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Adélard Godbout

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15e premier ministre du Québec

11 juin 1936 au 26 août 1936

&

8 novembre 1939 au 30 août 1944

Libéral

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Premier ministre du Québec en 1936, puis de 1939 à 1944, Adélard Godbout est le principal opposant de Maurice Duplessis. Pour certains, on lui doit des lois sociales qui préparent la Révolution tranquille et font entrer le Québec dans la modernité. Pour d’autres, il est à la solde du fédéral en le laissant imposer la conscription durant la Seconde Guerre mondiale et en sacrifiant des pouvoirs québécois aux mains du gouvernement central. Godbout, traître ou patriote ? Son petit-neveu, Jacques Godbout, en a d’ailleurs fait un documentaire. Mais le qualificatif qui décrit malheureusement Godbout, et bien d’autres premiers ministres québécois, est : oublié. Cette exposition vous permettra d’en apprendre davantage sur ce premier ministre méconnu des Québécois.

 

Bonne visite !

L’homme

Adélard Godbout est né à Saint-Éloi le 24 septembre 1892. Il est le fils de Marie-Louise Duret et d’Eugène Godbout, cultivateur, maquignon et commerçant. Eugène Godbout est très impliqué à Saint-Éloi. En plus de son travail, il est tour à tour président de la commission scolaire, secrétaire du syndicat de beurrerie, et maire du village.

Homme

Photographies de sa mère Marie-Louise Duret et de son père Eugène Godbout.

Collection Jean-Marc Pettigrew

Collection famille Godbout

Études

 

Le treizième enfant d’une famille de vingt, Adélard débute ses études primaires à l’école de rang. Marcel Labelle raconte : « C’est probablement l’inspecteur ou le curé qui a remarqué les talents du jeune Adélard. À cette époque, les autorités insistaient auprès des parents afin qu’ils envoient leurs fils les plus talentueux au Séminaire “faire leur cours classique” afin de devenir des prêtres. Mais, le cours classique n’était pas gratuit. Toutefois, malgré sa famille nombreuse, la situation du père d’Adélard était prospère. Eugène Godbout, en bon maquignon, conclut donc une entente avec le Séminaire de Rimouski : il s’engageait à livrer 100 poches de pommes de terre par année pour payer la pension de son jeune Adélard. »

 

À l’automne 1905, il quitte son village natal de Saint-Éloi en direction de Rimouski. Au séminaire, Adélard est plus jeune que la majorité de ses confrères de classe. Ayant été exempté des années préparatoires, il a près de deux ans de moins que les autres élèves. Cette exemption est justifiée par son niveau académique, mais également pour éviter des frais supplémentaires à sa famille peu fortunée.

 

Marcel Labelle explique qu’Adélard « dévore tous les livres qui lui tombent sous la main, mais il ne manifeste pas de talents particuliers à ce moment-là. Par ailleurs, il découvre le baseball et y développe une habileté de lanceur. […] En 1908, le jeune Adélard commence à ressentir des malaises au genou. Un jour, lors d’une récréation, il se démet le genou. Les douleurs le tenaillent la nuit, l’empêchant de dormir. Il doit même quitter le Séminaire pour se reposer chez lui. Il y revient en septembre 1909 transformé, au dire de ses camarades de l’époque, en un jeune homme studieux qui deviendra premier de classe. »

 

En 1910, il intègre la Société de Saint-Louis-de-Gonzague qui valorise l’expression orale. Selon Wikipédia : « Bien qu’il intègre l’association en 1910, ce n’est pas avant 1912 qu’Adélard Godbout participera aux différentes discussions. L’une des discussions marquantes dans l’association est lorsqu’il reconstituait le procès de Louis-Riel, lorsque le jeune Godbout jouait le rôle de l’avocat de la couronne. » Cette association l’amène à développer ses capacités d’orateur. Il sera d’ailleurs reconnu plus tard, comme l’un des meilleurs orateurs de sa génération.

 

À la suite de ses études au Séminaire, Adélard décide de devenir prêtre et d’entrer au Grand Séminaire de Rimouski. Marcel Labelle relate : « En plus de suivre ses cours, il doit veiller à l’enseignement du latin auprès des plus jeunes. Il semble heureux de son nouvel état lorsque, à peine intégré à sa nouvelle vie, ses maux de jambe le reprennent violemment, l’obligeant à se déplacer en béquilles. L’Église catholique de l’époque, qui ne manquait aucunement d’effectifs, n’admettait pas dans ses rangs des candidats malades ou à la santé chancelante. Adélard Godbout est donc invité par son professeur de théologie à se retirer du Séminaire et à réintégrer la vie civile. Le retour par le train à Saint-Éloi, en soutane et en béquilles, a dû être mortifiant pour le jeune homme qui doit maintenant repenser son avenir. »

 

Marcel Labelle affirme que « c’est par amour de la terre qu’Adélard Godbout s’oriente vers l’agronomie. Au début du 20e siècle, la profession est peu valorisée. Selon le journaliste Olivar Asselin, les agronomes ont peu d’influence sur les cultivateurs. Il faut dire que le service agronomique de la province de Québec n’est organisé que depuis 1913. Trois écoles d’agronomie donnent leurs cours depuis quatre ans : le Collège MacDonald, rattaché à l’Université McGill, pour les anglophones, l’Institut agricole d’Oka, pour les francophones — les deux dans la région de Montréal — et l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-Ia-Pocatière, inaugurée en 1913. C’est dans cet établissement qu’en février 1916, Adélard Godbout entreprend trois années d’études. »

 

Selon Jean-Guy Genest, Adélard y « retrouva l’atmosphère austère et profondément confessionnelle du Séminaire de Rimouski où il venait de passer une dizaine d’années. “L’école doit former une grande famille chrétienne”, prescrivait le règlement. […] La discipline était empreinte d’un cachet d’austérité et de prudence morale. La cigarette est interdite, la pipe est tolérée. Il est défendu “à deux élèves d’habiter la même chambre à moins qu’ils soient frères”, les étudiants ne sortent “jamais au village sans mission du directeur”. “Dans les excursions et les visites des expositions, les élèves étaient toujours accompagnés d’au moins un professeur.” En somme, c’était l’atmosphère des collèges classiques de la première moitié du XXe siècle. » Adélard mène ses études avec brio et en décembre 1918, il obtient son baccalauréat en sciences agricoles avec mention grande distinction. Une première pour cette école.

Photographies du Séminaire de Rimouski avant et après l'agrandissement de 1905.

Séminaire de Rimouski

Photographie d'Adélard, à l'âge de 20 ans, finissant au Séminaire de Rimouski. 1913.

Collection famille Godbout

 

Famille

 

Jean-Guy Genest décrit Adélard comme « gai, enjoué, taquin, très affable, solide fumeur et amateur de bonnes plaisanteries ». Lorsqu’il devient agronome du comté, Adélard a la responsabilité de la section locale du Cercle de fermières. Vers 1922, il y fait la rencontre d’une jeune femme de Notre-Dame-de-Bon-Secours-de-L’Islet, Dorilda Fortin, trésorière de l’organisme. Dorilda est une ancienne institutrice de rang qui s’occupe de la centrale téléphonique de L’Islet. Après quelques mois de fréquentation, le couple se dit « oui, je le veux » le 9 octobre 1923 à L’Islet et emménage sur la rue Principale, à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.

 

Le Dictionnaire biographique du Canada révèle que « le couple ne vit pas richement. Le salaire de Godbout, plutôt mince, le force, ainsi que sa femme, à trouver des sources de revenus supplémentaires : il vend au marché local le surplus de la production de sa fermette, où il élève des poules et des lapins, et Dorilda fait du tricot pour une entreprise. »

 

Le 8 janvier 1925 naît leur premier enfant Jean. À l’automne de la même année, la petite famille déménage dans une maison neuve, la première dotée de l’électricité à La Pocatière. La famille s’y agrandit de trois autres enfants : Pierre, Marthe et Rachel. Thérèse, la cadette de la famille, voit le jour en 1931, à Québec.


L'HOMME
 

Photographies de la maison natale d'Adélard Godbout sur la ferme familiale à Saint-Éloi et du monument commémoratif inauguré le 17 septembre 1989.

Collection Dave Turcotte

Photographie d'Adélard Godbout et son épouse Dorilda Fortin. 1939.

Collection famille Godbout

Photographie du couple et de leurs enfants. Vers 1933.

Collection famille Godbout

Photographie du couple et de leurs enfants. 1942.

Collection Alain Lavigne

En 1930, Adélard Godbout est nommé ministre de l'Agriculture. Ainsi, la famille déménage dans une grande maison située au 400 du chemin Sainte-Foy (à l'angle de l'avenue Belvédère) à Québec. Cette maison connue sous le nom de « Glenfield » avait une magnifique vue sur les Laurentides et la campagne environnante. Ce secteur de la ville était toujours rural à l’époque où Godbout s’y installe. La famille y vit jusqu'à son départ de la vie politique en 1948. Vers 1965, elle est démolie pour faire place à l’Édifice Bois-Fontaine qui porte aujourd’hui le numéro civique 880.

Photographie de Dorilda Fortin et de leurs enfants. Vers 1930.

Collection famille Godbout

Agronome

L'agronome

 

En 1919, il devient l’assistant du professeur Louis-de-Gonzague Fortin à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et enseigne la zootechnie avec lui. La zootechnie est la science qui s’occupe de l’élevage et de la reproduction des animaux domestiques. Pour bien répondre aux attentes, en accord avec cette école, Adélard va se spécialiser au Amherst Agricultural College dans l’État du Massachusetts.

 

Toutefois, il ne complète pas sa formation aux États-Unis, car l’école de La Pocatière manque de professeurs en zootechnie. Il revient au Québec en février 1920 pour débuter officiellement sa carrière dans l’enseignement. Selon le Dictionnaire biographique du Canada, « son enseignement allie théorie et travaux pratiques, et est centré sur l’anatomie des animaux de ferme, ainsi que sur les méthodes d’évaluation du bétail. »

Photographie du French Hall du Massachusetts Agricultural College. Vers 1920.

University of Massachusetts Amherst Libraries

Photographie d'une exposition d'éducation agricole du Massachusetts Agricultural College. Vers 1920.

