Adélard Godbout

15e premier ministre du Québec
11 juin 1936 au 26 août 1936
&
8 novembre 1939 au 30 août 1944
Libéral

Premier ministre du Québec en 1936, puis de 1939 à 1944, Adélard Godbout est le principal opposant de Maurice Duplessis. Pour certains, on lui doit des lois sociales qui préparent la Révolution tranquille et font entrer le Québec dans la modernité. Pour d’autres, il est à la solde du fédéral en le laissant imposer la conscription durant la Seconde Guerre mondiale et en sacrifiant des pouvoirs québécois aux mains du gouvernement central. Godbout, traître ou patriote ? Son petit-neveu, Jacques Godbout, en a d’ailleurs fait un documentaire. Mais le qualificatif qui décrit malheureusement Godbout, et bien d’autres premiers ministres québécois, est : oublié. Cette exposition vous permettra d’en apprendre davantage sur ce premier ministre méconnu des Québécois.
Bonne visite !
L’homme
Adélard Godbout est né à Saint-Éloi le 24 septembre 1892. Il est le fils de Marie-Louise Duret et d’Eugène Godbout, cultivateur, maquignon et commerçant. Eugène Godbout est très impliqué à Saint-Éloi. En plus de son travail, il est tour à tour président de la commission scolaire, secrétaire du syndicat de beurrerie, et maire du village.


Photographies de sa mère Marie-Louise Duret et de son père Eugène Godbout.
Collection Jean-Marc Pettigrew
Collection famille Godbout
Études
Le treizième enfant d’une famille de vingt, Adélard débute ses études primaires à l’école de rang. Marcel Labelle raconte : « C’est probablement l’inspecteur ou le curé qui a remarqué les talents du jeune Adélard. À cette époque, les autorités insistaient auprès des parents afin qu’ils envoient leurs fils les plus talentueux au Séminaire “faire leur cours classique” afin de devenir des prêtres. Mais, le cours classique n’était pas gratuit. Toutefois, malgré sa famille nombreuse, la situation du père d’Adélard était prospère. Eugène Godbout, en bon maquignon, conclut donc une entente avec le Séminaire de Rimouski : il s’engageait à livrer 100 poches de pommes de terre par année pour payer la pension de son jeune Adélard. »
À l’automne 1905, il quitte son village natal de Saint-Éloi en direction de Rimouski. Au séminaire, Adélard est plus jeune que la majorité de ses confrères de classe. Ayant été exempté des années préparatoires, il a près de deux ans de moins que les autres élèves. Cette exemption est justifiée par son niveau académique, mais également pour éviter des frais supplémentaires à sa famille peu fortunée.
Marcel Labelle explique qu’Adélard « dévore tous les livres qui lui tombent sous la main, mais il ne manifeste pas de talents particuliers à ce moment-là. Par ailleurs, il découvre le baseball et y développe une habileté de lanceur. […] En 1908, le jeune Adélard commence à ressentir des malaises au genou. Un jour, lors d’une récréation, il se démet le genou. Les douleurs le tenaillent la nuit, l’empêchant de dormir. Il doit même quitter le Séminaire pour se reposer chez lui. Il y revient en septembre 1909 transformé, au dire de ses camarades de l’époque, en un jeune homme studieux qui deviendra premier de classe. »
En 1910, il intègre la Société de Saint-Louis-de-Gonzague qui valorise l’expression orale. Selon Wikipédia : « Bien qu’il intègre l’association en 1910, ce n’est pas avant 1912 qu’Adélard Godbout participera aux différentes discussions. L’une des discussions marquantes dans l’association est lorsqu’il reconstituait le procès de Louis-Riel, lorsque le jeune Godbout jouait le rôle de l’avocat de la couronne. » Cette association l’amène à développer ses capacités d’orateur. Il sera d’ailleurs reconnu plus tard, comme l’un des meilleurs orateurs de sa génération.
À la suite de ses études au Séminaire, Adélard décide de devenir prêtre et d’entrer au Grand Séminaire de Rimouski. Marcel Labelle relate : « En plus de suivre ses cours, il doit veiller à l’enseignement du latin auprès des plus jeunes. Il semble heureux de son nouvel état lorsque, à peine intégré à sa nouvelle vie, ses maux de jambe le reprennent violemment, l’obligeant à se déplacer en béquilles. L’Église catholique de l’époque, qui ne manquait aucunement d’effectifs, n’admettait pas dans ses rangs des candidats malades ou à la santé chancelante. Adélard Godbout est donc invité par son professeur de théologie à se retirer du Séminaire et à réintégrer la vie civile. Le retour par le train à Saint-Éloi, en soutane et en béquilles, a dû être mortifiant pour le jeune homme qui doit maintenant repenser son avenir. »
Marcel Labelle affirme que « c’est par amour de la terre qu’Adélard Godbout s’oriente vers l’agronomie. Au début du 20e siècle, la profession est peu valorisée. Selon le journaliste Olivar Asselin, les agronomes ont peu d’influence sur les cultivateurs. Il faut dire que le service agronomique de la province de Québec n’est organisé que depuis 1913. Trois écoles d’agronomie donnent leurs cours depuis quatre ans : le Collège MacDonald, rattaché à l’Université McGill, pour les anglophones, l’Institut agricole d’Oka, pour les francophones — les deux dans la région de Montréal — et l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-Ia-Pocatière, inaugurée en 1913. C’est dans cet établissement qu’en février 1916, Adélard Godbout entreprend trois années d’études. »
Selon Jean-Guy Genest, Adélard y « retrouva l’atmosphère austère et profondément confessionnelle du Séminaire de Rimouski où il venait de passer une dizaine d’années. “L’école doit former une grande famille chrétienne”, prescrivait le règlement. […] La discipline était empreinte d’un cachet d’austérité et de prudence morale. La cigarette est interdite, la pipe est tolérée. Il est défendu “à deux élèves d’habiter la même chambre à moins qu’ils soient frères”, les étudiants ne sortent “jamais au village sans mission du directeur”. “Dans les excursions et les visites des expositions, les élèves étaient toujours accompagnés d’au moins un professeur.” En somme, c’était l’atmosphère des collèges classiques de la première moitié du XXe siècle. » Adélard mène ses études avec brio et en décembre 1918, il obtient son baccalauréat en sciences agricoles avec mention grande distinction. Une première pour cette école.


Photographies du Séminaire de Rimouski avant et après l'agrandissement de 1905.

Photographie d'Adélard, à l'âge de 20 ans, finissant au Séminaire de Rimouski. 1913.
Collection famille Godbout
Famille
Jean-Guy Genest décrit Adélard comme « gai, enjoué, taquin, très affable, solide fumeur et amateur de bonnes plaisanteries ». Lorsqu’il devient agronome du comté, Adélard a la responsabilité de la section locale du Cercle de fermières. Vers 1922, il y fait la rencontre d’une jeune femme de Notre-Dame-de-Bon-Secours-de-L’Islet, Dorilda Fortin, trésorière de l’organisme. Dorilda est une ancienne institutrice de rang qui s’occupe de la centrale téléphonique de L’Islet. Après quelques mois de fréquentation, le couple se dit « oui, je le veux » le 9 octobre 1923 à L’Islet et emménage sur la rue Principale, à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
Le Dictionnaire biographique du Canada révèle que « le couple ne vit pas richement. Le salaire de Godbout, plutôt mince, le force, ainsi que sa femme, à trouver des sources de revenus supplémentaires : il vend au marché local le surplus de la production de sa fermette, où il élève des poules et des lapins, et Dorilda fait du tricot pour une entreprise. »
Le 8 janvier 1925 naît leur premier enfant Jean. À l’automne de la même année, la petite famille déménage dans une maison neuve, la première dotée de l’électricité à La Pocatière. La famille s’y agrandit de trois autres enfants : Pierre, Marthe et Rachel. Thérèse, la cadette de la famille, voit le jour en 1931, à Québec.
L'HOMME


Photographies de la maison natale d'Adélard Godbout sur la ferme familiale à Saint-Éloi et du monument commémoratif inauguré le 17 septembre 1989.
Collection Dave Turcotte

Photographie d'Adélard Godbout et son épouse Dorilda Fortin. 1939.
Collection famille Godbout

Photographie du couple et de leurs enfants. Vers 1933.
Collection famille Godbout

