Jacques Parizeau
L'économiste
Laurence Richard souligne que lorsque Jacques Parizeau « revient au pays, les économistes francophones sont rares au Québec. […] “À cette époque-là — dans les années cinquante —, un francophone dans n’importe quel métier un peu complexe était considéré comme un incompétent, souligne Parizeau. Nous étions encore perçus comme des faibles d’esprit, dans ce milieu.” Jacques Parizeau, lui, pénètre sans difficulté les cercles anglophones. Il écoute avec étonnement les francophones qui se plaignent de discrimination. Il ne comprend pas ce qu’ils lui racontent. La clef de l’énigme lui est un jour donnée par un professeur d’économie anglophone qui lui dit : “Vous êtes passé par l’Angleterre. Comment voulez-vous qu’on considère que vous n’êtes pas l’un des nôtres ? Vous considérer moins bon que nous serait nous renier nous-mêmes !” »
Laurence Richard ajoute, « un doctorat de la London School of Economics, ça impressionne. Même dans les milieux anglophones, Jacques Parizeau ne passe pas pour un incompétent : “[…] quand je suis revenu d’Europe, je parlais le français avec un accent français et l’anglais avec un accent britannique. Dans les deux groupes ici, je passais pour un sacré snob !” »
Professeur à l'École des hautes études commerciales de Montréal (HEC)
À l’automne 1955, Jacques Parizeau devient professeur aux HEC et se voit confier alors le cours de commerce international. Il se spécialise dans les questions d’économie politique, d’administration publique et de commerce international.
Laurence Richard note que « François-Albert Angers lui offre un poste de professeur aux Hautes Études commerciales… pour 2500 $ par année. “J’avais un salaire inférieur à celui d’un journalier à Montréal”, dit Parizeau. Les professeurs d’université n’ont obtenu à peu près aucune hausse de salaire depuis de nombreuses années. Le premier ministre Duplessis, particulièrement, refusait d’augmenter leur salaire. “J’ai choisi un métier de crève-faim.” En apprenant la décision de son fils, Gérard Parizeau se prend la tête entre les mains et lui demande de quoi il va vivre. “Cette réaction paternelle m’a au moins décidé à ne vivre que de ma paye. Il y a beaucoup de gens qui s’imaginent que Parizeau, il est riche ! Je ne suis pas riche, moi. Je vis de ce que je gagne.” En effet, Jacques Parizeau, contrairement aux autres membres de sa famille, n’a pas de fortune personnelle. Il choisit donc le métier d’enseignant, malgré ses ingrates conditions de travail, et refuse même un emploi à la Banque de Paris, où on lui offre deux fois et demie son salaire de professeur. Enseigner l’économie à l’université, c’est ce qu’il a toujours voulu faire. »
Selon Wikipédia, « en plus de ses tâches d’enseignement et de recherche, en 1956-1957, Jacques Parizeau commence à donner des conférences à la radio, à la télévision et dans des événements publics. Suivant l’exemple de son mentor, il offre également son expertise à différentes entreprises et organismes, notamment la Confédération des syndicats nationaux (CSN). À la suite d’un stage à l’Université Queen’s à Kingston, en 1958, il est embauché à la Banque du Canada. Malgré son doctorat de la LSE, Jacques Parizeau se bute à la résistance de ses supérieurs canadiens-anglais. La direction le relègue alors à un poste subalterne : celui de traducteur des rapports annuels de l’institution. Reflet du mépris envers les francophones, à la même époque, le plus haut placé des francophones dans la hiérarchie de la Banque du Canada était le gérant des bâtiments. »
Laurence Richard précise qu’en 1963, « Parizeau retourne travailler au Canada anglais, cette fois-ci pour la Commission Porter sur le système bancaire et financier. Tous les services de recherche de cette commission se trouvent à Toronto. Parizeau y prépare une étude sur l’administration de la dette fédérale. C’est un sujet — les questions monétaires et bancaires — sur lequel il a déjà travaillé avec François-Albert Angers : “La connaissance de l’administration de la dette publique que j’ai acquise à ce moment-là, dit Parizeau, m’a servi toute ma vie. J’ai passé six mois à n’étudier que cette question.” Malheureusement, il ne peut pas publier les résultats de son étude. La Banque du Canada a accepté de lui fournir la totalité de ses données sur ses opérations au jour le jour, à la condition qu’il s’engage à tout détruire une fois les travaux terminés et que la mention “secret” figure sur toutes les pages du rapport présenté à la Commission Porter. »
De 1955 à 1961, il est secrétaire général de la rédaction de la revue L’Actualité économique, revue du département précédemment dirigée par François-Albert Angers. Fait inusité, cette revue est fondée par son père Gérard Parizeau, trente ans auparavant. Selon Graham Fraser, après le Canadian Journal of Economies and Political Science, c’est « la plus importante revue d’économie au pays ».
Au final, Jacques Parizeau est professeur aux HEC de 1955 à 1976 et de 1985 à 1989. Il agit aussi à titre de directeur de l’Institut d’économie appliquée de cette école de 1973 à 1975.
Le 14 novembre 2023, la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques est inauguré à HEC Montréal. Le site Internet de la Chaire informe qu'elle a « pour mission d’analyser avec la plus grande rigueur académique plusieurs grands défis économiques auxquels le Québec est confronté.
Pour ce faire, la Chaire veut :
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Enrichir les débats politiques et aider les décideurs publics avec des travaux d’une rigueur académique irréprochable;
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Étudier les phénomènes ayant un impact majeur sur notre capacité à augmenter la productivité et la prospérité du Québec;
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Renforcer les compétences de HEC Montréal en politiques économiques;
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Rejoindre, inspirer et intéresser les étudiants et professeurs aux questions de politiques économiques touchant le Québec. »
L'ÉCONOMISTE
Photographie de Jacques Parizeau. Entre 1961 et 1969.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Fonds Jacques Parizeau
Photographie de la façade du premier immeuble de l’École des hautes études commerciales de Montréal, rue Viger. Vers 1955.
Fonds Directorat
Photographie de la bibliothèque de l’École des hautes études commerciales de Montréal, rue Viger. Vers 1960.
Fonds Bibliothèque HEC Montréal
En 1893, l'homme d'affaires Damase Parizeau, arrière-grand-père de Jacques Parizeau, souligne devant la Chambre de commerce du district de Montréal, l'importance de relever le niveau de l'enseignement commercial. (Voir haut du panneau : texte et photographie de Damase Parizeau).
Photographie du panneau rappelant la création de l’École des hautes études commerciales de Montréal. 2024.
Collection Dave Turcotte
En 1907, l’École des hautes études commerciales de Montréal est fondée. Elle loge sur la rue Viger jusqu’en 1970. Le bâtiment est maintenant occupé par les Archives nationales du Québec, où se trouve notamment le fonds Jacques Parizeau.
Photographies de l'ancienne bibliothèque de l’École des hautes études commerciales de Montréal, aujourd'hui cœur des Archives nationales du Québec. 2024.
Collection Dave Turcotte