University of Massachusetts Amherst Libraries

Jean-Guy Genest rapporte qu’il « allait s’avérer un excellent pédagogue. Une voix chaleureuse et grave, un débit posé et facile rendaient ses exposés agréables. Il se donnait une préparation sérieuse. Il écrivait ses cours à la plume sur de petits cahiers à feuilles non détachables. […] Habituellement, il utilisait un volume de base américain, dont chaque étudiant possédait un exemplaire. Godbout maîtrisait la matière du volume au point de la débiter de mémoire. Il se présentait devant les étudiants, son volume sous le bras. Il le posait fermé sur la table puis n’y jetait plus les yeux jusqu’à la fin de son exposé, sauf pour suggérer la lecture d’un chapitre à l’occasion d’une question posée par un étudiant. Il utilisait parfois le tableau noir pour tracer, de sa mauvaise écriture, le plan de son cours. Assis bien droit à la petite tribune, le professeur débitait son exposé sans utiliser aucun texte ni aucun aide-mémoire. Il choisissait ses mots, polissait ses phrases, nuançait sa pensée. La matière était abondante et dense, truffée de références à des revues agricoles, américaines ou canadiennes, citées de mémoire. […] Ce qui caractérisait ces cours, c’était la clarté, la précision. Godbout possédait une faculté de synthèse remarquable. »

 

Jean-Guy Genest ajoute : « Pour dispenser cet enseignement avec compétence, Godbout ne ménageait ni son temps ni sa préparation. L’étable étant en quelque sorte son laboratoire, il y passait un grand nombre d’heures à étudier les animaux et à se documenter à leur sujet. Aussi répondait-on au visiteur qui demandait à voir le professeur Godbout : “Il doit être à l’étable.” Il connut bientôt chaque animal et ses ascendants. Il pouvait donner leurs noms de mémoire et énumérer leurs principales caractéristiques. Les étudiants en étaient ébahis. »

 

Le Dictionnaire biographique du Canada souligne que « l’expertise des professeurs d’agronomie est recherchée. Godbout visite des expositions agricoles, donne de nombreuses conférences et sert régulièrement de juge pour des concours d’évaluation de bétail, événements au cours desquels il s’établit “parmi les meilleurs connaisseurs”, selon le rapport du ministère de l’Agriculture de la province de Québec de 1922–1923. Sa réputation franchit rapidement les murs de l’école d’agriculture. »

 

Jean-Guy Genest précise que « grâce à sa facilité de parole et au désir éprouvé par les cultivateurs de connaître davantage l’industrie animale, Godbout fut bientôt un conférencier très recherché de ces expéditions de vulgarisation. […] Les cours se donnaient dans les salles paroissiales. Ils revêtaient une importance particulière dans ces villages agricoles : c’était l’université qui arrivait aux cultivateurs. »

 

Le Dictionnaire biographique du Canada affirme que « le professeur Godbout occupe aussi le poste d’agronome officiel du comté de L’Islet de 1922 à 1925, année de sa démission. À ce titre, il représente le ministère de l’Agriculture de la province auprès des agriculteurs du comté, devient leur conseiller technique et anime la vie agricole de l’endroit. »


L'AGRONOME
 

Carte postale du cœur villageois de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Éditeur J.P. Garneau. Entre 1904 et 1910.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Carte postale de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Entre 1903 et 1915.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Vue éloignée du village, école d'agriculture, l'église et le collège classique.

Carte postale du cœur villageois de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Vers 1910.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Carte postale de l'École d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Vue éloignée de la façade et profil droit.

Carte postale de l'École d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Vers 1920.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographies de l'École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (aujourd'hui nommé Institut de technologie agroalimentaire du Québec, campus de La Pocatière). 2021.

Collection Dave Turcotte

Photographies du buste d'Adélard Godbout devant l'École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (aujourd'hui nommé Institut de technologie agroalimentaire du Québec, campus de La Pocatière). 2021.

Collection Dave Turcotte

Photographie d'une ferme à Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Vers 1930.

Fonds L'Action catholique

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Le député

Le Dictionnaire biographique du Canada raconte que « Godbout est né dans une famille politisée. Son père a été maire de Saint-Éloi de 1892 à 1895, ainsi que de 1917 à 1922. Il a été élu député libéral de la circonscription de Témiscouata à l’Assemblée législative de la province de Québec à une élection partielle en 1921. Il s’est présenté de nouveau aux élections générales de 1923, mais a été battu par le conservateur Jules Langlais. »

 

 

De père en fils

 

En 1921, à la suite d’allégations formulées par l’avocat Jean-François Pouliot, le Dr Louis-Eugène Parrot, député libéral de Témiscouata, démissionne. Le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau, chef du Parti libéral, favorise la candidature d’Eugène Godbout. L’avocat Pouliot souhaite lui aussi se présenter. La convention libérale se tient le 30 août 1921. Eugène Godbout l’emporte, 100 voix contre 4, sur Pouliot. Refusant de se rallier, Pouliot mène sa propre campagne électorale.

 

Entre-temps à Ottawa, des élections générales sont déclenchées. Pouliot abandonne la scène québécoise et se présente candidat libéral au fédéral. Cependant, il donne son appui à Napoléon Saulnier, l’adversaire conservateur d’Eugène Godbout. Plusieurs débats contradictoires ont lieu entre ces deux adversaires. À Saint-Éloi, Pouliot est présent. Répondant à Eugène Godbout qui affirmait avoir eu 20 enfants, Pouliot lance, selon le journal Le Saint-Laurent du 22 septembre 1921 : « Ce n’est pas un reproducteur qu’il nous faut pour aller au Parlement. » C’est Adélard qui réplique à cette attaque personnelle. Marcel Labelle ajoute : « En dix minutes, il fit si bien que la foule se retourna contre Pouliot qui dut quitter la salle sans attendre la fin du débat. À tout juste 29 ans, Adélard Godbout venait de connaître son premier succès en politique. » Le père d’Adélard est élu député de Témiscouata lors de cette élection partielle du 22 décembre 1921 et demeure en poste jusqu’en 1923.  

Depute

Article du journal Le Soleil. 12 décembre 1922.

Journal Le Soleil

Article du journal Le Soleil. 31 août 1921.

Journal Le Soleil

Article du journal The Quebec Chronicle. 31 août 1921.

Journal The Quebec Chronicle

 

Article du journal La Presse. 31 août 1921.

Journal La Presse

Article du journal Le Nouvelliste. 31 août 1921.

Journal Le Nouvelliste

 Élection partielle du 20 mai 1929 

 

Marcel Labelle rappelle qu’à « la fin des années 1920, l’agriculture est en difficulté dans la province de Québec. De nombreuses familles canadiennes-françaises quittent la province pour s’exiler dans les manufactures de la Nouvelle-Angleterre, alors que les politiques agricoles du gouvernement Taschereau sont vivement critiquées. Ministre de l’Agriculture pendant près de vingt ans, Joseph-Édouard Caron démissionne en 1929 pour cause de maladie. Louis-Alexandre Taschereau en profite pour nommer un homme qui a fait ses preuves au ministère de la Voirie quelques années plus tôt, Joseph-Léonide Perron, un puissant avocat de la région de Montréal. Taschereau veut aussi du sang neuf au ministère de l’Agriculture. Élisée Thériault, député du comté de L’Islet depuis douze ans, fermier et fils de fermier, convoite le poste de ministre de l’Agriculture. Mais le premier ministre ne lui reconnaît pas l’envergure pour assumer ce ministère, alors l’un des plus importants au Québec. Pour l’écarter du poste, Taschereau nomme Thériault conseiller législatif, une sinécure qui l’oblige à démissionner de son poste de député de L’Islet. Le champ est libre pour la recrue de Taschereau : l’agronome et professeur Adélard Godbout. »

 

Le Dictionnaire biographique du Canada explique que « grâce à ses liens familiaux, le jeune Godbout n’est donc pas un étranger au sein du Parti libéral provincial. En avril 1929, lorsque se libère le siège d’Élisée Thériault, […] Godbout s’impose comme un candidat de choix dans cette circonscription rurale. La population le connaît et il a fait bonne impression à titre d’agronome de comté. Il a, de plus, l’appui de l’organisation libérale de la circonscription. En outre, l’école d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est favorable à ce que l’un de ses professeurs soit élu et accède éventuellement au cabinet. Godbout se laisse convaincre. »

 

Taschereau déclenche alors une élection partielle. Godbout est choisi à l’unanimité candidat libéral dans L’Islet. Dès son premier discours en campagne électorale, Godbout souligne l’importance qu’il accorde à l’éducation et à la prise en charge, par les Canadiens français, de leur économie. Le journal L’Action catholique rapporte que le candidat Godbout insiste sur le « développement de l’éducation dans chacune des branches du savoir humain. Il faut des professionnels, mais il faut aussi des gens de notre nationalité dans le commerce, la finance et l’industrie. »

 

Jean-Guy Genest décrit que le « scrutin devant se tenir le 20 mai, Godbout entra en campagne dès le 9. Mais le Parti conservateur redoutait la défaite et adopta la stratégie de l’abstention. Comme à l’élection générale de 1927, il ne présenta pas de candidat. Aussi le porte-étendard libéral fut proclamé élu dès le 13 mai, jour de l’appel nominal. »

 

Marcel Labelle écrit que « Godbout entre à l’Assemblée législative le 8 janvier 1930. Il y prononce son tout premier discours en abordant ses thèmes de prédilection : l’agriculture, la colonisation et l’éducation. Signe d’indépendance d’esprit, il critique indirectement son gouvernement en dénonçant les conditions de travail difficiles des institutrices dans les écoles de rang. Il propose un réalignement à la hausse de leurs conditions salariales. Présent dans les tribunes, Eugène Godbout doit savourer la victoire de son fils. »

 

René Chaloult affirme qu’Adélard Godbout « était un orateur parlementaire aussi puissant que redoutable, le meilleur que j’ai entendu à la Chambre des députés pendant seize ans. […] Godbout commençait lentement, très lentement son discours. Il parlait bas. Au début, il fallait tendre l’oreille pour le comprendre. Il semblait gauche et intimidé. Cela se prolongeait parfois un peu trop. Mais subitement l’orateur s’échauffait et retrouvait ses moyens. Le ton prenait de l’ampleur et de l’assurance. Les gestes, élégants et appropriés à l’expression, se déployaient. Même pris au dépourvu, ses idées s’enchaînaient et progressaient avec harmonie. Son langage était d’une pureté exceptionnelle, ses phrases d’une rare correction. Cet homme possédait le génie du français. […] La sonorité de sa voix remplissait la vaste enceinte de l’Assemblée. »


LE DÉPUTÉ
 

Jean-François Pouliot est né le 28 mars 1890 à Rivière-du-Loup. Il est le fils de Charles-Eugène Pouliot, ancien député à Ottawa dans le gouvernement de Sir Wilfrid Laurier. Il fait ses études au Collège de Sainte-Anne de la Pocatière, puis il fait ses études en droit. Il est élu conseiller municipal à la Cité de Rivière-du-Loup en 1917. Candidat libéral dans Témiscouata, il est défait lors de l'élection générale fédérale de 1921. Il cependant élu député dans la même circonscription lors de l'élection partielle fédérale du 1er décembre 1924. Il est réélu à ce poste lors des élections de 1925, 1926, 1930, 1935, 1940, 1945, 1949 et 1953. Il est nommé sénateur le 28 juillet 1955 et le demeure jusqu'au 28 juin 1968. Il décède le 7 juillet 1969 à l'âge de 79 ans. Il est à l'origine du Code municipal et du droit paroissial.