Photographie du couple et de leurs enfants. 1942.
Collection Alain Lavigne

En 1930, Adélard Godbout est nommé ministre de l'Agriculture. Ainsi, la famille déménage dans une grande maison située au 400 du chemin Sainte-Foy (à l'angle de l'avenue Belvédère) à Québec. Cette maison connue sous le nom de « Glenfield » avait une magnifique vue sur les Laurentides et la campagne environnante. Ce secteur de la ville était toujours rural à l’époque où Godbout s’y installe. La famille y vit jusqu'à son départ de la vie politique en 1948. Vers 1965, elle est démolie pour faire place à l’Édifice Bois-Fontaine qui porte aujourd’hui le numéro civique 880.
Photographie de Dorilda Fortin et de leurs enfants. Vers 1930.
Collection famille Godbout
L'agronome
En 1919, il devient l’assistant du professeur Louis-de-Gonzague Fortin à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et enseigne la zootechnie avec lui. La zootechnie est la science qui s’occupe de l’élevage et de la reproduction des animaux domestiques. Pour bien répondre aux attentes, en accord avec cette école, Adélard va se spécialiser au Amherst Agricultural College dans l’État du Massachusetts.
Toutefois, il ne complète pas sa formation aux États-Unis, car l’école de La Pocatière manque de professeurs en zootechnie. Il revient au Québec en février 1920 pour débuter officiellement sa carrière dans l’enseignement. Selon le Dictionnaire biographique du Canada, « son enseignement allie théorie et travaux pratiques, et est centré sur l’anatomie des animaux de ferme, ainsi que sur les méthodes d’évaluation du bétail. »

Photographie du French Hall du Massachusetts Agricultural College. Vers 1920.
University of Massachusetts Amherst Libraries

Photographie d'une exposition d'éducation agricole du Massachusetts Agricultural College. Vers 1920.
University of Massachusetts Amherst Libraries
Jean-Guy Genest rapporte qu’il « allait s’avérer un excellent pédagogue. Une voix chaleureuse et grave, un débit posé et facile rendaient ses exposés agréables. Il se donnait une préparation sérieuse. Il écrivait ses cours à la plume sur de petits cahiers à feuilles non détachables. […] Habituellement, il utilisait un volume de base américain, dont chaque étudiant possédait un exemplaire. Godbout maîtrisait la matière du volume au point de la débiter de mémoire. Il se présentait devant les étudiants, son volume sous le bras. Il le posait fermé sur la table puis n’y jetait plus les yeux jusqu’à la fin de son exposé, sauf pour suggérer la lecture d’un chapitre à l’occasion d’une question posée par un étudiant. Il utilisait parfois le tableau noir pour tracer, de sa mauvaise écriture, le plan de son cours. Assis bien droit à la petite tribune, le professeur débitait son exposé sans utiliser aucun texte ni aucun aide-mémoire. Il choisissait ses mots, polissait ses phrases, nuançait sa pensée. La matière était abondante et dense, truffée de références à des revues agricoles, américaines ou canadiennes, citées de mémoire. […] Ce qui caractérisait ces cours, c’était la clarté, la précision. Godbout possédait une faculté de synthèse remarquable. »
Jean-Guy Genest ajoute : « Pour dispenser cet enseignement avec compétence, Godbout ne ménageait ni son temps ni sa préparation. L’étable étant en quelque sorte son laboratoire, il y passait un grand nombre d’heures à étudier les animaux et à se documenter à leur sujet. Aussi répondait-on au visiteur qui demandait à voir le professeur Godbout : “Il doit être à l’étable.” Il connut bientôt chaque animal et ses ascendants. Il pouvait donner leurs noms de mémoire et énumérer leurs principales caractéristiques. Les étudiants en étaient ébahis. »
Le Dictionnaire biographique du Canada souligne que « l’expertise des professeurs d’agronomie est recherchée. Godbout visite des expositions agricoles, donne de nombreuses conférences et sert régulièrement de juge pour des concours d’évaluation de bétail, événements au cours desquels il s’établit “parmi les meilleurs connaisseurs”, selon le rapport du ministère de l’Agriculture de la province de Québec de 1922–1923. Sa réputation franchit rapidement les murs de l’école d’agriculture. »
Jean-Guy Genest précise que « grâce à sa facilité de parole et au désir éprouvé par les cultivateurs de connaître davantage l’industrie animale, Godbout fut bientôt un conférencier très recherché de ces expéditions de vulgarisation. […] Les cours se donnaient dans les salles paroissiales. Ils revêtaient une importance particulière dans ces villages agricoles : c’était l’université qui arrivait aux cultivateurs. »
Le Dictionnaire biographique du Canada affirme que « le professeur Godbout occupe aussi le poste d’agronome officiel du comté de L’Islet de 1922 à 1925, année de sa démission. À ce titre, il représente le ministère de l’Agriculture de la province auprès des agriculteurs du comté, devient leur conseiller technique et anime la vie agricole de l’endroit. »
L'AGRONOME

Carte postale du cœur villageois de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Éditeur J.P. Garneau. Entre 1904 et 1910.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Carte postale de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Entre 1903 et 1915.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Vue éloignée du village, école d'agriculture, l'église et le collège classique.
Carte postale du cœur villageois de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Vers 1910.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Carte postale de l'École d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Vue éloignée de la façade et profil droit.
Carte postale de l'École d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Vers 1920.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec


Photographies de l'École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (aujourd'hui nommé Institut de technologie agroalimentaire du Québec, campus de La Pocatière). 2021.
Collection Dave Turcotte




Photographies du buste d'Adélard Godbout devant l'École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (aujourd'hui nommé Institut de technologie agroalimentaire du Québec, campus de La Pocatière). 2021.
Collection Dave Turcotte

Photographie d'une ferme à Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Vers 1930.
Fonds L'Action catholique
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Le député
Le Dictionnaire biographique du Canada raconte que « Godbout est né dans une famille politisée. Son père a été maire de Saint-Éloi de 1892 à 1895, ainsi que de 1917 à 1922. Il a été élu député libéral de la circonscription de Témiscouata à l’Assemblée législative de la province de Québec à une élection partielle en 1921. Il s’est présenté de nouveau aux élections générales de 1923, mais a été battu par le conservateur Jules Langlais. »
De père en fils
En 1921, à la suite d’allégations formulées par l’avocat Jean-François Pouliot, le Dr Louis-Eugène Parrot, député libéral de Témiscouata, démissionne. Le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau, chef du Parti libéral, favorise la candidature d’Eugène Godbout. L’avocat Pouliot souhaite lui aussi se présenter. La convention libérale se tient le 30 août 1921. Eugène Godbout l’emporte, 100 voix contre 4, sur Pouliot. Refusant de se rallier, Pouliot mène sa propre campagne électorale.
Entre-temps à Ottawa, des élections générales sont déclenchées. Pouliot abandonne la scène québécoise et se présente candidat libéral au fédéral. Cependant, il donne son appui à Napoléon Saulnier, l’adversaire conservateur d’Eugène Godbout. Plusieurs débats contradictoires ont lieu entre ces deux adversaires. À Saint-Éloi, Pouliot est présent. Répondant à Eugène Godbout qui affirmait avoir eu 20 enfants, Pouliot lance, selon le journal Le Saint-Laurent du 22 septembre 1921 : « Ce n’est pas un reproducteur qu’il nous faut pour aller au Parlement. » C’est Adélard qui réplique à cette attaque personnelle. Marcel Labelle ajoute : « En dix minutes, il fit si bien que la foule se retourna contre Pouliot qui dut quitter la salle sans attendre la fin du débat. À tout juste 29 ans, Adélard Godbout venait de connaître son premier succès en politique. » Le père d’Adélard est élu député de Témiscouata lors de cette élection partielle du 22 décembre 1921 et demeure en poste jusqu’en 1923.

