avez-vous besoin ?” Parizeau avance un montant qui reçoit l’assentiment immédiat de ses interlocuteurs. Une entente est conclue sans délai. Et les trois “négociateurs” québécois se retrouvent dans Madison Avenue, vingt-cinq minutes après leur arrivée timide à la banque. […]
Par ailleurs, jamais auparavant les Américains n’ont prêté une telle somme à l’extérieur de leurs frontières. Et ils rompent avec cette tradition au profit de fonctionnaires d’un État francophone que toute l’aristocratie financière du Québec anglophone traite de “nationalistes”, de “socialistes” et de “bureaucrates hostiles à l’entreprise privée”. Selon André Marier, l’un des artisans importants de la Révolution tranquille, cette transaction réussie à New York a “brisé, une fois pour toutes, l’assujettissement du gouvernement québécois à un syndicat financier anglo-canadien qui veillait davantage aux intérêts de l’establishment de Montréal qu’à ceux de la population québécoise”. »
Jean Lesage
Laurence Richard croit que « La nationalisation de l’hydro-électricité a été l’un des détonateurs de la Révolution tranquille et a suscité la création d’autres sociétés d’État. René Lévesque prépare à cette époque la mise en place de la Société générale de financement (SGF) et d’une société de sidérurgie qui deviendra Sidbec ; il a recours aux services de quelques collaborateurs, dont Jacques Parizeau, qui travaille toujours à contrat. Le jeune économiste a beaucoup de clients au gouvernement du Québec : tantôt Paul Gérin-Lajoie, à l’Éducation, tantôt le ministère des Finances, tantôt René Lévesque, tantôt le Conseil d’orientation économique. Finalement, il passe des semaines entières à Québec. “C’est un peu bête, lui dit Lesage. Pourquoi ne venez-vous pas travailler avec nous, à plein temps ?” Il propose à Jacques Parizeau de devenir son conseiller et de jouer le même rôle auprès du Conseil des ministres. »
Laurence Richard ajoute que « Lesage initie donc son jeune conseiller aux mystères des finances et de l’administration gouvernementale. “Lévesque était plein d’idées, plein de dynamisme, mais il n’avait pas comme Lesage le sens de la gestion publique. Dans ce sens-là, Lesage nous a ‘élevés’, reconnaît Parizeau. Pendant la dernière année, Lesage, même si on l’accusait d’être arrogant, n’avait jamais aussi bien administré le gouvernement du Québec. C’était de toute beauté !” Les relations de Lesage avec Parizeau sont cordiales, mais le premier ministre évite de trop se rapprocher. “Lesage, dit Parizeau, était un homme distant. On n’était jamais, avec lui, ‘one of the boys’. En un certain sens, si je suis comme je suis aujourd’hui, c’est probablement à cause de cette époque. En politique, il faut montrer de l’intérêt, un peu de chaleur humaine et garder ses distances.” Dans l’exercice de ses fonctions de technocrate, Jacques Parizeau croit avoir influencé certaines décisions de Jean Lesage. »
Jean Lesage est élu député libéral à la Chambre des communes dans Montmagny-L'Islet en 1945 et est réélu en 1949, en 1953, en 1957 et en 1958. Il est adjoint parlementaire au secrétaire d'État aux Affaires extérieures du 24 janvier 1951 au 31 décembre 1952 et au ministre des Finances du 1er janvier au 13 juin 1953. Il est ministre des Ressources et du Développement économique dans le cabinet Saint-Laurent du 17 septembre au 15 décembre 1953, puis ministre du Nord canadien et des Ressources nationales du 16 décembre 1953 au 21 juin 1957. Il démissionne le 13 juin 1958, à la suite de son élection à la direction du Parti libéral du Québec le 31 mai 1958.
Il est élu député libéral dans Québec-Ouest en 1960 et est réélu en 1962 et dans Louis-Hébert en 1966. Il est premier ministre, président du Conseil exécutif et ministre des Finances du 5 juillet 1960 au 16 juin 1966. Il est ministre des Affaires fédérales-provinciales du 28 mars 1961 au 16 juin 1966 et ministre du Revenu du 30 mai au 8 août 1963. Il est chef de l'opposition de 1966 à 1970. Il fait part de sa décision d'abandonner le poste de chef du Parti libéral le 28 août 1969 et demeure en fonction jusqu'au congrès du leadership en janvier 1970. Il ne se représente pas en 1970.
Photographie de Jean Lesage exerçant son droit de vote. 1960.