Photographie de Jean-François Pouliot.

Centre d'archives de la région de Rivière-du-Loup

Louis-Alexandre Taschereau est candidat libéral défait dans Dorchester en 1892. Il est élu député libéral dans Montmorency en 1900. Il est réélu sans opposition en 1904. Son siège devint vacant lors de sa nomination au cabinet. Il est réélu à l'élection partielle du 4 novembre 1907. Il est nommé ministre des Travaux publics et du Travail dans le cabinet du premier ministre Gouin du 17 octobre 1907 au 25 août 1919. Il est élu dans Montmorency et défait dans Charlevoix en 1908. Il est réélu dans Montmorency en 1912, en 1916, en 1919 sans opposition, en 1923, en 1927 sans opposition, en 1931 et en 1935. Il est nommé procureur général dans le cabinet du premier ministre Gouin du 25 août 1919 au 9 juillet 1920. Il est premier ministre et président du Conseil exécutif du 9 juillet 1920 jusqu'à sa démission, le 11 juin 1936. Il est procureur général du 9 juillet 1920 au 13 mars 1936. Il est ministre des Affaires municipales du 30 avril 1924 au 6 juin 1935. Il est trésorier de la province du 27 novembre 1930 au 26 octobre 1932. Il ne s'est pas représenté en 1936.

Une de la Revue illustrée du journal La Presse du 7 mai 1927.

Collection Dave Turcotte

Diagramme de l'Assemblée législative du Québec. 1931.

Assemblée nationale du Québec

Le ministre

Dès janvier 1930, Godbout entame sa première session parlementaire à l’Assemblée législative. Il se consacre principalement au peaufinage du plan de développement agricole du nouveau ministre de l’Agriculture, Joseph-Léonide Perron. Le « plan Perron », comme on le désignera, constitue une des pièces de résistance du programme du gouvernement.

 

Marcel Labelle explique que « le nouveau ministre de l’Agriculture, Joseph-Léonide Perron, se lance dans un train de réformes qui, en général, sont bien accueillies. Mais à l’été de 1930, il tombe gravement malade. De plus, le gouvernement libéral doit défendre sa politique agricole lors d’une élection partielle dans une circonscription rurale, de surcroît château fort conservateur, le comté de Deux-Montagnes. Le Parti délègue, entre autres pour remplacer le ministre malade, le nouveau député de L’Islet, Adélard Godbout. Au moment du scrutin, le 4 novembre 1930, les conservateurs, même s’ils remportent le comté, voient leur majorité fondre de cinquante pour cent. Les libéraux estiment que ce score satisfaisant est attribuable aux interventions de Godbout qui a sauvé les meubles dans le comté. »

 

 

 Ministre de l’Agriculture du 27 novembre 1930 au 27 juin 1936 

 

Marcel Labelle raconte qu’en « novembre 1930, le ministre de l’Agriculture Léonide Perron, meurt en fonction, à l’âge de 58 ans. Plus tôt, le 16 juillet, l’ex-ministre de l’Agriculture, Joseph-Édouard Caron décédait également. Dans les rangs libéraux, c’est la consternation. Pour leur succéder, le premier ministre Taschereau aurait pu jeter son dévolu sur Joseph-Ernest Ouellet, fermier depuis 1917. Mais ce dernier ne possède pas l’instruction nécessaire. Une semaine après le décès de Perron, le premier ministre Taschereau, revenant de sa maison d’été située à Saint-Patrice-de-Rivière-du-Loup, arrête sa voiture devant la résidence d’Adélard Godbout, à La Pocatière. Ce dernier devient le premier titulaire du ministère de l’Agriculture à posséder une solide formation académique en ce domaine. »

 

Le Dictionnaire biographique du Canada commente qu’au « risque de froisser des députés plus expérimentés, Taschereau décide de confier les rênes du ministère de l’Agriculture à Godbout, en raison de la qualité de sa formation, des aptitudes dont il a fait preuve lorsqu’il a soutenu le plan de Perron, en l’absence de celui-ci, pendant l’élection partielle tenue à l’automne de 1930 dans la circonscription de Deux-Montagnes, et de la nécessité de rajeunir et de diversifier le profil professionnel de son cabinet. Le 27 novembre 1930, Godbout, âgé de 38 ans, devient ministre de l’Agriculture de la province de Québec. » La moyenne des autres ministres est de 52 ans et que le premier ministre Taschereau est âgé de 63 ans.

 

Le Dictionnaire biographique du Canada relate qu’au « moment de son entrée en fonction, le jeune ministre Godbout annonce son intention de poursuivre l’implantation du plan Perron. Deux des éléments de ce plan marquent plus particulièrement son travail, soit l’enseignement agricole et la gestion de l’industrie laitière. Celle-ci fait l’objet de la principale loi sanctionnée durant son premier mandat, la Loi concernant le lait et les produits laitiers de 1933, qui crée la Commission de l’industrie laitière de la province de Québec. D’abord dotée de pouvoirs d’enquête relativement restreints, cette commission est considérablement renforcée, en 1934, par des modifications à la loi, qui lui donnent, entre autres, le droit de surveiller et de réglementer la préparation, la distribution et la vente des produits laitiers. Ces pouvoirs extraordinaires, selon le ministre Godbout, ont pour but d’assurer aux producteurs de lait une plus grande part des fruits de la vente de leurs produits et de permettre un meilleur contrôle de la distribution du lait, surtout dans les grandes villes. Cette loi est importante, car elle marque l’aboutissement de la prise en charge, par l’État, de la supervision de l’industrie laitière. Au Québec, elle constitue un moment clé de l’évolution de la politique agricole vers une participation plus active de l’État dans la régulation des prix et de la production. »

 

Marcel Labelle soutient que « comme ministre de l’Agriculture, dans tous ses discours à travers la province, Godbout martèle toujours le même thème au sujet des cultivateurs : l’instruction et la coopération. Il estime que le meilleur service qu’un cultivateur puisse se rendre à lui-même est de faire instruire le fils qui lui succédera. Quant à la coopération, le ministre fit voter des lois afin d’en faciliter l’organisation. Par exemple, dans certains domaines comme la volaille ou la pomme, il ne suffisait plus que de 10 producteurs, au lieu de 40 comme précédemment, pour fonder une coopérative. »

 

Toujours selon Marcel Labelle : « Son ministère l’amène à fréquenter régulièrement la population. À titre de ministre, il est invité aux foires et aux expositions agricoles. Mais, une fois sur place, le ministre redevient agronome ou fermier. Il parle aux participants, répond aux questions, interroge à son tour, tâtant et commentant l’état des animaux de ferme qu’il voit surplace. »

 

Le Dictionnaire biographique du Canada ajoute que « ce mandat de Godbout comme ministre de l’Agriculture correspond aux pires années de la crise économique des années 1930. Le ministre tente d’aider les agriculteurs dans ces temps difficiles. Par exemple, il lutte contre le protectionnisme des partenaires commerciaux du Canada en demandant aux délégués des pays présents à la Conférence économique impériale, tenue à Ottawa en 1932, une exemption pour certains produits agricoles. Il présente également, en 1933, un projet de loi pour permettre de suspendre temporairement les obligations d’un débiteur incapable de rembourser une créance hypothécaire. »

 

 

Ministre

Affiche du ministre Adélard Godbout. Vers 1930.

Collection Alain Lavigne

Vie de famille

 

Marcel Labelle note que « la nomination de Godbout à titre de ministre implique plusieurs changements pour sa famille et lui. D’abord, il doit abandonner l’enseignement à l’École d’agriculture de La Pocatière qu’il donnait encore à temps partiel. Puis, à la fin de l’année scolaire 1930-1931, toute la famille doit quitter La Pocatière pour s’installer à Québec, dans une maison de style canadien (aujourd’hui détruite) à l’angle du chemin Sainte-Foy et de l’avenue Belvédère. Malgré son statut de ministre et malgré le fait qu’il vive dans un quartier bourgeois, le nouveau ministre envoie ses enfants dans les classes publiques pour leurs études primaires. »

 

Jean-Guy Genest décrit bien l’horaire et la vie familiale du ministre : « À Québec, l’emploi du temps du ministre s’établissait de la façon suivante. Le dimanche soir, il quittait Québec par train pour se rendre à Montréal. Il y passait la journée du lundi, aux bureaux de son ministère. Le mardi et les trois jours suivants, il travaillait au Parlement à Québec. Debout à huit heures, il se rendait à son travail pour neuf heures. Il se déplaçait dans sa propre voiture, une Buick, qu’il conduisait lui-même. Ce n’est que bien des années plus tard, sous le gouvernement Duplessis, que les ministres eurent droit à une voiture de fonction. En période de session parlementaire, cet emploi du temps subissait quelques accrocs. Même s’il s’efforçait d’être présent le plus possible à sa demeure et d’y prendre ses repas, Godbout voyait très peu ses enfants pendant la semaine, l’horaire de la session parlementaire correspondant fort mal avec celui des écoles. En soirée, Godbout participait à la session ou étudiait des dossiers. Session ou non, il passait le plus clair de ses soirées à son bureau à travailler avec son secrétaire, Alexandre Larue. Le dimanche, Godbout était moins accaparé par sa fonction. Levé à son heure habituelle, il chantait des chants liturgiques latins en se rasant : Kyrie, Gloria, Credo… Les enfants admiraient sa belle voix. Après la messe à l’église paroissiale des Saints-Martyrs, il faisait un brin de causette avec des coparoissiens puis se rendait à son bureau du Parlement en compagnie du fils aîné. Le garçonnet appréciait ces moments passés en compagnie de son père. Après le dîner pris en famille et préparé avec grand soin par sa femme, Godbout se livrait à une courte sieste. Il emmenait ensuite la famille pour la balade hebdomadaire. Dans l’auto, souvent on chantait. Histoire sans doute d’amener tout ce petit monde à être “sage”. Certains airs revenaient souvent : Régiments Sambre et Meuse, Berceuse de Jocelyn et Réveil rural. Parfois, on organisait des chœurs. Les garçons chantaient une partie et les fillettes l’autre. Mélomane, Godbout prolongeait le concert au retour à la maison, au moyen de disques. Il prisait particulièrement les ténors Enrico Caruso et Beniamino Gigli. La vie politique perturbait parfois cette routine familiale : Godbout participait à des assemblées électorales le dimanche après-midi. Il emmenait alors les plus âgés des enfants, heureux d’aller entendre leur père et de ne pas manquer la promenade dominicale. »