Article du journal Le Soleil. 12 décembre 1922.
Journal Le Soleil


Article du journal Le Soleil. 31 août 1921.
Journal Le Soleil
Article du journal The Quebec Chronicle. 31 août 1921.
Journal The Quebec Chronicle

Article du journal La Presse. 31 août 1921.
Journal La Presse

Article du journal Le Nouvelliste. 31 août 1921.
Journal Le Nouvelliste
Élection partielle du 20 mai 1929
Marcel Labelle rappelle qu’à « la fin des années 1920, l’agriculture est en difficulté dans la province de Québec. De nombreuses familles canadiennes-françaises quittent la province pour s’exiler dans les manufactures de la Nouvelle-Angleterre, alors que les politiques agricoles du gouvernement Taschereau sont vivement critiquées. Ministre de l’Agriculture pendant près de vingt ans, Joseph-Édouard Caron démissionne en 1929 pour cause de maladie. Louis-Alexandre Taschereau en profite pour nommer un homme qui a fait ses preuves au ministère de la Voirie quelques années plus tôt, Joseph-Léonide Perron, un puissant avocat de la région de Montréal. Taschereau veut aussi du sang neuf au ministère de l’Agriculture. Élisée Thériault, député du comté de L’Islet depuis douze ans, fermier et fils de fermier, convoite le poste de ministre de l’Agriculture. Mais le premier ministre ne lui reconnaît pas l’envergure pour assumer ce ministère, alors l’un des plus importants au Québec. Pour l’écarter du poste, Taschereau nomme Thériault conseiller législatif, une sinécure qui l’oblige à démissionner de son poste de député de L’Islet. Le champ est libre pour la recrue de Taschereau : l’agronome et professeur Adélard Godbout. »
Le Dictionnaire biographique du Canada explique que « grâce à ses liens familiaux, le jeune Godbout n’est donc pas un étranger au sein du Parti libéral provincial. En avril 1929, lorsque se libère le siège d’Élisée Thériault, […] Godbout s’impose comme un candidat de choix dans cette circonscription rurale. La population le connaît et il a fait bonne impression à titre d’agronome de comté. Il a, de plus, l’appui de l’organisation libérale de la circonscription. En outre, l’école d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est favorable à ce que l’un de ses professeurs soit élu et accède éventuellement au cabinet. Godbout se laisse convaincre. »
Taschereau déclenche alors une élection partielle. Godbout est choisi à l’unanimité candidat libéral dans L’Islet. Dès son premier discours en campagne électorale, Godbout souligne l’importance qu’il accorde à l’éducation et à la prise en charge, par les Canadiens français, de leur économie. Le journal L’Action catholique rapporte que le candidat Godbout insiste sur le « développement de l’éducation dans chacune des branches du savoir humain. Il faut des professionnels, mais il faut aussi des gens de notre nationalité dans le commerce, la finance et l’industrie. »
Jean-Guy Genest décrit que le « scrutin devant se tenir le 20 mai, Godbout entra en campagne dès le 9. Mais le Parti conservateur redoutait la défaite et adopta la stratégie de l’abstention. Comme à l’élection générale de 1927, il ne présenta pas de candidat. Aussi le porte-étendard libéral fut proclamé élu dès le 13 mai, jour de l’appel nominal. »
Marcel Labelle écrit que « Godbout entre à l’Assemblée législative le 8 janvier 1930. Il y prononce son tout premier discours en abordant ses thèmes de prédilection : l’agriculture, la colonisation et l’éducation. Signe d’indépendance d’esprit, il critique indirectement son gouvernement en dénonçant les conditions de travail difficiles des institutrices dans les écoles de rang. Il propose un réalignement à la hausse de leurs conditions salariales. Présent dans les tribunes, Eugène Godbout doit savourer la victoire de son fils. »
René Chaloult affirme qu’Adélard Godbout « était un orateur parlementaire aussi puissant que redoutable, le meilleur que j’ai entendu à la Chambre des députés pendant seize ans. […] Godbout commençait lentement, très lentement son discours. Il parlait bas. Au début, il fallait tendre l’oreille pour le comprendre. Il semblait gauche et intimidé. Cela se prolongeait parfois un peu trop. Mais subitement l’orateur s’échauffait et retrouvait ses moyens. Le ton prenait de l’ampleur et de l’assurance. Les gestes, élégants et appropriés à l’expression, se déployaient. Même pris au dépourvu, ses idées s’enchaînaient et progressaient avec harmonie. Son langage était d’une pureté exceptionnelle, ses phrases d’une rare correction. Cet homme possédait le génie du français. […] La sonorité de sa voix remplissait la vaste enceinte de l’Assemblée. »
LE DÉPUTÉ

Jean-François Pouliot est né le 28 mars 1890 à Rivière-du-Loup. Il est le fils de Charles-Eugène Pouliot, ancien député à Ottawa dans le gouvernement de Sir Wilfrid Laurier. Il fait ses études au Collège de Sainte-Anne de la Pocatière, puis il fait ses études en droit. Il est élu conseiller municipal à la Cité de Rivière-du-Loup en 1917. Candidat libéral dans Témiscouata, il est défait lors de l'élection générale fédérale de 1921. Il cependant élu député dans la même circonscription lors de l'élection partielle fédérale du 1er décembre 1924. Il est réélu à ce poste lors des élections de 1925, 1926, 1930, 1935, 1940, 1945, 1949 et 1953. Il est nommé sénateur le 28 juillet 1955 et le demeure jusqu'au 28 juin 1968. Il décède le 7 juillet 1969 à l'âge de 79 ans. Il est à l'origine du Code municipal et du droit paroissial.
Photographie de Jean-François Pouliot.
Centre d'archives de la région de Rivière-du-Loup

Louis-Alexandre Taschereau est candidat libéral défait dans Dorchester en 1892. Il est élu député libéral dans Montmorency en 1900. Il est réélu sans opposition en 1904. Son siège devint vacant lors de sa nomination au cabinet. Il est réélu à l'élection partielle du 4 novembre 1907. Il est nommé ministre des Travaux publics et du Travail dans le cabinet du premier ministre Gouin du 17 octobre 1907 au 25 août 1919. Il est élu dans Montmorency et défait dans Charlevoix en 1908. Il est réélu dans Montmorency en 1912, en 1916, en 1919 sans opposition, en 1923, en 1927 sans opposition, en 1931 et en 1935. Il est nommé procureur général dans le cabinet du premier ministre Gouin du 25 août 1919 au 9 juillet 1920. Il est premier ministre et président du Conseil exécutif du 9 juillet 1920 jusqu'à sa démission, le 11 juin 1936. Il est procureur général du 9 juillet 1920 au 13 mars 1936. Il est ministre des Affaires municipales du 30 avril 1924 au 6 juin 1935. Il est trésorier de la province du 27 novembre 1930 au 26 octobre 1932. Il ne s'est pas représenté en 1936.
Une de la Revue illustrée du journal La Presse du 7 mai 1927.
Collection Dave Turcotte