Collection Alain Lavigne
Fonds Photo moderne
Carte professionnelle du premier ministre Jean Lesage. Entre 1960 et 1966.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Commission Parent
Selon Wikipédia, « l’une des premières réformes auxquelles Jacques Parizeau participe est celle du système d’éducation. En 1962, un recensement du taux de scolarité au Québec indique que 54 % des adultes de plus de 25 ans n’ont pas dépassé la 6e année du primaire. Ce constat lourd amène Paul Gérin-Lajoie à prendre rapidement des mesures pour transformer le système d’éducation québécois. Ainsi, dès novembre 1961, Jacques Parizeau est délégué comme consultant économique pour la Commission Parent. Épaulé par une équipe de chercheurs des HEC, il réalise des études sur le coût de l’éducation à tous les niveaux. Ces études contribueront, avec d’autres, à la mise en place d’un ministère de l’Éducation. »
Monseigneur Alphonse-Marie Parent est vice-recteur de 1949 à 1954 puis recteur jusqu'en 1960 de l'Université Laval et président de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec de 1961 à 1966.
Photographie de Monseigneur Alphonse-Marie Parent. 1953.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Photographe Gabriel (Gaby) Desmarais
Volumes 1, 2, 3, 4 et 5 du rapport Parent. 1966.
Collection Dave Turcotte
Société générale de financement
Wikipédia rapporte que « dès octobre 1961, Jacques Parizeau participe également à la mise en place de la Société générale de financement (SGF) : une société d’État mixte, dirigée par un conseil d’administration québécois francophone […], offrant des fonds aux entreprises en manque de capitaux et participant à la gestion de ces entreprises par le biais de leur capital-actions. Créée [le 26 juin] 1962, celle-ci a pour premier mandat d’établir une industrie sidérurgique d’État — Sidbec — au Québec dans le but de mettre fin au monopole de l’acier basé en Ontario. Si le projet de sidérurgie n’a pas le succès escompté à cause de la résistance des milieux financiers anglophones, la création de la SGF permet toutefois à Jacques Parizeau de mieux comprendre les forces et les influences qui s’opposent à la création de sociétés d’État québécoises. »
Jacques Parizeau a aussi participé à l’élaboration et à la mise en place de la Société québécoise d’exploration minière (SOQUEM) en 1965. Jacques Parizeau est membre des conseils d’administration de la Société générale de financement et de la SOQUEM de leur création jusqu’en 1969. Laurence Richard précise qu’au conseil d’administration de la SGF, « Parizeau agit à titre d’administrateur, mais également en tant qu’agent de liaison pour vérifier de quelle façon l’action qui se passait-là était compatible avec les actions qui se déroulaient ailleurs ».
Caisse de dépôt et placement du Québec
Selon Wikipédia, « l’expérience de la nationalisation de l’hydroélectricité est déterminante pour Jacques Parizeau. Celle-ci le motive à trouver une façon de libérer l’État québécois de l’emprise du syndicat financier canadien-anglais. En fouillant dans les dossiers du ministère des Finances, Jacques Parizeau découvre une série de fonds dispersés dans les comptes publics de l’État. Ces divers fonds (tels que le fonds des mariages protestants et le fonds de la Curatelle publique), pris séparément, n’avaient aucun impact significatif sur l’économie. Toutefois, en calculant leur total, Jacques Parizeau est frappé par une idée originale : s’ils étaient regroupés, ces fonds pourraient constituer une masse critique de capitaux à investir. Cette masse permettrait au gouvernement du Québec d’acheter lui-même des obligations, de s’activer sur le marché financier et d’ainsi orienter le développement économique en fonction des intérêts du Québec francophone. Le tout pourrait être géré par une “caisse centrale de l’État […] rattachée administrativement au ministère des Finances”. Ce raisonnement de Parizeau sera à l’origine de l’une des créations majeures de la Révolution tranquille : la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). »
La CDPQ est créée en juillet 1965 et lance ses opérations en janvier-février 1966. Jacques Parizeau est membre de son conseil d’administration de sa création jusqu’en 1969.
Laurence Richard souligne que « dans son discours du 9 juin 1965, Jean Lesage affirme : “La Caisse de dépôt et placement est appelée à devenir l’instrument financier le plus important et le plus puissant que l’on ait eu jusqu’ici au Québec.” Il ne se trompe pas. Plus tard, sorti de l’arène politique, le père de la Révolution tranquille affirmera que la création de la Caisse fut “le plus grand service” qu’il ait rendu au Québec ! En décembre 1969, quand on lui demande de citer une mesure qui a remis en question l’empire politico-économique de la minorité anglophone au Québec, René Lévesque répond sans hésiter : “La Caisse de dépôt.” »
Régie des rentes du Québec
Wikipédia note qu’en « en mars 1963, le gouvernement de Jean Lesage songe à créer un régime public des rentes, géré par le gouvernement du Québec. Cette même idée est reprise par Lester B. Pearson, mais gérée par le gouvernement du Canada pour toutes les provinces. La gestion des fonds de retraite étant de compétence provinciale, le gouvernement Lesage s’oppose au projet du gouvernement Pearson.