 

Marcel Labelle souligne qu’à l’époque, « il allait de soi qu’un ministre de l’Agriculture soit également un cultivateur. Pour Godbout, un amoureux de la terre, cela n’avait rien d’une affectation. À la fin de 1931, il se porte acquéreur d’une ferme de onze arpents sur quatorze, à Frelighsburg, près de la frontière américaine ; le logis principal est une grande maison de pierres. Avec des voisins, il se met à la tâche de récupérer des terres arables occupées par un chemin de fer désaffecté. Sur sa terre, il plante 1500 pommiers et se lance dans l’élevage d’animaux de race : bovins, chevaux et porcs. Il confie le tout à un homme de confiance, son cousin Léo Godbout. »

 

 Élection québécoise du 24 août 1931 

 

Marcel Labelle écrit : « Une crise économique frappe durement tout l’Occident depuis octobre 1929. Selon The Canadian Annual Review of Public Affairs, 1930-1931, le taux de chômage chez les travailleurs syndiqués est de 20 % en juin 1931. Par ailleurs, les libéraux ont perdu le pouvoir à Ottawa aux mains des conservateurs de Richard B. Bennett. À Québec, les conservateurs sont dirigés par un politicien populaire et populiste, maire de Montréal de surcroît, Camillien Houde. La tâche s’annonce donc ardue pour l’équipe libérale de Taschereau, au pouvoir depuis 1920. »

 

Jean-Guy Genest énonce que « contrairement au chef conservateur, Alexandre Taschereau était assez piètre orateur. “Il parlait d’un ton voilé, par périodes un peu monotones.” Se rendant bien compte de ses insuffisances oratoires, il recourait à ses collègues mieux doués à cet égard. Pendant cette campagne électorale de 1931, Athanase David, Honoré Mercier fils et Joseph-Napoléon Francœur, ainsi que la nouvelle recrue, Adélard Godbout, furent ainsi appelés à transmettre le message du Parti libéral et à parcourir un grand nombre de comtés. Godbout était spécialement responsable du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Il y entreprit une tournée avant l’annonce des élections. Il s’agissait de reprendre en main l’électorat de ce secteur qui semblait passé à l’opposition. Le chef conservateur, qui avait commencé sa campagne quelques jours plus tôt, y avait fait des gains importants aux dépens des libéraux. Le nom de Godbout était avantageusement connu dans cette région. Eugène Godbout y avait exercé son activité politique et commerciale. Adélard Godbout avait également parcouru la région comme conférencier agricole ou comme propagandiste de la race Ayrshire. Il avait aussi enseigné à de nombreux cultivateurs aux cours abrégés. Il avait répondu personnellement à plusieurs d’entre eux qui demandaient des renseignements à l’École d’agriculture. Il s’était mis en évidence comme organisateur de l’exposition annuelle de chevaux de trait à Sainte-Anne-de-la-Pocatière pendant une dizaine d’années. »

 

Jean-Guy Genest précise que le « rôle de Godbout pendant cette campagne était d’autant plus important que le gouvernement comptait sur la classe agricole pour se faire réélire ; la classe ouvrière, en raison du chômage qui sévissait, semblait perdue. De plus, l’agriculture apparaissait comme la grande panacée du malaise économique. Intellectuels, journalistes, missionnaires agricoles prêchaient le retour à la terre. Les gouvernements fédéral et provincial y investissaient des millions. Les lots de colonisation disponibles ne suffisaient plus à répondre aux demandes des sans-emploi qui voulaient quitter la ville pour la campagne. »

 

La tendance se renverse et le gouvernement libéral du premier ministre Taschereau est réélu. ​Le Parti libéral fait élire 79 députés avec 55 % des votes et les conservateurs de Camillien Houde, 11 députés avec 43 % des votes.

 

Dans la circonscription de L’Islet, Godbout est réélu député avec 2 131 voix, contre 1 397 pour son adversaire conservateur. Ce qui fait dire à Marcel Labelle qu’avec « cette confortable majorité, la vie du ministre de l’Agriculture allait changer du tout au tout. »

Résultats de l'élection québécoise de 1931 dans la circonscription de L'Islet.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

 Élection québécoise du 25 novembre 1935 

 

Marcel Labelle révèle qu’en 1935, « lorsque Taschereau déclenche des élections générales, la campagne électorale s’annonce difficile pour les libéraux. Le Parti libéral, au pouvoir depuis 1897, dont les 16 dernières années avec Taschereau, essuie le feu nourri du Parti conservateur et de son nouveau chef, Maurice Duplessis. De plus, des libéraux influents deviennent dissidents. Ils sont dirigés par Paul Gouin, fils de l’ancien premier ministre libéral Lomer Gouin et petit-fils d’Honoré Mercier. Baptisé l’Action libérale nationale (ALN), le parti de Gouin est formé de libéraux mécontents, mais également de nationalistes et d’organismes catholiques, comme l’Union catholique des cultivateurs (UCC). Plus dangereux encore pour les libéraux, l’Action libérale nationale conclut une alliance avec les conservateurs de Duplessis : les deux partis ne présenteront qu’un seul candidat par comté contre le candidat libéral. »

 

Pendant ce temps à Ottawa, les libéraux de Mackenzie King reprennent le pouvoir le 14 octobre 1935. Ils remportent 60 des 65 sièges au Québec. Désirant surfer sur cette vague libérale, Taschereau déclenche une élection québécoise pour le 25 novembre 1935. Cette stratégie semble sauver son gouvernement à court terme. Le Parti libéral fait élire 47 députés avec 46 % des votes contre l’alliance stratégique de l’Action libérale nationale et le Parti conservateur qui font élire respectivement 26 et 17 députés, soit un total de 42 avec 49 % des votes.

 

Marcel Labelle avance qu’à « l’image de la campagne de 1931, Adélard Godbout fut, en 1935, un des principaux porte-parole des libéraux. Outre qu’il doit défendre les politiques de son ministère, il est appelé en renfort auprès de candidats en danger, en particulier dans les comtés ruraux qui forment la majorité des comtés au Québec cette époque. Il gagne en prestige dans les rangs libéraux. »

Résultats de l'élection québécoise de 1935 dans la circonscription de L'Islet.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec


LE MINISTRE
 

Mosaïque du conseil des ministres du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. Journal L'Événement. 31 août 1935.

Collection Dave Turcotte

Message d'Adélard Godbout, quelques jours après sa nomination à titre de ministre de l'Agriculture. Bulletin de la Ferme. 18 décembre 1930.

Collection Dave Turcotte

Cahier de comptabilité pour les cultivateurs publié par ordre du ministre Adélard Godbout. Ministère de l'Agriculture du Québec. 1933.

Collection Dave Turcotte

Don d'Alain Lavigne

Photographie de la résidence de la ferme d'Adélard Godbout à Frelighsburg. 2020.

Collection Dave Turcotte

Photographie d'Adélard Godbout et son cousin et homme de confiance sur sa ferme à Frelighsburg.

Collection famille Godbout

Photographie d'Adélard Godbout sur sa ferme à Frelighsburg.

Collection famille Godbout

Publicité électorale du Parti libéral du Québec. 1931.

Collection Dave Turcotte

Brochure électorale critiquant le bilan agricole du gouvernement libéral du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau et du ministre de l'Agriculture Adélard Godbout. Parti conservateur. 1931.

Collection Dave Turcotte

Bilan du gouvernement libéral du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. Parti libéral du Québec. 1935.

Collection Dave Turcotte

Don de Pascal Bérubé

Publicité électorale du Parti libéral du Québec. Journal Le Soleil. 23 novembre 1935.

Collection Dave Turcotte

Bas-relief illustrant l'alliance électorale Duplessis-Gouin signée en novembre 1935. Novembre 1935.

Collection Alain Lavigne

Diagramme de l'Assemblée législative du Québec. 1936.

Assemblée nationale du Québec

Chefliberal

Le chef libéral

Malgré la défaite électorale, l’opposition ne dérougit pas. La pression est forte sur le gouvernement libéral. Voyant la faiblesse du gouvernement, Maurice Duplessis joue du coude pour « officialiser » son alliance avec Paul Gouin. Ainsi, l’Action libérale nationale et les conservateurs forment un nouveau parti : l’Union nationale. Maurice Duplessis évince Paul Gouin. Duplessis dirige seul l’Union nationale.

 

Marcel Labelle raconte que « deux mois à peine après la reprise des travaux parlementaires, le Comité des comptes publics, Duplessis en tête, révèle des cas de patronage touchant directement le premier ministre Taschereau et des membres de sa famille. La pression devient trop forte : Taschereau démissionne de son poste de premier ministre et de chef du Parti libéral. Des élections générales sont déclenchées pour le [17] août 1936. »

 

Jean-Guy Genest ajoute : « Ils furent annoncés le jour même au comité des comptes publics. Ils mirent fin à ses activités explosives. Duplessis venait de gagner une nouvelle manche dans sa lutte pour le pouvoir. Les comptes rendus des séances du comité des comptes publics lui avaient fait une large publicité et lui avaient créé une image de défenseur du peuple contre les “profiteurs libéraux”. Il entrait en campagne en vainqueur. Le gouvernement était éreinté. Pour le Parti libéral, la campagne apparaissait comme une marche vers la défaite. On ne se faisait guère d’illusion, il s’agissait d’éviter le pire. »

 

« Sous la pression des partis d’opposition, le premier ministre libéral Louis-Alexandre Taschereau convoque le Comité des comptes publics, inactif depuis dix ans. Ce comité est présidé par Léon Casgrain, député libéral de Rivière-du-Loup. Il comprend 36 députés, 16 opposants et 20 ministériels. Les révélations faites pendant les délibérations de ce comité joueront un grand rôle dans l’éventuelle démission du premier ministre et la défaite du Parti libéral à l’élection générale du 17 août 1936. »  — Bilan du siècle

Une du journal Le Devoir. 1er mai 1936.