Diagramme de l'Assemblée législative du Québec. 1931.
Assemblée nationale du Québec
Le ministre
Dès janvier 1930, Godbout entame sa première session parlementaire à l’Assemblée législative. Il se consacre principalement au peaufinage du plan de développement agricole du nouveau ministre de l’Agriculture, Joseph-Léonide Perron. Le « plan Perron », comme on le désignera, constitue une des pièces de résistance du programme du gouvernement.
Marcel Labelle explique que « le nouveau ministre de l’Agriculture, Joseph-Léonide Perron, se lance dans un train de réformes qui, en général, sont bien accueillies. Mais à l’été de 1930, il tombe gravement malade. De plus, le gouvernement libéral doit défendre sa politique agricole lors d’une élection partielle dans une circonscription rurale, de surcroît château fort conservateur, le comté de Deux-Montagnes. Le Parti délègue, entre autres pour remplacer le ministre malade, le nouveau député de L’Islet, Adélard Godbout. Au moment du scrutin, le 4 novembre 1930, les conservateurs, même s’ils remportent le comté, voient leur majorité fondre de cinquante pour cent. Les libéraux estiment que ce score satisfaisant est attribuable aux interventions de Godbout qui a sauvé les meubles dans le comté. »
Ministre de l’Agriculture du 27 novembre 1930 au 27 juin 1936
Marcel Labelle raconte qu’en « novembre 1930, le ministre de l’Agriculture Léonide Perron, meurt en fonction, à l’âge de 58 ans. Plus tôt, le 16 juillet, l’ex-ministre de l’Agriculture, Joseph-Édouard Caron décédait également. Dans les rangs libéraux, c’est la consternation. Pour leur succéder, le premier ministre Taschereau aurait pu jeter son dévolu sur Joseph-Ernest Ouellet, fermier depuis 1917. Mais ce dernier ne possède pas l’instruction nécessaire. Une semaine après le décès de Perron, le premier ministre Taschereau, revenant de sa maison d’été située à Saint-Patrice-de-Rivière-du-Loup, arrête sa voiture devant la résidence d’Adélard Godbout, à La Pocatière. Ce dernier devient le premier titulaire du ministère de l’Agriculture à posséder une solide formation académique en ce domaine. »
Le Dictionnaire biographique du Canada commente qu’au « risque de froisser des députés plus expérimentés, Taschereau décide de confier les rênes du ministère de l’Agriculture à Godbout, en raison de la qualité de sa formation, des aptitudes dont il a fait preuve lorsqu’il a soutenu le plan de Perron, en l’absence de celui-ci, pendant l’élection partielle tenue à l’automne de 1930 dans la circonscription de Deux-Montagnes, et de la nécessité de rajeunir et de diversifier le profil professionnel de son cabinet. Le 27 novembre 1930, Godbout, âgé de 38 ans, devient ministre de l’Agriculture de la province de Québec. » La moyenne des autres ministres est de 52 ans et que le premier ministre Taschereau est âgé de 63 ans.
Le Dictionnaire biographique du Canada relate qu’au « moment de son entrée en fonction, le jeune ministre Godbout annonce son intention de poursuivre l’implantation du plan Perron. Deux des éléments de ce plan marquent plus particulièrement son travail, soit l’enseignement agricole et la gestion de l’industrie laitière. Celle-ci fait l’objet de la principale loi sanctionnée durant son premier mandat, la Loi concernant le lait et les produits laitiers de 1933, qui crée la Commission de l’industrie laitière de la province de Québec. D’abord dotée de pouvoirs d’enquête relativement restreints, cette commission est considérablement renforcée, en 1934, par des modifications à la loi, qui lui donnent, entre autres, le droit de surveiller et de réglementer la préparation, la distribution et la vente des produits laitiers. Ces pouvoirs extraordinaires, selon le ministre Godbout, ont pour but d’assurer aux producteurs de lait une plus grande part des fruits de la vente de leurs produits et de permettre un meilleur contrôle de la distribution du lait, surtout dans les grandes villes. Cette loi est importante, car elle marque l’aboutissement de la prise en charge, par l’État, de la supervision de l’industrie laitière. Au Québec, elle constitue un moment clé de l’évolution de la politique agricole vers une participation plus active de l’État dans la régulation des prix et de la production. »
Marcel Labelle soutient que « comme ministre de l’Agriculture, dans tous ses discours à travers la province, Godbout martèle toujours le même thème au sujet des cultivateurs : l’instruction et la coopération. Il estime que le meilleur service qu’un cultivateur puisse se rendre à lui-même est de faire instruire le fils qui lui succédera. Quant à la coopération, le ministre fit voter des lois afin d’en faciliter l’organisation. Par exemple, dans certains domaines comme la volaille ou la pomme, il ne suffisait plus que de 10 producteurs, au lieu de 40 comme précédemment, pour fonder une coopérative. »
Toujours selon Marcel Labelle : « Son ministère l’amène à fréquenter régulièrement la population. À titre de ministre, il est invité aux foires et aux expositions agricoles. Mais, une fois sur place, le ministre redevient agronome ou fermier. Il parle aux participants, répond aux questions, interroge à son tour, tâtant et commentant l’état des animaux de ferme qu’il voit surplace. »
Le Dictionnaire biographique du Canada ajoute que « ce mandat de Godbout comme ministre de l’Agriculture correspond aux pires années de la crise économique des années 1930. Le ministre tente d’aider les agriculteurs dans ces temps difficiles. Par exemple, il lutte contre le protectionnisme des partenaires commerciaux du Canada en demandant aux délégués des pays présents à la Conférence économique impériale, tenue à Ottawa en 1932, une exemption pour certains produits agricoles. Il présente également, en 1933, un projet de loi pour permettre de suspendre temporairement les obligations d’un débiteur incapable de rembourser une créance hypothécaire. »

Affiche du ministre Adélard Godbout. Vers 1930.
Collection Alain Lavigne
Vie de famille
Marcel Labelle note que « la nomination de Godbout à titre de ministre implique plusieurs changements pour sa famille et lui. D’abord, il doit abandonner l’enseignement à l’École d’agriculture de La Pocatière qu’il donnait encore à temps partiel. Puis, à la fin de l’année scolaire 1930-1931, toute la famille doit quitter La Pocatière pour s’installer à Québec, dans une maison de style canadien (aujourd’hui détruite) à l’angle du chemin Sainte-Foy et de l’avenue Belvédère. Malgré son statut de ministre et malgré le fait qu’il vive dans un quartier bourgeois, le nouveau ministre envoie ses enfants dans les classes publiques pour leurs études primaires. »
Jean-Guy Genest décrit bien l’horaire et la vie familiale du ministre : « À Québec, l’emploi du temps du ministre s’établissait de la façon suivante. Le dimanche soir, il quittait Québec par train pour se rendre à Montréal. Il y passait la journée du lundi, aux bureaux de son ministère. Le mardi et les trois jours suivants, il travaillait au Parlement à Québec. Debout à huit heures, il se rendait à son travail pour neuf heures. Il se déplaçait dans sa propre voiture, une Buick, qu’il conduisait lui-même. Ce n’est que bien des années plus tard, sous le gouvernement Duplessis, que les ministres eurent droit à une voiture de fonction. En période de session parlementaire, cet emploi du temps subissait quelques accrocs. Même s’il s’efforçait d’être présent le plus possible à sa demeure et d’y prendre ses repas, Godbout voyait très peu ses enfants pendant la semaine, l’horaire de la session parlementaire correspondant fort mal avec celui des écoles. En soirée, Godbout participait à la session ou étudiait des dossiers. Session ou non, il passait le plus clair de ses soirées à son bureau à travailler avec son secrétaire, Alexandre Larue. Le dimanche, Godbout était moins accaparé par sa fonction. Levé à son heure habituelle, il chantait des chants liturgiques latins en se rasant : Kyrie, Gloria, Credo… Les enfants admiraient sa belle voix. Après la messe à l’église paroissiale des Saints-Martyrs, il faisait un brin de causette avec des coparoissiens puis se rendait à son bureau du Parlement en compagnie du fils aîné. Le garçonnet appréciait ces moments passés en compagnie de son père. Après le dîner pris en famille et préparé avec grand soin par sa femme, Godbout se livrait à une courte sieste. Il emmenait ensuite la famille pour la balade hebdomadaire. Dans l’auto, souvent on chantait. Histoire sans doute d’amener tout ce petit monde à être “sage”. Certains airs revenaient souvent : Régiments Sambre et Meuse, Berceuse de Jocelyn et Réveil rural. Parfois, on organisait des chœurs. Les garçons chantaient une partie et les fillettes l’autre. Mélomane, Godbout prolongeait le concert au retour à la maison, au moyen de disques. Il prisait particulièrement les ténors Enrico Caruso et Beniamino Gigli. La vie politique perturbait parfois cette routine familiale : Godbout participait à des assemblées électorales le dimanche après-midi. Il emmenait alors les plus âgés des enfants, heureux d’aller entendre leur père et de ne pas manquer la promenade dominicale. »
Marcel Labelle souligne qu’à l’époque, « il allait de soi qu’un ministre de l’Agriculture soit également un cultivateur. Pour Godbout, un amoureux de la terre, cela n’avait rien d’une affectation. À la fin de 1931, il se porte acquéreur d’une ferme de onze arpents sur quatorze, à Frelighsburg, près de la frontière américaine ; le logis principal est une grande maison de pierres. Avec des voisins, il se met à la tâche de récupérer des terres arables occupées par un chemin de fer désaffecté. Sur sa terre, il plante 1500 pommiers et se lance dans l’élevage d’animaux de race : bovins, chevaux et porcs. Il confie le tout à un homme de confiance, son cousin Léo Godbout. »
Élection québécoise du 24 août 1931
Marcel Labelle écrit : « Une crise économique frappe durement tout l’Occident depuis octobre 1929. Selon The Canadian Annual Review of Public Affairs, 1930-1931, le taux de chômage chez les travailleurs syndiqués est de 20 % en juin 1931. Par ailleurs, les libéraux ont perdu le pouvoir à Ottawa aux mains des conservateurs de Richard B. Bennett. À Québec, les conservateurs sont dirigés par un politicien populaire et populiste, maire de Montréal de surcroît, Camillien Houde. La tâche s’annonce donc ardue pour l’équipe libérale de Taschereau, au pouvoir depuis 1920. »
Jean-Guy Genest énonce que « contrairement au chef conservateur, Alexandre Taschereau était assez piètre orateur. “Il parlait d’un ton voilé, par périodes un peu monotones.” Se rendant bien compte de ses insuffisances oratoires, il recourait à ses collègues mieux doués à cet égard. Pendant cette campagne électorale de 1931, Athanase David, Honoré Mercier fils et Joseph-Napoléon Francœur, ainsi que la nouvelle recrue, Adélard Godbout, furent ainsi appelés à transmettre le message du Parti libéral et à parcourir un grand nombre de comtés. Godbout était spécialement responsable du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Il y entreprit une tournée avant l’annonce des élections. Il s’agissait de reprendre en main l’électorat de ce secteur qui semblait passé à l’opposition. Le chef conservateur, qui avait commencé sa campagne quelques jours plus tôt, y avait fait des gains importants aux dépens des libéraux. Le nom de Godbout était avantageusement connu dans cette région. Eugène Godbout y avait exercé son activité politique et commerciale. Adélard Godbout avait également parcouru la région comme conférencier agricole ou comme propagandiste de la race Ayrshire. Il avait aussi enseigné à de nombreux cultivateurs aux cours abrégés. Il avait répondu personnellement à plusieurs d’entre eux qui demandaient des renseignements à l’École d’agriculture. Il s’était mis en évidence comme organisateur de l’exposition annuelle de chevaux de trait à Sainte-Anne-de-la-Pocatière pendant une dizaine d’années. »
Jean-Guy Genest précise que le « rôle de Godbout pendant cette campagne était d’autant plus important que le gouvernement comptait sur la classe agricole pour se faire réélire ; la classe ouvrière, en raison du chômage qui sévissait, semblait perdue. De plus, l’agriculture apparaissait comme la grande panacée du malaise économique. Intellectuels, journalistes, missionnaires agricoles prêchaient le retour à la terre. Les gouvernements fédéral et provincial y investissaient des millions. Les lots de colonisation disponibles ne suffisaient plus à répondre aux demandes des sans-emploi qui voulaient quitter la ville pour la campagne. »
La tendance se renverse et le gouvernement libéral du premier ministre Taschereau est réélu. Le Parti libéral fait élire 79 députés avec 55 % des votes et les conservateurs de Camillien Houde, 11 députés avec 43 % des votes.
Dans la circonscription de L’Islet, Godbout est réélu député avec 2 131 voix, contre 1 397 pour son adversaire conservateur. Ce qui fait dire à Marcel Labelle qu’avec « cette confortable majorité, la vie du ministre de l’Agriculture allait changer du tout au tout. »