Souhaitant que le contrôle et le placement de l’argent au Québec demeurent l’affaire de l’État québécois, Lesage décide de combiner le projet de régime public des rentes à l’idée du regroupement de fonds trouvée par Jacques Parizeau : en plaçant sur le marché les fonds regroupés, c’est-à-dire en les investissant dans l’économie québécoise, ces sommes permettraient de stimuler le développement économique tout en faisant fructifier les épargnes des futurs retraités.
Ce projet de régime capitalisé est présenté dans un geste d’éclat par Jean Lesage, lors d’une conférence fédérale-provinciale en mars 1964. Prenant de court le gouvernement fédéral […], ce dernier concède au Québec le droit de créer son propre régime public. C’est ainsi que naît une deuxième institution phare de la Révolution tranquille, la Régie des rentes du Québec (RRQ). »
La RRQ est aussi créée en juillet 1965 et commence ses activités en janvier-février 1966.
Daniel Johnson (père)
Le 18 avril 1966, Jean Lesage déclenche des élections. « À la surprise générale, l’Union nationale est portée au pouvoir, renvoyant l’équipe du tonnerre de Jean Lesage dans l’opposition. Craignant à un retour à la Grande noirceur duplessiste, le nouveau premier ministre Daniel Johnson crée la surprise en annonçant qu’il compte poursuivre les réformes de ses prédécesseurs, et en conservant les “technocrates sans âme” recrutés par Jean Lesage. Malgré ce changement de gouvernement, Jacques Parizeau continue ainsi à conseiller le premier ministre du Québec. » - Wikipédia.
Laurence Richard explique que « Jean Lesage ne perd pas confiance : “Je verrai, au poste que j’occuperai temporairement à partir de demain, à ce que la Révolution tranquille se poursuive”, affirme-t-il. Lesage joue de son influence auprès de Parizeau et de ses collègues […] pour les persuader d’assurer la continuité de l’État. Il intervient personnellement auprès de Jacques Parizeau : “C’était une scène extraordinaire, raconte Parizeau. Du grand Lesage. Il vient d’être battu. Et pourtant, il nous demande à nous, les membres de son bureau technique de préparer, en deux exemplaires, tous les dossiers, pour les remettre à Johnson. Il veut que son successeur sache exactement où le gouvernement en est rendu sur le plan des négociations collectives et en ce qui concerne chacune des sociétés d’État, créées ou qui restent à créer. Il désire également lui remettre un compte rendu sur les relations fédérales-provinciales, sur la constitution, sur les finances et sur l’économie.”
Jacques Parizeau et Claude Morin se hâtent de préparer ces rapports et ils les confient à Jean Lesage. Le dernier jour du “règne” de Lesage, celui-ci rend visite à ses collaborateurs, dans leurs bureaux respectifs. Jean Lesage déclare à Parizeau […] : “Si le premier ministre veut accepter vos services, je compte que vous vous mettiez à sa disposition. C’est votre devoir.” Parizeau est ébranlé : “Quand le patron n’est jamais entré dans votre bureau et qu’il y pénètre seulement pour vous serrer la main et vous dire cela, c’est tout un choc.”
Lorsque Daniel Johnson entre en fonction, le jeune fonctionnaire Parizeau lui présente sa démission, en souhaitant qu’elle soit refusée. Tous les rapports de Parizeau et de Morin sont étalés sur le bureau de Johnson. Il leur dit à tous les deux qu’il lira les rapports et leur dira ensuite s’il accepte leurs démissions. Une semaine plus tard, Johnson convoque Parizeau et Morin : “J’ai lu tous les rapports et je vous demande à tous de rester”, dit-il. »
Laurence Richard soumet qu’entre « Johnson et Parizeau, les relations sont excellentes. Parizeau affirme avoir eu avec Johnson les mêmes rapports de confiance qu’avec Lesage, le même intérêt pour son travail : “C’étaient deux hommes très différents. Lesage était un être rationnel, remarquablement organisé, pragmatique. Johnson était intuitif et brouillon.” Ce qui avait peu d’importance parce que Lesage avait appris à ses conseillers à travailler. Avoir un patron un peu effervescent et intuitif ne constituait pas un problème parce que la machine était en place. Sous l’administration Johnson, en 1967-1968, Jacques Parizeau prépare les stratégies des conférences fédérales-provinciales sur le partage fiscal et les programmes conjoints et s’occupe des négociations collectives, tout comme au temps de Lesage. Il met aussi le nez dans à peu près tous les dossiers quotidiens à court comme à long terme et est l’un des premiers conseillers du premier ministre Johnson ».