Collection Dave Turcotte

Marcel Labelle précise qu’à « l’époque, le Parti libéral du Québec était très inféodé au Parti libéral fédéral. Ainsi, dès l’hiver de 1935, Charles G. Power, ancien organisateur de Taschereau devenu ministre fédéral de Mackenzie King, mena des consultations pour trouver un successeur à Taschereau, même si celui-ci venait à peine d’être réélu. À partir de ces consultations, le nom d’Adélard Godbout fit surface pour succéder à Taschereau. Mais le principal intéressé n’a pas l’ambition de devenir premier ministre du Québec. Il s’en ouvre à son secrétaire, Alexandre Larue, à qui il confie qu’il n’est pas fait pour ce poste. Toutefois, il estime qu’un refus serait interprété comme une désertion au moment où les libéraux ont désespérément besoin d’un chef dont la réputation est immaculée. Ce qui est le cas de Godbout. »

 

Jean-Guy Genest décrit que, contrairement à Taschereau, « Godbout certes n’affichait pas l’ombre d’un quartier de noblesse. Descendant de défricheurs, fils de terrien, il se disait cultivateur, même s’il avait fort peu cultivé. De physique peu imposant, il affichait une maigreur et une calvitie qui n’ajoutaient pas à son prestige physique. De plus, relativement pauvre, il ne possédait même pas de résidence à Québec, il y était locataire. Cependant sur le plan de l’élocution et des relations publiques, Godbout arborait une nette supériorité : il s’exprimait posément, accordait de longues audiences et répondait abondamment aux questions des journalistes. Taschereau s’exprimait avec vivacité et se montrait expéditif face à la presse. Enfin dernier point de comparaison et non des moindres : l’âge. Taschereau était né en même temps que la Confédération, il avait soixante-neuf ans ; Godbout n’avait que quarante-quatre ans : un quart de siècle les séparait. »

 

 

 Premier ministre du Québec du 11 juin au 26 août 1936 

 

Le 11 juin 1936, le jour même de la démission du premier ministre Taschereau et de l’ajournement de la Chambre pour la tenue de l’élection, sous les pressions de ses collègues, du premier ministre lui-même et, précédemment des émissaires fédéraux, Godbout accepte d’assurer l’intérim comme chef du Parti libéral du Québec.

 

Jean-Guy Genest révèle que « pendant les jours qui suivirent ces bouleversements, les déclarations du nouveau chef libéral indiquaient sa volonté de rompre avec le passé décrié. Il promit des élections honnêtes et l’institution d’une commission pour faire enquête sur l’administration. Les libéraux dont la conduite avait été dénoncée devant le comité des comptes publics reçurent leur congé : ils ne participeraient pas à la prochaine campagne électorale. »

 

Jean-Guy Genest explique que « dès sa nomination, Godbout s’occupa de constituer son cabinet. Travail long et ardu qui lui occasionna beaucoup de soucis. La fatigue se lisait sur sa figure. Le nouveau ministère ne fut connu que le 27 juin. Invités à en faire partie, plusieurs s’y refusèrent. Dans son travail de recrutement, Godbout reçut l’aide d’Ernest Lapointe, qui suivait de près l’évolution de la situation. Lapointe et Godbout se connaissaient de très longue date. Tous deux étaient originaires Saint-Éloi. Lapointe était né au village, Godbout dans le deuxième rang. Leurs familles étaient apparentées : l’unique sœur de Lapointe avait épousé Léonce Godbout, frère d’Adélard ; Eugénie Godbout, tante d’Adélard, avait épousé Charles-Alfred Desjardins, oncle de Lapointe et ancien député. Pour la formation du cabinet, un principe prévalut : présenter un visage neuf. Tous les ministres nommés avant 1935 durent s’effacer, même ceux dont l’intégrité était au-dessus de tout soupçon. »

 

 Cabinet d’Adélard Godbout, 15e premier ministre du Québec, le 27 juin 1936 : 

 

Adélard Godbout : Premier ministre, président du Conseil exécutif, Agriculture et Colonisation

       

Télesphore-Damien Bouchard : Affaires municipales, Terres et Forêts

                   

Wilfrid Gagnon : Industrie et Commerce 

              

Charles-Auguste Bertrand : Procureur général, Secrétaire de la province

                                     

Edgar RochetteTravail, Chasse et Pêcheries

Césaire GervaisTravaux publics et Mines

         

Edward Stuart McDougallTrésorier

          

Pierre-Émile Côté : Voirie   

Cléophas Bastien : Sans portefeuille   

         

Frank Lawrence Connors : Sans portefeuille

Coupure de presse illustrant la dernière réunion du cabinet du premier ministre Adélard Godbout. Journal Le Soleil. 1936.

Collection Alain Lavigne

 Élection québécoise du 17 août 1936 

 

Marcel Labelle rapporte que « courageusement, au dire même de ses adversaires, Godbout entreprend la campagne électorale dans le comté de Saint-Hyacinthe, détenu depuis 1912 par Télesphore-Damien (T-D.) Bouchard. Bouchard est un homme d’une grande probité et un chaud partisan de la nationalisation de l’électricité au Québec. D’ailleurs, à Saint-Hyacinthe dont il est maire depuis 1917, il a procédé, en 1933, à la “municipalisation” de la distribution d’électricité. Cela semble lui réussir, puisqu’il est réélu maire et député libéral à quelques jours d’intervalle, en cette année électorale de 1936. »

 

Jean-Guy Genest fait savoir que « Godbout fit connaître son programme dans une série de causeries radiophoniques. Il comprenait l’électrification des campagnes, une prime à la fabrication du beurre et du fromage, un subside à la culture betteravière, une dernière tentative pour adapter le prêt agricole fédéral aux conditions québécoises, et, en cas d’échec, des ententes avec les caisses populaires. On mettrait l’accent sur la colonisation, on la confierait à une commission de spécialistes. On abrogerait la loi Dillon. On réglerait le problème financier de la métropole et de l’Université de Montréal. […] Godbout s’inspirait largement du programme de l’Action libérale nationale. Dans sa deuxième causerie radiophonique, il annonça sa volonté d’administrer “dans un sens chrétien”, selon une formule chère à Paul Gouin et au Dr Philippe Hamel. Une scission s’étant produite entre Duplessis et Paul Gouin, les libéraux comptaient en tirer profit en ralliant les amis de ce dernier. Mais celui-ci coupa les ponts. Il annonça qu’il combattrait Godbout comme les autres. »

 

Jean-Guy Genest souligne que « les libéraux reçurent l’appui de leurs collègues fédéraux, qui étaient une soixantaine au Québec. La majorité de ces derniers, ministres et députés, tant anglophones que francophones, participèrent à la campagne. Les députés fédéraux dénoncèrent le “péril bleu” représenté par Duplessis et ses partisans. […] Les assemblées des deux partis étaient enthousiastes et nombreuses. Mais celles de l’Union nationale étaient encore plus impressionnantes. Le Parti libéral, qui avait du plomb dans l’aile au départ, ne réussit pas à refaire son image. Il essuyait des assemblées houleuses. Un courant d’opinion puissant permettait à Duplessis de marcher de triomphe en triomphe. […] Godbout mena une campagne courageuse, qui provoqua l’admiration de ses partisans et même de ses adversaires. L’Union nationale lui créa des embûches de toutes sortes, interruptions, huées, chahuts. Homme délicat, il devait souffrir énormément du climat de foire d’empoigne qui régnait à de nombreux rassemblements. »

 

Le jour du scrutin, c’est la débâcle. Le gouvernement libéral est défait. L’Union nationale fait élire 76 députés avec 57 % des votes et le Parti libéral, 14 députés avec 39 % des votes. Seuls quatre ministres libéraux sont réélus, dont Télesphore-Damien Bouchard. Même le premier ministre Adélard Godbout est battu, par seulement 20 voix, dans sa propre circonscription de L’Islet. C’est la fin d’un règne libéral qui a duré près de 40 ans.

 

Bien que son mandat de premier ministre n’ait duré que 77 jours, « partisan d’une nature accessible à tous », il réussit à faire voter une loi sur les parcs du Québec.

 

 

Résultats de l'élection québécoise de 1936 dans la circonscription de L'Islet.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

Chef extra-parlementaire

 

Marcel Labelle relate que « la défaite de Godbout est ressentie comme une perte pour le monde agricole. Même un adversaire comme Gérard Filion, de l’Union des cultivateurs catholiques, écrit dans La Terre de chez nous que “son départ cause un vide” à la législature. Malgré sa défaite, le leadership de Godbout ne fut pas remis en doute ; il avait l’appui indéfectible d’Ernest Lapointe. Pour pallier son absence à la législature, Godbout nomma T.-D. Bouchard, chef de l’aile parlementaire, devenant ainsi chef de l’opposition officielle. »

 

Jean-Guy Genest émet qu’en ayant perdu son siège de député, « n’ayant ni emploi ni fortune, [Godbout] n’avait que les revenus de sa ferme pour vivre. Celle-ci n’était pas rentable. Il venait d’y investir 15 000 $ en six ans. Il s’écoulerait encore quelques années avant que cette dette puisse être éteinte. Godbout ne pouvait compter sur le parti pour obtenir un salaire : celui-ci n’avait même pas l’argent nécessaire pour payer les avocats qu’il engageait. Du jour au lendemain, Godbout, qui s’était consacré tout entier à sa province et à son parti, en était réduit à devoir cultiver sa ferme de ses mains pour assurer sa subsistance et celle des siens. Godbout a décrit lui-même sa pauvreté de l’époque : “Mes enfants ont pu manquer de quelque chose, manquer même du nécessaire parfois, après que j’eus passé huit années dans la vie publique.”  »

 