Résultats de l'élection québécoise de 1931 dans la circonscription de L'Islet.
Musée virtuel d'histoire politique du Québec
Élection québécoise du 25 novembre 1935
Marcel Labelle révèle qu’en 1935, « lorsque Taschereau déclenche des élections générales, la campagne électorale s’annonce difficile pour les libéraux. Le Parti libéral, au pouvoir depuis 1897, dont les 16 dernières années avec Taschereau, essuie le feu nourri du Parti conservateur et de son nouveau chef, Maurice Duplessis. De plus, des libéraux influents deviennent dissidents. Ils sont dirigés par Paul Gouin, fils de l’ancien premier ministre libéral Lomer Gouin et petit-fils d’Honoré Mercier. Baptisé l’Action libérale nationale (ALN), le parti de Gouin est formé de libéraux mécontents, mais également de nationalistes et d’organismes catholiques, comme l’Union catholique des cultivateurs (UCC). Plus dangereux encore pour les libéraux, l’Action libérale nationale conclut une alliance avec les conservateurs de Duplessis : les deux partis ne présenteront qu’un seul candidat par comté contre le candidat libéral. »
Pendant ce temps à Ottawa, les libéraux de Mackenzie King reprennent le pouvoir le 14 octobre 1935. Ils remportent 60 des 65 sièges au Québec. Désirant surfer sur cette vague libérale, Taschereau déclenche une élection québécoise pour le 25 novembre 1935. Cette stratégie semble sauver son gouvernement à court terme. Le Parti libéral fait élire 47 députés avec 46 % des votes contre l’alliance stratégique de l’Action libérale nationale et le Parti conservateur qui font élire respectivement 26 et 17 députés, soit un total de 42 avec 49 % des votes.
Marcel Labelle avance qu’à « l’image de la campagne de 1931, Adélard Godbout fut, en 1935, un des principaux porte-parole des libéraux. Outre qu’il doit défendre les politiques de son ministère, il est appelé en renfort auprès de candidats en danger, en particulier dans les comtés ruraux qui forment la majorité des comtés au Québec cette époque. Il gagne en prestige dans les rangs libéraux. »

Résultats de l'élection québécoise de 1935 dans la circonscription de L'Islet.
Musée virtuel d'histoire politique du Québec
LE MINISTRE

Mosaïque du conseil des ministres du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. Journal L'Événement. 31 août 1935.
Collection Dave Turcotte

Message d'Adélard Godbout, quelques jours après sa nomination à titre de ministre de l'Agriculture. Bulletin de la Ferme. 18 décembre 1930.
Collection Dave Turcotte


Cahier de comptabilité pour les cultivateurs publié par ordre du ministre Adélard Godbout. Ministère de l'Agriculture du Québec. 1933.
Collection Dave Turcotte
Don d'Alain Lavigne

Photographie de la résidence de la ferme d'Adélard Godbout à Frelighsburg. 2020.
Collection Dave Turcotte

Photographie d'Adélard Godbout et son cousin et homme de confiance sur sa ferme à Frelighsburg.
Collection famille Godbout

Photographie d'Adélard Godbout sur sa ferme à Frelighsburg.
Collection famille Godbout

Publicité électorale du Parti libéral du Québec. 1931.
Collection Dave Turcotte


Brochure électorale critiquant le bilan agricole du gouvernement libéral du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau et du ministre de l'Agriculture Adélard Godbout. Parti conservateur. 1931.
Collection Dave Turcotte

Bilan du gouvernement libéral du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. Parti libéral du Québec. 1935.
Collection Dave Turcotte
Don de Pascal Bérubé

Publicité électorale du Parti libéral du Québec. Journal Le Soleil. 23 novembre 1935.
Collection Dave Turcotte

Bas-relief illustrant l'alliance électorale Duplessis-Gouin signée en novembre 1935. Novembre 1935.
Collection Alain Lavigne

Diagramme de l'Assemblée législative du Québec. 1936.
Assemblée nationale du Québec
Le chef libéral
Malgré la défaite électorale, l’opposition ne dérougit pas. La pression est forte sur le gouvernement libéral. Voyant la faiblesse du gouvernement, Maurice Duplessis joue du coude pour « officialiser » son alliance avec Paul Gouin. Ainsi, l’Action libérale nationale et les conservateurs forment un nouveau parti : l’Union nationale. Maurice Duplessis évince Paul Gouin. Duplessis dirige seul l’Union nationale.
Marcel Labelle raconte que « deux mois à peine après la reprise des travaux parlementaires, le Comité des comptes publics, Duplessis en tête, révèle des cas de patronage touchant directement le premier ministre Taschereau et des membres de sa famille. La pression devient trop forte : Taschereau démissionne de son poste de premier ministre et de chef du Parti libéral. Des élections générales sont déclenchées pour le [17] août 1936. »
Jean-Guy Genest ajoute : « Ils furent annoncés le jour même au comité des comptes publics. Ils mirent fin à ses activités explosives. Duplessis venait de gagner une nouvelle manche dans sa lutte pour le pouvoir. Les comptes rendus des séances du comité des comptes publics lui avaient fait une large publicité et lui avaient créé une image de défenseur du peuple contre les “profiteurs libéraux”. Il entrait en campagne en vainqueur. Le gouvernement était éreinté. Pour le Parti libéral, la campagne apparaissait comme une marche vers la défaite. On ne se faisait guère d’illusion, il s’agissait d’éviter le pire. »