Daniel Johnson (père) est élu député de l'Union nationale dans Bagot à l'élection partielle du 18 décembre 1946 et réélu en 1948, en 1952, en 1956, en 1960, en 1962 et en 1966. Il est adjoint parlementaire au président du Conseil exécutif du 1er janvier au 15 décembre 1955. Il est orateur suppléant du 15 décembre 1955 au 30 avril 1958. Il est ministre des Ressources hydrauliques dans les cabinets Duplessis, Sauvé et Barrette du 30 avril 1958 au 5 juillet 1960. Il est élu chef de l'Union nationale le 23 septembre 1961. Il est chef de l'opposition à l'Assemblée législative de 1961 à 1966. Il est premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 16 juin 1966 au 26 septembre 1968. Il est ministre des Richesses naturelles du 16 juin 1966 au 31 octobre 1967, des Affaires fédérales-provinciales du 16 juin 1966 au 26 avril 1967 et des Affaires intergouvernementales du 26 avril 1967 au 26 septembre 1968. Il décède en fonction au barrage Manic-5, le 26 septembre 1968, à l'âge de 53 ans et 5 mois.
Bas-relief en plâtre à la mémoire de Daniel Johnson à la suite de son décès en fonction.
Collection Dave Turcotte
Sculpteur D. F. Allard
Politique salariale de l’État québécois
Laurence Richard affirme que « le premier ministre Lesage confie à Jacques Parizeau la tâche d’uniformiser et de traduire en chiffres précis les salaires et les conditions de travail des divers membres de la fonction publique. À son arrivée au pouvoir, Daniel Johnson renouvelle le mandat de Parizeau. Celui-ci s’attelle à cette formidable tâche qui mènera à l’adoption de la loi 25 établissant des échelles de salaires uniformes pour tous les enseignants du Québec, en fonction des années de scolarité et d’expérience. Le même processus est suivi pour les hôpitaux et la fonction publique. La rationalisation des conditions de travail et la centralisation des négociations dans les secteurs public et parapublic sous les gouvernements Lesage et Johnson constituent des facteurs importants de consolidation de l’État québécois. Ce sont des réalisations majeures de la Révolution tranquille largement imputables à Jacques Parizeau. »
La première politique salariale de l’État québécois est mise en application à la suite de grèves générales importantes dans le secteur hospitalier en juillet 1966, dans le secteur de l’enseignement en janvier et février 1967, et au sein de la Régie des alcools du Québec en octobre 1968.
Jean-Jacques Bertrand
Laurence Richard prétend que « Jacques Parizeau voit d’un autre œil la venue de Jean-Jacques Bertrand, qui remplace Johnson après sa mort en 1968 : “Avec lui commence la fin de la Révolution tranquille.” Parizeau travaille très peu de temps avec Bertrand. De toute façon, le congé non rémunéré que lui avait accordé l’École des hautes études commerciales s’achève. »
Jean-Jacques Bertrand est élu député de l'Union nationale dans Missisquoi en 1948 et réélu en 1952, en 1956, en 1960, en 1962, en 1966 et en 1970. Il est nommé adjoint parlementaire au ministre des Terres et Forêts et au ministre des Ressources hydrauliques le 17 décembre 1954. Il est ministre des Terres et Forêts dans les cabinets Duplessis et Sauvé du 30 avril 1958 au 8 janvier 1960. Il est ministre de la Jeunesse et ministre du Bien-être social dans le cabinet Barrette du 8 janvier au 5 juillet 1960. Il est candidat défait à la direction de l'Union nationale en 1961. Il est nommé vice-président du Conseil exécutif le 17 juin 1966. Il est ministre de l'Éducation dans le cabinet Johnson du 16 juin 1966 au 31 octobre 1967 et ministre de la Justice dans le même cabinet du 16 juin 1966 au 2 octobre 1968. Il est nommé chef intérimaire de l'Union nationale le 2 octobre 1968, à la suite du décès du premier ministre Daniel Johnson. Il est premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 2 octobre 1968 au 12 mai 1970. Il est ministre de la Justice et ministre des Affaires intergouvernementales du 2 octobre 1968 au 23 juillet 1969. Il est ministre des Finances du 18 au 23 juillet 1969. Il est confirmé chef permanent de l'Union nationale à l'issue du congrès de son parti tenu le 21 juin 1969. Il est chef de l'opposition officielle du 12 mai 1970 au 19 juin 1971.