Jean-Guy Genest écrit : « Au début de l’année 1938, Godbout avait de bonnes raisons de croire à une remontée de son parti, Duplessis avait déçu les nationalistes et les ouvriers. Des membres en vue de son parti l’avaient quitté et avaient même constitué une nouvelle formation politique, à l’été de 1937, sous le nom de Parti national. Pendant ce temps, des députés libéraux défaits en août 1936 se faisaient élire avec des majorités considérables lors d’élections partielles fédérales. […] Le moment paraissait venu de mesurer les forces du parti provincial. L’élection de Cyrille Dumaine, député libéral de Bagot, ayant été annulée, Duplessis ordonna une élection. Dumaine se représenta, même s’il n’avait obtenu que 32 voix de majorité à l’élection générale. Godbout, qui croyait en la victoire de son candidat, engagea tout son prestige pour le soutenir. Malgré les chemins glacés, il parcourut les différentes paroisses aux côtés de Dumaine. Il prononça des discours à chaque endroit et visita les comités libéraux, tant dans les rangs que dans les villages. La caisse du parti étant à sec, Godbout vendit des animaux de sa ferme pour payer ses dépenses, pour réduire celles-ci, le député fédéral du comté logea le chef libéral chez lui, tout le mois que dura la campagne, T.-D. Bouchard, dont la circonscription était voisine, prêta aussi un concours assidu. L’Union nationale ne manifesta pas moins de vigueur. […] Malgré l’ardeur déployée par les libéraux, le candidat ministériel obtint 450 voix de majorité. […] Cette défaite de Bagot fut salutaire aux libéraux : elle les amena à réfléchir, à se ressaisir et à imprimer une nouvelle vigueur à leur activité au Québec. »

 

Marcel Labelle note qu’après « la défaite de 1936, le Parti libéral risquait de se faire doubler par les libéraux dissidents de l’Action nationale libérale et par ceux du groupe du Parti national, fondé en 1937 par le Dr Philippe Hamel. Les hautes instances du Parti libéral, tant fédérales que provinciales, décidèrent d’organiser, pour la première fois de son histoire, un congrès pour le Parti libéral du Québec. En juin 1938, quelque 900 délégués adoptent un nouveau programme qui prévoyait, entre autres mesures, l’obtention du droit de vote pour les femmes aux élections provinciales. C’est sans grande surprise qu’Adélard Godbout est reconfirmé chef du Parti libéral par l’ensemble des délégués, [le 11 juin 1938]. Sur le plan financier, il est décidé que le parti lui versera un salaire ; il pourra ainsi se consacrer entièrement à la préparation de la prochaine campagne électorale. »

Brochure de la conférence du docteur Philippe Hamel Le trust de l'électricité menace pour la sécurité sociale,

prononcée à l'école du Plateau, à Montréal, le 18 janvier 1937.

Collection Dave Turcotte


CHEF LIBÉRAL
 

Portrait du premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau.

Collection Dave Turcotte

Don de Pascal Bérubé

Photographies de la maison d'Ernest Lapointe et du monument marquant le lieu de sa maison natale. 2021. 

Collection Dave Turcotte

Photographie du cabinet du premier ministre Adélard Godbout. 1936.

Les Éditions du Septentrion

Boîte de cigares à l'effigie du premier ministre Adélard Godbout. 1936.

Collectionneur privé

La Revue électorale, synthèses et documents. Directeur général des élections du Québec. 1992.

Collection Simon Turmel

10e édition du Guide souvenir des élections provinciales. 1936.

Collection Dave Turcotte

Macaron électoral du premier ministre Adélard Godbout. Parti libéral du Québec.

Collection Alain Lavigne

Brochure électorale du premier ministre Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1936

Collection Simon Turmel

Publicité électorale du premier ministre Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1936

Collection Dave Turcotte

Publicité électorale du candidat libéral Adélard Godbout dans L'Islet. Parti libéral du Québec. 1936.

Collection Alain Lavigne

Premierministre

Le premier ministre

 Élection québécoise du 25 octobre 1939 

Marcel Labelle explique que « le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie envahit la Pologne, l’Angleterre déclare la guerre au régime d’Adolph Hitler. C’est le début de la Deuxième Guerre mondiale. Une semaine plus tard, le Canada entre en guerre. À Québec, Duplessis a profité des vacances estivales pour déclencher des élections générales prévues pour le 25 octobre. Mais Godbout et les libéraux, qui sillonnent le Québec depuis leur congrès de juin 1938, sont prêts et bien organisés. L’effet de surprise recherché par Duplessis échoue. »

 

Marcel Labelle raconte que « Godbout, de son côté, obtient l’appui indéfectible des libéraux fédéraux, ce qu’on lui reprochera. Mais il met un terme aux dissensions chez les libéraux nationalistes ramenant la majorité d’entre eux au bercail libéral ou, à tout le moins, en s’assurant qu’ils ne divisent pas le vote en faveur de Duplessis. De plus, la minorité anglophone, qui représente à l’époque 20 % de l’électorat — des fonds électoraux intéressants — et qui avait boudé les libéraux à l’élection de 1936, tourne le dos à l’Union nationale et revient, elle aussi, dans le giron libéral. »

 

Marcel Labelle ajoute que « lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918), le gouvernement fédéral avait imposé la Loi de la conscription, obligeant les hommes à aller se battre en Europe. Pour la campagne électorale de 1939, Duplessis va agiter le même grelot. Il va déplacer le débat électoral vers la scène fédérale, faisant un procès d’intention aux libéraux de Mackenzie King et à son lieutenant québécois, Ernest Lapointe : si les Québécois élisent le Parti libéral d’Adélard Godbout, il y aura une autre conscription. Le ministre fédéral donne la réplique à Duplessis par des émissions radiophoniques. » 

 

Duplessis promet qu’il n’y aura pas de conscription et met de l’avant le concept d’autonomie pour le Québec. En octobre 1939, Godbout s’engage « sur l’honneur » à quitter son parti « et même à le combattre si un seul Canadien français, d’ici la fin des hostilités en Europe, est mobilisé contre son gré sous un régime libéral ou même un régime provisoire auquel participeraient nos ministres actuels dans le cabinet de M. King ». Comme l’écrit Jean-Guy Genest, Godbout, il s’agissait d’une promesse percutante et lourde de conséquences.

 

La victoire de Godbout est éclatante. Il est élu premier ministre suite à la victoire de son parti lors de l’élection du 25 octobre 1939. Le Parti libéral fait élire 70 députés avec 53 % des votes contre 15 députés pour l’Union nationale avec 38 % des votes. Le mode de scrutin uninominal à un tour dessert cette fois-là Duplessis. Il y a un député indépendant. Les dissidents libéraux membres de l’Action libérale nationale de Paul Gouin sont tous défaits. D’ailleurs, les 56 candidats perdent leur dépôt.

 

 

Résultats de l'élection québécoise de 1939 dans la circonscription de L'Islet.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

 Premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 8 novembre 1939 au 30 août 1944 

 Ministre de l’Agriculture du 8 novembre 1939 au 30 août 1944 

 Ministre de la Colonisation du 8 novembre 1939 au 5 novembre 1942 et du 12 février 1943 au 30 août 1944 

 

Le 8 novembre 1939, Adélard Godbout, âgé de 47 ans, est de nouveau assermenté à titre de premier ministre du Québec devant le lieutenant-gouverneur, Ésioff-Léon Patenaude. Le même jour, son cabinet ministériel est aussi assermenté.

 

 

 Cabinet d’Adélard Godbout, 15e premier ministre du Québec, le 8 novembre 1939 : 

 

Adélard Godbout : Premier ministre, président du Conseil exécutif, Agriculture, Colonisation

James Arthur Mathewson : Trésorier provincial

Henri Groulx : Secrétaire provincial, Santé

Wilfrid Girouard : Procureur général

Pierre-Émile Côté : Terres et Forêts, Chasse et Pêches

Télesphore-Damien Bouchard : Travaux publics, Voirie

Edgar Rochette : Travail, Mines et Pêcheries

Oscar Drouin : Affaires municipales, Industrie et Commerce

Léon Casgrain : ministre sans portefeuille

Cléophas Bastien : ministre sans portefeuille

Louis-Joseph Thisdel : ministre sans portefeuille

Georges-Étienne Dansereau : ministre sans portefeuille

Frank Lawrence Connors (Conseil législatif) : ministre sans portefeuille

Wilfrid Hamel : ministre sans portefeuille

 

 

 Nomination le 19 février 1940 : 

 

François-Philippe Brais : ministre sans portefeuille (Leader du gouvernement au conseil législatif)

 

 

 Remaniement le 16 octobre 1940 : 

 

Hector Perrier : Secrétaire provincial

Henri Groulx : Santé, Bien-être social

 

 

 Remaniement le 13 mai 1941 : 

 

Henri Groulx : Santé et Bien-être social

Pierre-Émile Côté : Terres et Forêts, Chasse et Pêche

Edgar Rochette : Travail, Mines et Pêcheries maritimes

 

 

 Remaniement le 13 mai 1942 : 

 

Edgar Rochette : Travail, Mines

 

 

 Remaniement le 10 juin 1942 : 

 

Léon Casgrain : Procureur général

 

 

 Remaniement le 5 novembre 1942 : 

 

Wilfrid Hamel : Terres et Forêts

Valmore Bienvenue : Chasse et Pêche

Georges-Étienne Dansereau : Travaux publics

Cléophas Bastien : Colonisation

Perreault Casgrain : ministre sans portefeuille

Henri-René Renault : ministre sans portefeuille

 

 

 Remaniement le 12 février 1943 : 

 

Adélard Godbout : Premier ministre, président du Conseil exécutif, Agriculture, Colonisation

 

 

 Remaniement le 15 mars 1944 : 

 

Georges-Étienne Dansereau : Travaux publics, Voirie

 

 

 Remaniement le 1er avril 1943 : 

 

Oscar Drouin : Affaires municipales, Industrie et Commerce

 

 

 Nominations le 21 juin 1944 : 

 

Joseph-Achille Francoeur : ministre sans portefeuille

Maurice Gingues : ministre sans portefeuille

 

 

 Remaniement le 29 juin 1944 : 

 

Henri-René Renault : Affaires municipales, Industrie et Commerce

De gauche à droite : Wilfrid Hamel, L.-J. Thisdel, Frank Connors, Edgar Rochette, Oscar Drouin, Wilfrid Girouard, T.-D. Bouchard, Alfred Morisset (greffier du conseil exécutif, debout), Adélard Godbout (assis au centre), Arthur Mathewson, P.-É. Côté, Léon Casgrain, Cléophas Bastien, Henri Groulx, G.-É. Dansereau.