« Sous la pression des partis d’opposition, le premier ministre libéral Louis-Alexandre Taschereau convoque le Comité des comptes publics, inactif depuis dix ans. Ce comité est présidé par Léon Casgrain, député libéral de Rivière-du-Loup. Il comprend 36 députés, 16 opposants et 20 ministériels. Les révélations faites pendant les délibérations de ce comité joueront un grand rôle dans l’éventuelle démission du premier ministre et la défaite du Parti libéral à l’élection générale du 17 août 1936. » — Bilan du siècle
Une du journal Le Devoir. 1er mai 1936.
Collection Dave Turcotte
Marcel Labelle précise qu’à « l’époque, le Parti libéral du Québec était très inféodé au Parti libéral fédéral. Ainsi, dès l’hiver de 1935, Charles G. Power, ancien organisateur de Taschereau devenu ministre fédéral de Mackenzie King, mena des consultations pour trouver un successeur à Taschereau, même si celui-ci venait à peine d’être réélu. À partir de ces consultations, le nom d’Adélard Godbout fit surface pour succéder à Taschereau. Mais le principal intéressé n’a pas l’ambition de devenir premier ministre du Québec. Il s’en ouvre à son secrétaire, Alexandre Larue, à qui il confie qu’il n’est pas fait pour ce poste. Toutefois, il estime qu’un refus serait interprété comme une désertion au moment où les libéraux ont désespérément besoin d’un chef dont la réputation est immaculée. Ce qui est le cas de Godbout. »
Jean-Guy Genest décrit que, contrairement à Taschereau, « Godbout certes n’affichait pas l’ombre d’un quartier de noblesse. Descendant de défricheurs, fils de terrien, il se disait cultivateur, même s’il avait fort peu cultivé. De physique peu imposant, il affichait une maigreur et une calvitie qui n’ajoutaient pas à son prestige physique. De plus, relativement pauvre, il ne possédait même pas de résidence à Québec, il y était locataire. Cependant sur le plan de l’élocution et des relations publiques, Godbout arborait une nette supériorité : il s’exprimait posément, accordait de longues audiences et répondait abondamment aux questions des journalistes. Taschereau s’exprimait avec vivacité et se montrait expéditif face à la presse. Enfin dernier point de comparaison et non des moindres : l’âge. Taschereau était né en même temps que la Confédération, il avait soixante-neuf ans ; Godbout n’avait que quarante-quatre ans : un quart de siècle les séparait. »
Premier ministre du Québec du 11 juin au 26 août 1936
Le 11 juin 1936, le jour même de la démission du premier ministre Taschereau et de l’ajournement de la Chambre pour la tenue de l’élection, sous les pressions de ses collègues, du premier ministre lui-même et, précédemment des émissaires fédéraux, Godbout accepte d’assurer l’intérim comme chef du Parti libéral du Québec.
Jean-Guy Genest révèle que « pendant les jours qui suivirent ces bouleversements, les déclarations du nouveau chef libéral indiquaient sa volonté de rompre avec le passé décrié. Il promit des élections honnêtes et l’institution d’une commission pour faire enquête sur l’administration. Les libéraux dont la conduite avait été dénoncée devant le comité des comptes publics reçurent leur congé : ils ne participeraient pas à la prochaine campagne électorale. »
Jean-Guy Genest explique que « dès sa nomination, Godbout s’occupa de constituer son cabinet. Travail long et ardu qui lui occasionna beaucoup de soucis. La fatigue se lisait sur sa figure. Le nouveau ministère ne fut connu que le 27 juin. Invités à en faire partie, plusieurs s’y refusèrent. Dans son travail de recrutement, Godbout reçut l’aide d’Ernest Lapointe, qui suivait de près l’évolution de la situation. Lapointe et Godbout se connaissaient de très longue date. Tous deux étaient originaires Saint-Éloi. Lapointe était né au village, Godbout dans le deuxième rang. Leurs familles étaient apparentées : l’unique sœur de Lapointe avait épousé Léonce Godbout, frère d’Adélard ; Eugénie Godbout, tante d’Adélard, avait épousé Charles-Alfred Desjardins, oncle de Lapointe et ancien député. Pour la formation du cabinet, un principe prévalut : présenter un visage neuf. Tous les ministres nommés avant 1935 durent s’effacer, même ceux dont l’intégrité était au-dessus de tout soupçon. »
Cabinet d’Adélard Godbout, 15e premier ministre du Québec, le 27 juin 1936 :
Adélard Godbout : Premier ministre, président du Conseil exécutif, Agriculture et Colonisation
Télesphore-Damien Bouchard : Affaires municipales, Terres et Forêts
Wilfrid Gagnon : Industrie et Commerce
Charles-Auguste Bertrand : Procureur général, Secrétaire de la province
Edgar Rochette : Travail, Chasse et Pêcheries
Césaire Gervais : Travaux publics et Mines
Edward Stuart McDougall : Trésorier
Pierre-Émile Côté : Voirie
Cléophas Bastien : Sans portefeuille
Frank Lawrence Connors : Sans portefeuille

Coupure de presse illustrant la dernière réunion du cabinet du premier ministre Adélard Godbout. Journal Le Soleil. 1936.
Collection Alain Lavigne
Élection québécoise du 17 août 1936
Marcel Labelle rapporte que « courageusement, au dire même de ses adversaires, Godbout entreprend la campagne électorale dans le comté de Saint-Hyacinthe, détenu depuis 1912 par Télesphore-Damien (T-D.) Bouchard. Bouchard est un homme d’une grande probité et un chaud partisan de la nationalisation de l’électricité au Québec. D’ailleurs, à Saint-Hyacinthe dont il est maire depuis 1917, il a procédé, en 1933, à la “municipalisation” de la distribution d’électricité. Cela semble lui réussir, puisqu’il est réélu maire et député libéral à quelques jours d’intervalle, en cette année électorale de 1936. »
Jean-Guy Genest fait savoir que « Godbout fit connaître son programme dans une série de causeries radiophoniques. Il comprenait l’électrification des campagnes, une prime à la fabrication du beurre et du fromage, un subside à la culture betteravière, une dernière tentative pour adapter le prêt agricole fédéral aux conditions québécoises, et, en cas d’échec, des ententes avec les caisses populaires. On mettrait l’accent sur la colonisation, on la confierait à une commission de spécialistes. On abrogerait la loi Dillon. On réglerait le problème financier de la métropole et de l’Université de Montréal. […] Godbout s’inspirait largement du programme de l’Action libérale nationale. Dans sa deuxième causerie radiophonique, il annonça sa volonté d’administrer “dans un sens chrétien”, selon une formule chère à Paul Gouin et au Dr Philippe Hamel. Une scission s’étant produite entre Duplessis et Paul Gouin, les libéraux comptaient en tirer profit en ralliant les amis de ce dernier. Mais celui-ci coupa les ponts. Il annonça qu’il combattrait Godbout comme les autres. »
Jean-Guy Genest souligne que « les libéraux reçurent l’appui de leurs collègues fédéraux, qui étaient une soixantaine au Québec. La majorité de ces derniers, ministres et députés, tant anglophones que francophones, participèrent à la campagne. Les députés fédéraux dénoncèrent le “péril bleu” représenté par Duplessis et ses partisans. […] Les assemblées des deux partis étaient enthousiastes et nombreuses. Mais celles de l’Union nationale étaient encore plus impressionnantes. Le Parti libéral, qui avait du plomb dans l’aile au départ, ne réussit pas à refaire son image. Il essuyait des assemblées houleuses. Un courant d’opinion puissant permettait à Duplessis de marcher de triomphe en triomphe. […] Godbout mena une campagne courageuse, qui provoqua l’admiration de ses partisans et même de ses adversaires. L’Union nationale lui créa des embûches de toutes sortes, interruptions, huées, chahuts. Homme délicat, il devait souffrir énormément du climat de foire d’empoigne qui régnait à de nombreux rassemblements. »
Le jour du scrutin, c’est la débâcle. Le gouvernement libéral est défait. L’Union nationale fait élire 76 députés avec 57 % des votes et le Parti libéral, 14 députés avec 39 % des votes. Seuls quatre ministres libéraux sont réélus, dont Télesphore-Damien Bouchard. Même le premier ministre Adélard Godbout est battu, par seulement 20 voix, dans sa propre circonscription de L’Islet. C’est la fin d’un règne libéral qui a duré près de 40 ans.
Bien que son mandat de premier ministre n’ait duré que 77 jours, « partisan d’une nature accessible à tous », il réussit à faire voter une loi sur les parcs du Québec.