Photographie du nouveau premier ministre Jean-Jacques Bertrand. Journal Perspectives, page 22. 23 novembre 1968.
Collection Dave Turcotte
Commission Parizeau
De 1966 à 1969, Jacques Parizeau est président du comité d’étude sur les institutions financières qui aura comme surnom la « Commission Parizeau ». Selon Wikipédia, « en mars 1967, la “Commission Parizeau” propose un programme d’assurance-dépôts et un service central d’inspection et de contrôle des institutions financières. Dans son rapport final, elle recommande également de créer une agence de protection du consommateur et de simplifier le cadre juridique des institutions financières en permettant aux compagnies d’assurances, aux fiducies et à toutes les sociétés financières de faire concurrence aux banques sur leur propre terrain. »
Laurence Richard précise que « le 9 août 1969, Jacques Parizeau publie un rapport sur les institutions financières qu’il a mis deux ans à préparer avec son équipe. Il décrit sa vision des marchés financiers du Québec, en donnant à la Caisse de dépôt toute son importance. Pour l’instant, ce rapport reste lettre morte, mais ce n’est que partie remise. Dès sa nomination comme ministre des Institutions financières en 1981, Jacques Parizeau le sortira des boules à mites et commencera à le mettre en application. Ce rapport aura une influence considérable non seulement sur les institutions financières du Québec, mais aussi sur celles du Canada. Des années plus tard, le président de l’Association des banquiers, Bob McIntosh, déclarera que “le rapport Parizeau est en train de s’implanter partout au Canada et [que] c’est devenu un modèle.” »
Son mandat terminé, Jacques Parizeau peut se consacrer à son nouvel objectif : l’indépendance du Québec. Dès octobre 1969, il passe de l’ombre à la lumière et fait le saut en politique active. À terme, Jacques Parizeau est conseiller économique et financier du premier ministre (Jean Lesage, Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand) et du Conseil des ministres de 1961 à 1969.
LE CONSEILLER
Photographie de Jacques Parizeau à son bureau de travail. Décembre 1965.
Collection Alain Lavigne
Fonds Photo Moderne
La une du journal libéral La Réforme. Juillet 1960.
Collection Dave Turcotte
Photographie du premier ministre Jean Lesage et de Jacques Parizeau. Vers 1962.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographie de Jacques Parizeau.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Jacques Parizeau en escale avec Daniel Johnson à Montréal. Ce dernier doit écourter sa présence à une conférence annuelle des premiers ministres provinciaux tenue à Toronto pour présider une réunion des membres de son cabinet en rapport avec le conflit hospitalier.
Photographie du premier ministre Daniel Johnson et de Jacques Parizeau. 1er août 1966.
Collection Claude Bouchard
Courtoisie des éditions du Septentrion
Daniel Johnson à son arrivée à Québec pour présider une réunion d'urgence du Conseil des ministres en rapport avec le conflit hospitalier.
Photographie du premier ministre Daniel Johnson et de Jacques Parizeau. 1er août 1966.
Collection Assemblée nationale du Québec
Photographe Photo moderne enrg
Jacques Parizeau à Paris, en coulisses d’un déjeuner officiel entre le premier ministre français Georges Pompidou et son homologue québécois Daniel Johnson.
Photographie du premier ministre Daniel Johnson et de Jacques Parizeau. Mai 1967.
Collection Claude Bouchard
Courtoisie des éditions du Septentrion
Photographies de Jacques Parizeau avec des dignitaires. Vers 1967.
Collection Stéphane Thibault
Sidérurgie
Notes manuscrites de Jacques Parizeau sur l’industrie sidérurgique dans la province de Québec.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Lettre de David Robillard, sous-ministre suppléant au ministère des Finances, adressée à Jacques Parizeau. 30 janvier 1963.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Lettre de Cyrille Dufresne, directeur-adjoint du Comité de sidérurgie, adressée à Jacques Parizeau. 20 septembre 1963.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Lettre de Patrick R. Hyndman, conseiller économique de la Délégation générale du Québec à Paris, adressée à Jacques Parizeau. 21 septembre 1963.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Lettre de Gérard Filion, directeur général de la Société générale de financement, adressée à Jacques Parizeau. 22 octobre 1964.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Entrevue de Jacques Parizeau sur la Révolution tranquille dans le journal La Presse. 23 juin 1985.
Collection Dave Turcotte