Photographie du nouveau cabinet du premier ministre Adélard Godbout. 10 novembre 1939.

Le Mémorial du Québec, tome VI 1939-1952, Éditions du Mémorial, 1979, pages 2 et 3

Bilan du gouvernement Godbout

 

Adélard Godbout fut premier ministre du Québec en 1936, puis de 1939 à 1944. Pour certains, on lui doit des lois sociales qui préparent la Révolution tranquille et qui font entrer le Québec dans la modernité.

 

  • Octroi du droit de vote aux femmes ;

  • Éligibilité juridique des femmes (première avocate et premières conseillères municipales) ;

  • Création d’Hydro-Québec ;

  • Début de l’électrification rurale ;

  • Adoption de la loi sur l’instruction obligatoire et la gratuité scolaire pour l’enseignement primaire ;

  • Adoption de la loi sur les relations de travail reconnaissant le droit d’association syndicale ;

  • Adoption de la loi sur la protection de l’enfance ;

  • Création de la Commission du service civil ;

  • Octroi des contrats gouvernementaux à partir de soumissions ;

  • Mise sur pied d’une commission pour instituer un régime universel d’assurance-santé ;

  • Adoption de la devise « Je me souviens » et des armoiries encore utilisées aujourd’hui, contenant cette devise.

 

Pour d’autres, il est à la solde du fédéral en le laissant imposer la conscription durant la Seconde Guerre mondiale et en sacrifiant des pouvoirs québécois aux mains du gouvernement central.

 

D’ailleurs, le 13 mai 1940, Adélard Godbout écrit au premier ministre canadien pour lui signifier l’accord du gouvernement du Québec à une modification constitutionnelle pour transférer la responsabilité de l’assurance chômage au fédéral. Aussi, le 24 février 1942, le discours du Trône du premier ministre Godbout de la troisième session de la 21e législature annonce le transfert vers le fédéral de la perception de l’impôt sur le revenu et les taxes sur les corporations.

 

 

Droit de vote des femmes

 

En juin 1938, le Parti libéral tient son premier congrès à Québec. Des femmes y participent pour la première fois : elles sont 40 sur plus de 800 délégués. Adélard Godbout, jusqu’alors opposé à cette mesure, est confirmé chef du parti, mais le vote féminin est inscrit au programme électoral. Lors de l’élection générale de 1939, les suffragistes québécoises appuient le Parti libéral. Après la victoire de Godbout, lettres, télégrammes et pétitions affluent de partout au Québec pour rappeler au premier ministre la promesse de son parti. Finalement, malgré l’opposition persistante du clergé et des antisuffragistes, un projet de loi sur le suffrage féminin est annoncé dans le discours du trône du 21 février 1940.

 

Le premier ministre Godbout déclare en chambre lors du dépôt de son projet de loi : « J’étais honnête autrefois en tenant l’attitude que j’avais, honnête dans ma conscience, et je ne pense pas avoir changé quant à cela. Ce sont les circonstances qui ont changé. Le problème se pose aujourd’hui sous un jour différent. Les conditions dans lesquelles nous vivons font de la femme l’égale de l’homme. Elle a souvent les mêmes devoirs et les mêmes obligations que l’homme, pourquoi lui refuser les mêmes droits, surtout quand bien des questions dont nous avons à décider relèvent plus de sa compétence que de la nôtre ? On a peur que la femme soit soustraite à ses devoirs particuliers. C’est la vie moderne qui l’a sortie du foyer : 100 000 femmes québécoises gagnent actuellement leur vie et celle de leurs proches. Les femmes ont dans notre vie économique une influence qui n’est pas loin d’être prépondérante : elles détiennent plus de 50 % des économies dans les banques et 75 % du capital investi dans les assurances. Elles ont à défendre leur foyer, leurs enfants et leurs biens comme les hommes. Au point de vue économique, pourquoi leur refuser le droit de vote ? »

 

Marcel Labelle relate que « sur la scène fédérale, les femmes ont le droit de vote depuis 1918. Dans toutes les autres provinces du Canada, les femmes peuvent exercer ce droit aux élections provinciales. Même Terre-Neuve, qui ne fait pas encore partie de la Confédération, donne ce droit aux femmes en 1925. Les Québécoises sont les seules Canadiennes qui ne peuvent pas voter au provincial.

 

Malgré ce retard, l’opposition au projet de loi de Godbout est très vive. Elle provient du clergé, par la voix du cardinal Villeneuve qui parle au nom des évêques de la province. Elle se manifeste chez des nationalistes comme Henri Bourassa, fondateur du Devoir et petit-fils de Louis-Joseph Papineau ; elle est également présente dans des journaux comme Le Droit d’Ottawa, La Terre de chez nous, L’Action catholique. Même des femmes instruites s’y opposent.

 

Une fois le projet de loi déposé, le cardinal Villeneuve émet un avis dans La semaine religieuse. Godbout, catholique pratiquant, ne veut pas s’opposer publiquement au clergé. Toutefois, il a promis le droit de vote aux femmes lors de la campagne électorale et il tiendra parole.

 

Selon Thérèse Casgrain, dans une entrevue accordée à J.-G. Genest, Godbout songe sérieusement à démissionner. Ce faisant, c’est T.-D. Bouchard, un adversaire encore plus redoutable aux yeux du clergé, qui formerait le gouvernement. Le premier ministre Godbout téléphone au cardinal Villeneuve pour lui faire part de ses intentions si la campagne menée contre son projet de loi persiste. Dans les jours suivants, toujours selon Thérèse Casgrain, les protestations cessent dans les journaux contrôlés par le clergé. Bluff ou sincérité ? Une chose est sûre, Godbout n’a pas plié. »

 

C’est le 25 avril 1940 que la Loi accordant aux femmes le droit de vote et d’éligibilité est sanctionnée par le lieutenant-gouverneur. Le projet de loi no 18, soutenu par le premier ministre Joseph-Adélard Godbout, avait auparavant été adopté à 67 voix contre 9, le 18 avril 1940 par l’Assemblée législative du Québec. Le Québec est la dernière province à adopter une telle législation. Quatorze projets de loi, déposés entre 1922 et 1939, sont nécessaires pour que les femmes obtiennent enfin le droit de vote.

 

Les premières Québécoises à pouvoir voter sont les électrices des circonscriptions de Huntingdon et de Saint-Jean lors des élections partielles du 6 octobre 1941. Pour l’ensemble du Québec, ce n’est qu’à partir de l’élection générale du 8 août 1944. Le nombre total d’électeurs inscrits est de 1 864 692, alors qu’aux élections précédentes, soit celles du 25 octobre 1939, la liste électorale ne comportait que 753 310 noms.

 

Marcel Labelle soutient qu’à « la session de 1941, Godbout va plus loin : il accorde le droit d’éligibilité aux femmes dans le domaine municipal, ce qui leur permet également de devenir avocates. Une autre première pour ce gouvernement qui préfigure les grandes réformes qui seront parachevées lors de la Révolution tranquille, 20 ans plus tard. »

 

 

 

Article du journal La Presse annonçant le dépôt du projet de loi donnant le droit de vote aux femmes. 1940.

Collection Simon Turmel

Photographie du premier ministre Adélard Godbout aux cotés de Thérèse Casgrain, militante active pour l'octroi du droit de vote aux femmes.

Collection famille Godbout

Hydro-Québec

 

Marcel Labelle décrit ainsi la création d’Hydro-Québec : « Déjà en 1941, le gouvernement Godbout obtient l’autorisation de l’Assemblée législative de pouvoir conclure une entente avec Ottawa sur la canalisation et le développement hydroélectrique du Saint-Laurent. De plus, dès cette deuxième session de son gouvernement, en avril 1941, Godbout évoque la possibilité de nationaliser deux compagnies d’électricité : la Beauharnois Light Heat and Power et la Montreal Light Heat and Power. Il estime que l’électricité au Québec est trop chère et peu accessible dans les régions rurales. De plus, ces compagnies fonctionnent en anglais et refusent toute possibilité d’avancement aux ingénieurs francophones.

 

Le premier ministre Godbout déclare, cité dans Le Devoir du 3 avril 1941 : “À l’éducation rendue plus pratique, nous voulons ajouter pour nos jeunes l’occasion de devenir des maîtres dans des industries qui seront bien à nous. Nous respectons les intérêts privés, mais nous entendons que les intérêts privés ne briment pas l’intérêt commun. C’est pourquoi l’étatisation sera une chose réalisée bientôt pour l’avantage de la population tout entière.”

 

La nationalisation des compagnies d’hydroélectricité était dans l’air au Québec, dès les années 1930. Au milieu de cette décennie, la commission Lapointe avait étudié les pratiques des compagnies de distribution d’électricité. Le tout était resté sans lendemain. En 1936, l’Action nationale libérale de Paul Gouin et du Dr Philippe Hamel prônait l’étatisation des compagnies d’électricité. Même Maurice Duplessis, allié de ces derniers, envisageait l’idée. En 1933, à Saint-Hyacinthe, le ministre et également maire de la ville, T.-D. Bouchard, “municipalise” la distribution d’électricité. […]

 

En novembre 1943, la Régie des services publics mène une enquête spéciale sur les opérations et la situation financière de la Montreal Light Heat and Power (MLHP). La compagnie possède le monopole pour la distribution d’électricité à Montréal. Ses tarifs sont abusifs et, de plus, elle s’est constitué un capital fictif de 44 millions de dollars. En mars 1944, Godbout n’hésite pas à dire que la MLHP est “un monopole concentré entre les mains de 12 ou 14 directeurs qui voient beaucoup plus à leurs intérêts personnels qu’aux intérêts de leurs actionnaires”. Il ajoute qu’il ne trouve pas “dans l’administration de Montreal Power, l’honnêteté qu’on est en droit d’attendre d’une telle entreprise”. 

 

[…]

 

L’étatisation de la MLHP touche la moitié des abonnés de la province. Pour le gouvernement, il s’agit de l’acquisition d’une entreprise évaluée à 150 millions, soit le double du budget annuel du Québec à cette époque. Une nouvelle société de la Couronne est créée pour gérer tous ces actifs : Hydro-Québec.