Résultats de l'élection québécoise de 1936 dans la circonscription de L'Islet.
Musée virtuel d'histoire politique du Québec
Chef extra-parlementaire
Marcel Labelle relate que « la défaite de Godbout est ressentie comme une perte pour le monde agricole. Même un adversaire comme Gérard Filion, de l’Union des cultivateurs catholiques, écrit dans La Terre de chez nous que “son départ cause un vide” à la législature. Malgré sa défaite, le leadership de Godbout ne fut pas remis en doute ; il avait l’appui indéfectible d’Ernest Lapointe. Pour pallier son absence à la législature, Godbout nomma T.-D. Bouchard, chef de l’aile parlementaire, devenant ainsi chef de l’opposition officielle. »
Jean-Guy Genest émet qu’en ayant perdu son siège de député, « n’ayant ni emploi ni fortune, [Godbout] n’avait que les revenus de sa ferme pour vivre. Celle-ci n’était pas rentable. Il venait d’y investir 15 000 $ en six ans. Il s’écoulerait encore quelques années avant que cette dette puisse être éteinte. Godbout ne pouvait compter sur le parti pour obtenir un salaire : celui-ci n’avait même pas l’argent nécessaire pour payer les avocats qu’il engageait. Du jour au lendemain, Godbout, qui s’était consacré tout entier à sa province et à son parti, en était réduit à devoir cultiver sa ferme de ses mains pour assurer sa subsistance et celle des siens. Godbout a décrit lui-même sa pauvreté de l’époque : “Mes enfants ont pu manquer de quelque chose, manquer même du nécessaire parfois, après que j’eus passé huit années dans la vie publique.” »
Jean-Guy Genest écrit : « Au début de l’année 1938, Godbout avait de bonnes raisons de croire à une remontée de son parti, Duplessis avait déçu les nationalistes et les ouvriers. Des membres en vue de son parti l’avaient quitté et avaient même constitué une nouvelle formation politique, à l’été de 1937, sous le nom de Parti national. Pendant ce temps, des députés libéraux défaits en août 1936 se faisaient élire avec des majorités considérables lors d’élections partielles fédérales. […] Le moment paraissait venu de mesurer les forces du parti provincial. L’élection de Cyrille Dumaine, député libéral de Bagot, ayant été annulée, Duplessis ordonna une élection. Dumaine se représenta, même s’il n’avait obtenu que 32 voix de majorité à l’élection générale. Godbout, qui croyait en la victoire de son candidat, engagea tout son prestige pour le soutenir. Malgré les chemins glacés, il parcourut les différentes paroisses aux côtés de Dumaine. Il prononça des discours à chaque endroit et visita les comités libéraux, tant dans les rangs que dans les villages. La caisse du parti étant à sec, Godbout vendit des animaux de sa ferme pour payer ses dépenses, pour réduire celles-ci, le député fédéral du comté logea le chef libéral chez lui, tout le mois que dura la campagne, T.-D. Bouchard, dont la circonscription était voisine, prêta aussi un concours assidu. L’Union nationale ne manifesta pas moins de vigueur. […] Malgré l’ardeur déployée par les libéraux, le candidat ministériel obtint 450 voix de majorité. […] Cette défaite de Bagot fut salutaire aux libéraux : elle les amena à réfléchir, à se ressaisir et à imprimer une nouvelle vigueur à leur activité au Québec. »
Marcel Labelle note qu’après « la défaite de 1936, le Parti libéral risquait de se faire doubler par les libéraux dissidents de l’Action nationale libérale et par ceux du groupe du Parti national, fondé en 1937 par le Dr Philippe Hamel. Les hautes instances du Parti libéral, tant fédérales que provinciales, décidèrent d’organiser, pour la première fois de son histoire, un congrès pour le Parti libéral du Québec. En juin 1938, quelque 900 délégués adoptent un nouveau programme qui prévoyait, entre autres mesures, l’obtention du droit de vote pour les femmes aux élections provinciales. C’est sans grande surprise qu’Adélard Godbout est reconfirmé chef du Parti libéral par l’ensemble des délégués, [le 11 juin 1938]. Sur le plan financier, il est décidé que le parti lui versera un salaire ; il pourra ainsi se consacrer entièrement à la préparation de la prochaine campagne électorale. »


Brochure de la conférence du docteur Philippe Hamel Le trust de l'électricité menace pour la sécurité sociale,
prononcée à l'école du Plateau, à Montréal, le 18 janvier 1937.
Collection Dave Turcotte
CHEF LIBÉRAL

Portrait du premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau.
Collection Dave Turcotte
Don de Pascal Bérubé



Photographies de la maison d'Ernest Lapointe et du monument marquant le lieu de sa maison natale. 2021.
Collection Dave Turcotte

Photographie du cabinet du premier ministre Adélard Godbout. 1936.
Les Éditions du Septentrion

Boîte de cigares à l'effigie du premier ministre Adélard Godbout. 1936.
Collectionneur privé

La Revue électorale, synthèses et documents. Directeur général des élections du Québec. 1992.
Collection Simon Turmel



10e édition du Guide souvenir des élections provinciales. 1936.
Collection Dave Turcotte

Macaron électoral du premier ministre Adélard Godbout. Parti libéral du Québec.
Collection Alain Lavigne

Brochure électorale du premier ministre Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1936
Collection Simon Turmel

Publicité électorale du premier ministre Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1936
Collection Dave Turcotte

Publicité électorale du candidat libéral Adélard Godbout dans L'Islet. Parti libéral du Québec. 1936.
Collection Alain Lavigne
Le premier ministre
Élection québécoise du 25 octobre 1939
Marcel Labelle explique que « le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie envahit la Pologne, l’Angleterre déclare la guerre au régime d’Adolph Hitler. C’est le début de la Deuxième Guerre mondiale. Une semaine plus tard, le Canada entre en guerre. À Québec, Duplessis a profité des vacances estivales pour déclencher des élections générales prévues pour le 25 octobre. Mais Godbout et les libéraux, qui sillonnent le Québec depuis leur congrès de juin 1938, sont prêts et bien organisés. L’effet de surprise recherché par Duplessis échoue. »
Marcel Labelle raconte que « Godbout, de son côté, obtient l’appui indéfectible des libéraux fédéraux, ce qu’on lui reprochera. Mais il met un terme aux dissensions chez les libéraux nationalistes ramenant la majorité d’entre eux au bercail libéral ou, à tout le moins, en s’assurant qu’ils ne divisent pas le vote en faveur de Duplessis. De plus, la minorité anglophone, qui représente à l’époque 20 % de l’électorat — des fonds électoraux intéressants — et qui avait boudé les libéraux à l’élection de 1936, tourne le dos à l’Union nationale et revient, elle aussi, dans le giron libéral. »
Marcel Labelle ajoute que « lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918), le gouvernement fédéral avait imposé la Loi de la conscription, obligeant les hommes à aller se battre en Europe. Pour la campagne électorale de 1939, Duplessis va agiter le même grelot. Il va déplacer le débat électoral vers la scène fédérale, faisant un procès d’intention aux libéraux de Mackenzie King et à son lieutenant québécois, Ernest Lapointe : si les Québécois élisent le Parti libéral d’Adélard Godbout, il y aura une autre conscription. Le ministre fédéral donne la réplique à Duplessis par des émissions radiophoniques. »
Duplessis promet qu’il n’y aura pas de conscription et met de l’avant le concept d’autonomie pour le Québec. En octobre 1939, Godbout s’engage « sur l’honneur » à quitter son parti « et même à le combattre si un seul Canadien français, d’ici la fin des hostilités en Europe, est mobilisé contre son gré sous un régime libéral ou même un régime provisoire auquel participeraient nos ministres actuels dans le cabinet de M. King ». Comme l’écrit Jean-Guy Genest, Godbout, il s’agissait d’une promesse percutante et lourde de conséquences.
La victoire de Godbout est éclatante. Il est élu premier ministre suite à la victoire de son parti lors de l’élection du 25 octobre 1939. Le Parti libéral fait élire 70 députés avec 53 % des votes contre 15 députés pour l’Union nationale avec 38 % des votes. Le mode de scrutin uninominal à un tour dessert cette fois-là Duplessis. Il y a un député indépendant. Les dissidents libéraux membres de l’Action libérale nationale de Paul Gouin sont tous défaits. D’ailleurs, les 56 candidats perdent leur dépôt.

Résultats de l'élection québécoise de 1939 dans la circonscription de L'Islet.
Musée virtuel d'histoire politique du Québec
Premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 8 novembre 1939 au 30 août 1944
Ministre de l’Agriculture du 8 novembre 1939 au 30 août 1944
Ministre de la Colonisation du 8 novembre 1939 au 5 novembre 1942 et du 12 février 1943 au 30 août 1944
Le 8 novembre 1939, Adélard Godbout, âgé de 47 ans, est de nouveau assermenté à titre de premier ministre du Québec devant le lieutenant-gouverneur, Ésioff-Léon Patenaude. Le même jour, son cabinet ministériel est aussi assermenté.
Cabinet d’Adélard Godbout, 15e premier ministre du Québec, le 8 novembre 1939 :
Adélard Godbout : Premier ministre, président du Conseil exécutif, Agriculture, Colonisation
James Arthur Mathewson : Trésorier provincial
Henri Groulx : Secrétaire provincial, Santé
Wilfrid Girouard : Procureur général
Pierre-Émile Côté : Terres et Forêts, Chasse et Pêches
Télesphore-Damien Bouchard : Travaux publics, Voirie
Edgar Rochette : Travail, Mines et Pêcheries
Oscar Drouin : Affaires municipales, Industrie et Commerce
Léon Casgrain : ministre sans portefeuille
Cléophas Bastien : ministre sans portefeuille
Louis-Joseph Thisdel : ministre sans portefeuille
Georges-Étienne Dansereau : ministre sans portefeuille
Frank Lawrence Connors (Conseil législatif) : ministre sans portefeuille
Wilfrid Hamel : ministre sans portefeuille
Nomination le 19 février 1940 :
François-Philippe Brais : ministre sans portefeuille (Leader du gouvernement au conseil législatif)
Remaniement le 16 octobre 1940 :
Hector Perrier : Secrétaire provincial
Henri Groulx : Santé, Bien-être social
Remaniement le 13 mai 1941 :
Henri Groulx : Santé et Bien-être social
Pierre-Émile Côté : Terres et Forêts, Chasse et Pêche
Edgar Rochette : Travail, Mines et Pêcheries maritimes
Remaniement le 13 mai 1942 :
Edgar Rochette : Travail, Mines
Remaniement le 10 juin 1942 :
Léon Casgrain : Procureur général
Remaniement le 5 novembre 1942 :
Wilfrid Hamel : Terres et Forêts
Valmore Bienvenue : Chasse et Pêche
Georges-Étienne Dansereau : Travaux publics
Cléophas Bastien : Colonisation
Perreault Casgrain : ministre sans portefeuille
Henri-René Renault : ministre sans portefeuille
Remaniement le 12 février 1943 :
Adélard Godbout : Premier ministre, président du Conseil exécutif, Agriculture, Colonisation
Remaniement le 15 mars 1944 :
Georges-Étienne Dansereau : Travaux publics, Voirie
Remaniement le 1er avril 1943 :
Oscar Drouin : Affaires municipales, Industrie et Commerce
Nominations le 21 juin 1944 :
Joseph-Achille Francoeur : ministre sans portefeuille
Maurice Gingues : ministre sans portefeuille
Remaniement le 29 juin 1944 :
Henri-René Renault : Affaires municipales, Industrie et Commerce

De gauche à droite : Wilfrid Hamel, L.-J. Thisdel, Frank Connors, Edgar Rochette, Oscar Drouin, Wilfrid Girouard, T.-D. Bouchard, Alfred Morisset (greffier du conseil exécutif, debout), Adélard Godbout (assis au centre), Arthur Mathewson, P.-É. Côté, Léon Casgrain, Cléophas Bastien, Henri Groulx, G.-É. Dansereau.
Photographie du nouveau cabinet du premier ministre Adélard Godbout. 10 novembre 1939.
Le Mémorial du Québec, tome VI 1939-1952, Éditions du Mémorial, 1979, pages 2 et 3
Bilan du gouvernement Godbout
Adélard Godbout fut premier ministre du Québec en 1936, puis de 1939 à 1944. Pour certains, on lui doit des lois sociales qui préparent la Révolution tranquille et qui font entrer le Québec dans la modernité.
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Octroi du droit de vote aux femmes ;
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Éligibilité juridique des femmes (première avocate et premières conseillères municipales) ;
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Création d’Hydro-Québec ;
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Début de l’électrification rurale ;
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Adoption de la loi sur l’instruction obligatoire et la gratuité scolaire pour l’enseignement primaire ;
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Adoption de la loi sur les relations de travail reconnaissant le droit d’association syndicale ;
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Adoption de la loi sur la protection de l’enfance ;
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Création de la Commission du service civil ;
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Octroi des contrats gouvernementaux à partir de soumissions ;
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Mise sur pied d’une commission pour instituer un régime universel d’assurance-santé ;
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Adoption de la devise « Je me souviens » et des armoiries encore utilisées aujourd’hui, contenant cette devise.
Pour d’autres, il est à la solde du fédéral en le laissant imposer la conscription durant la Seconde Guerre mondiale et en sacrifiant des pouvoirs québécois aux mains du gouvernement central.
D’ailleurs, le 13 mai 1940, Adélard Godbout écrit au premier ministre canadien pour lui signifier l’accord du gouvernement du Québec à une modification constitutionnelle pour transférer la responsabilité de l’assurance chômage au fédéral. Aussi, le 24 février 1942, le discours du Trône du premier ministre Godbout de la troisième session de la 21e législature annonce le transfert vers le fédéral de la perception de l’impôt sur le revenu et les taxes sur les corporations.
Droit de vote des femmes
En juin 1938, le Parti libéral tient son premier congrès à Québec. Des femmes y participent pour la première fois : elles sont 40 sur plus de 800 délégués. Adélard Godbout, jusqu’alors opposé à cette mesure, est confirmé chef du parti, mais le vote féminin est inscrit au programme électoral. Lors de l’élection générale de 1939, les suffragistes québécoises appuient le Parti libéral. Après la victoire de Godbout, lettres, télégrammes et pétitions affluent de partout au Québec pour rappeler au premier ministre la promesse de son parti. Finalement, malgré l’opposition persistante du clergé et des antisuffragistes, un projet de loi sur le suffrage féminin est annoncé dans le discours du trône du 21 février 1940.
Le premier ministre Godbout déclare en chambre lors du dépôt de son projet de loi : « J’étais honnête autrefois en tenant l’attitude que j’avais, honnête dans ma conscience, et je ne pense pas avoir changé quant à cela. Ce sont les circonstances qui ont changé. Le problème se pose aujourd’hui sous un jour différent. Les conditions dans lesquelles nous vivons font de la femme l’égale de l’homme. Elle a souvent les mêmes devoirs et les mêmes obligations que l’homme, pourquoi lui refuser les mêmes droits, surtout quand bien des questions dont nous avons à décider relèvent plus de sa compétence que de la nôtre ? On a peur que la femme soit soustraite à ses devoirs particuliers. C’est la vie moderne qui l’a sortie du foyer : 100 000 femmes québécoises gagnent actuellement leur vie et celle de leurs proches. Les femmes ont dans notre vie économique une influence qui n’est pas loin d’être prépondérante : elles détiennent plus de 50 % des économies dans les banques et 75 % du capital investi dans les assurances. Elles ont à défendre leur foyer, leurs enfants et leurs biens comme les hommes. Au point de vue économique, pourquoi leur refuser le droit de vote ? »
Marcel Labelle relate que « sur la scène fédérale, les femmes ont le droit de vote depuis 1918. Dans toutes les autres provinces du Canada, les femmes peuvent exercer ce droit aux élections provinciales. Même Terre-Neuve, qui ne fait pas encore partie de la Confédération, donne ce droit aux femmes en 1925. Les Québécoises sont les seules Canadiennes qui ne peuvent pas voter au provincial.
Malgré ce retard, l’opposition au projet de loi de Godbout est très vive. Elle provient du clergé, par la voix du cardinal Villeneuve qui parle au nom des évêques de la province. Elle se manifeste chez des nationalistes comme Henri Bourassa, fondateur du Devoir et petit-fils de Louis-Joseph Papineau ; elle est également présente dans des journaux comme Le Droit d’Ottawa, La Terre de chez nous, L’Action catholique. Même des femmes instruites s’y opposent.
Une fois le projet de loi déposé, le cardinal Villeneuve émet un avis dans La semaine religieuse. Godbout, catholique pratiquant, ne veut pas s’opposer publiquement au clergé. Toutefois, il a promis le droit de vote aux femmes lors de la campagne électorale et il tiendra parole.
Selon Thérèse Casgrain, dans une entrevue accordée à J.-G. Genest, Godbout songe sérieusement à démissionner. Ce faisant, c’est T.-D. Bouchard, un adversaire encore plus redoutable aux yeux du clergé, qui formerait le gouvernement. Le premier ministre Godbout téléphone au cardinal Villeneuve pour lui faire part de ses intentions si la campagne menée contre son projet de loi persiste. Dans les jours suivants, toujours selon Thérèse Casgrain, les protestations cessent dans les journaux contrôlés par le clergé. Bluff ou sincérité ? Une chose est sûre, Godbout n’a pas plié. »
C’est le 25 avril 1940 que la Loi accordant aux femmes le droit de vote et d’éligibilité est sanctionnée par le lieutenant-gouverneur. Le projet de loi no 18, soutenu par le premier ministre Joseph-Adélard Godbout, avait auparavant été adopté à 67 voix contre 9, le 18 avril 1940 par l’Assemblée législative du Québec. Le Québec est la dernière province à adopter une telle législation. Quatorze projets de loi, déposés entre 1922 et 1939, sont nécessaires pour que les femmes obtiennent enfin le droit de vote.
Les premières Québécoises à pouvoir voter sont les électrices des circonscriptions de Huntingdon et de Saint-Jean lors des élections partielles du 6 octobre 1941. Pour l’ensemble du Québec, ce n’est qu’à partir de l’élection générale du 8 août 1944. Le nombre total d’électeurs inscrits est de 1 864 692, alors qu’aux élections précédentes, soit celles du 25 octobre 1939, la liste électorale ne compor