 

Selon la loi, le mandat d’Hydro-Québec, fondée le 14 avril 1944, est “de fournir l’énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province, aux taux les plus bas, compatibles avec une saine administration”.

 

À l’exception du Congrès canadien du travail et d’un sénateur québécois, Léonard Tremblay, le projet de créer Hydro-Québec est décrié unanimement. Le porte-étendard de l’opposition au projet est Maurice Duplessis, dont les trusts financent généreusement la caisse électorale, et qui déclare que “le projet d’Hydro (…) est un attentat au droit de propriété des ouvriers et des cultivateurs. Après cela, le gouvernement pourra confisquer n’importe quelle propriété. C’est une méthode bolchévique, tyrannique.” Plus étonnante est l’opposition des nationalistes : François-Albert Angers y voit une mesure socialiste, alors que le Dr Philippe Hamel, le chantre de la nationalisation en 1936, dénonce l’étatisation et laisse sous-entendre qu’il y a connivence entre le gouvernement et la compagnie étatisée, sous-entendus repris par Le Devoir et la revue Relations.

 

Devant cette levée de boucliers, Godbout a besoin, pour assurer la pérennité d’Hydro-Québec, d’un homme à la poigne ferme et qui croit à la mission d’Hydro-Québec. Il désigne donc T.-D, Bouchard, son ministre de la Voirie et des Travaux publics, soit le maire qui a municipalisé l’électricité à Saint-Hyacinthe.

 

[…]

 

Mais Bouchard refuse le poste de président d’Hydro-Québec et le salaire de 18 000 $ par année. En comparaison, Godbout, premier ministre, en touche 14 000 $. T.-D. Bouchard craint d’être accusé d’avoir favorisé la nationalisation pour se ménager une sinécure. Godbout insiste, l’assure qu’il est l’homme de la situation et que la nationalisation ne se fera pas s’il persiste dans son refus. En contrepartie, il lui promet une nomination au Sénat canadien par Mackenzie King. Finalement, Bouchard accepte et devient, dans les premiers jours de mars 1944, sénateur, puis président de la Commission hydro-électrique de Québec. Mais, son passage à la présidence de l’organisme sera de courte durée.

 

[…]

 

La création d’Hydro-Québec amène également le début de l’électrification rurale. Là encore, le Québec accuse un retard important sur le reste du Canada. En Ontario, 37 % des fermes sont électrifiées, 36 % en Colombie-Britannique et 26 % en Nouvelle-Écosse, contre un maigre 20 % au Québec. Le premier ministre Godbout charge Hydro-Québec de démarrer le projet. En 1944, le gouvernement d’Adélard Godbout entreprend l’électrification des campagnes, tandis que Duplessis complétera le projet.

 

Dès la fin de mai, Godbout annonce fièrement une baisse des tarifs d’électricité pour les abonnés d’Hydro-Québec. De plus, les 1200 employés obtiennent une augmentation salariale totalisant 300 000 $. Pas mal pour une entreprise qui n’existe que depuis un mois et demi !

 

Par la force des choses, même les entreprises non nationalisées abaissent leurs tarifs. Selon la Régie des services publics, un million de dollars est épargné par les abonnés durant les années 1943-1944. Économie appréciable en temps de guerre et de rationnement. »

 

 

Casque de protection d'Hydro-Québec.

Collection Dave Turcotte

Instruction publique

 

Marcel Labelle présente ainsi le bilan libéral dans le domaine de l’éducation : « Godbout s’attaque à une institution sacrée dans le Québec d’alors : le cours classique. Dès 1940, dans un discours prononcé à l’occasion du centenaire de la naissance d’Honoré Mercier, il déclare que “nos jeunes gens ne devraient pas, jusqu’à l’âge de vingt ans, recevoir une instruction qui ne les prépare à rien, s’ils ne désirent pas devenir prêtres”. Et s’il y en a un qui sait de quoi il parle, c’est bien l’ancien séminariste Godbout. Le premier ministre réclame “un enseignement qui soit surtout réaliste et pratique”.

 

Passant de la parole aux actes, il fonde des maisons d’enseignement pratique : une école de linerie (transformation du lin) à Plessisville et une autre d’avionnerie à Cartierville. Toujours dans le même esprit, il crée un Conseil supérieur de l’enseignement technique pour donner des avis au gouvernement.

 

Godbout prône également l’apprentissage accru de l’anglais pour les Canadiens français, ce qui est décrié par les nationalistes.

 

Sur le plan culturel, à l’instigation du secrétaire de la Province, responsable de l’éducation au département de l’instruction publique, Hector Perrier, lui-même confrère de classe du chef d’orchestre Wilfrid Pelletier, le gouvernement Godbout fonde, en 1942, le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec. De plus, la même année, le gouvernement fait l’acquisition de la bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis à Montréal, fermée depuis des années, et l’ouvre au public.

 

Sur les flancs du Mont-Royal, les travaux de construction de la nouvelle Université de Montréal avaient débuté en 1933, mais avaient été interrompus par Duplessis en 1936. T.-D. Bouchard réactive le dossier, débloque des fonds et le nouvel édifice est inauguré le 1er octobre 1942. À Québec, l’Université Laval inaugure son École de génie électrique, forte d’une subvention d’un million de dollars du gouvernement Godbout.

 

Selon le professeur Jean-Guy Genest, en 1942, le Québec est la seule province ou État en Amérique où l’instruction n’est pas obligatoire jusqu’à la 7e année ou l’âge de 14 ans. Les statistiques sont éloquentes : pour l’année scolaire 1941-1942, dans l’ensemble du Québec, on recense 571 840 enfants de 6 à 14 ans ; de ce nombre, 48 930 ne sont même pas inscrits dans une école.

 

Afin de vaincre les résistances qui surgiront certainement, Hector Perrier, responsable de l’instruction publique, et Victor Doré, surintendant de l’instruction publique, mènent de vastes consultations avant de présenter le projet de loi. Ils convainquent ainsi le cardinal Villeneuve qui, à son tour, rallie le puissant Comité catholique de l’instruction publique, composé en majorité d’évêques. Tout de même, sur 21 membres, six votent contre l’instruction obligatoire, soit quatre évêques et deux juges.

 

En même temps que le projet de loi sur l’instruction obligatoire, un autre projet de loi, adopté l’année suivante, concerne la gratuité scolaire et celle des livres de classe pour cette même catégorie d’âge. Aux yeux du premier ministre, la loi sur l’instruction obligatoire pour les jeunes constitue une manière concrète pour les Canadiens français de s’affranchir sur le plan économique. Durant son mandat, le budget de l’instruction publique passe de 7 à 18 millions. En 1943, cette loi avant-gardiste n’était pas du genre à rapporter des dividendes électoraux. »

 

 

Droit des travailleurs

 

Marcel Labelle rapporte qu’afin « de satisfaire une demande d’Alfred Charpentier, président de la Confédération des travailleurs catholiques (l’ancêtre de la CSN), faite lors de la campagne électorale, Godbout, dès son élection, crée le Conseil supérieur du travail, un organisme chargé de conseiller le ministre en matière de législation ouvrière.

 

L’industrie de guerre ne souffre d’aucun arrêt de travail. Conscients de ce rapport de force, les syndicats tentent d’améliorer les conditions de travail de leurs membres. En 1943 seulement, 109 conflits affectent 77 757 employés, pour un total de 456 931 journées de travail perdues. Du jamais vu depuis le début du siècle !

 

En janvier 1944, le gouvernement dépose sa loi sur les relations ouvrières. Essentiellement, elle contient les dispositions suivantes. Elle reconnaît le droit d’association pour tous les salariés ainsi que l’obligation pour l’employeur de reconnaître un syndicat regroupant 60 % de ses employés et de négocier une convention collective avec ledit syndicat. En cas d’impasse, la conciliation et l’arbitrage sont obligatoires, mais les parties ne sont pas tenues de se plier aux décisions du tribunal d’arbitrage.

 

Enfin, la grève est permise une fois certains délais respectés. Dans l’ensemble, la loi est bien acceptée par les syndicats et les patrons ; même l’Union nationale est en faveur du projet de loi.

 

Afin de protéger les emplois des fonctionnaires provinciaux, Godbout crée, en 1943, la Commission du service civil qui jette les bases d’une fonction publique basée sur la classification objective des compétences et des années de service, plutôt que sur la partisanerie politique. L’existence de cette commission sera éphémère, car Duplessis reviendra au pouvoir l’année suivante. »

 

 

Assurance-maladie et protection de la jeunesse

 

Selon Marcel Labelle, « en juin 1943, le premier ministre Godbout met sur pied la Commission d’assurance-maladie qui vise à créer un régime universel d’assurance-maladie pour le Québec. Quelques mois plus tard, il demande à la même commission de faire enquête sur les problèmes reliés à la protection de l’enfance. En 1944, le gouvernement Godbout adopte la première loi québécoise de protection de l’enfance. Cette autre loi avant-gardiste avec, entre autres, la création du Conseil supérieur de la protection de l’enfance, établit le rôle accru de l’État dans le domaine de la protection de la jeunesse.

 

De retour au pouvoir en 1944, Maurice Duplessis n’appliquera jamais la loi sur la protection de l’enfance. Quant à la Commission créant l’assurance-maladie, il l’abolit purement et simplement. En campagne électorale, il déclare : “La meilleure assurance contre la maladie, c’est la santé.” Le Québec attendra 30 ans la création du régime d’assurance-maladie et les lois réformistes en matière de protection de l’enfance. »

 

 

Lieutenant québécois à Ottawa ?

 

Marcel Labelle affirme qu’à « l’automne de 1941, Ernest Lapointe apprend qu’il a un cancer incurable. Arthur Cardin, un autre ministre québécois influent, devrait normalement lui succéder, mais il est également très malade. Le premier ministre canadien Mackenzie King, après avoir consulté Lapointe, demande à Godbout de devenir son lieutenant québécois à Ottawa.

 

Évoquant sa méconnaissance de l’anglais, mais tenant compte surtout du fait que son départ provoquerait une scission dans son cabinet et redonnerait un avantage à Duplessis, Godbout décline l’invitation. Au retour des funérailles de Lapointe, Mackenzie King insiste encore. Godbout décline l’offre une deuxième fois. Une semaine plus tard, lors d’une fête à Saint-Lin, Mackenzie King tente à nouveau de convaincre Godbout de faire le saut à Ottawa. Nouveau refus. Le lendemain, King essaie encore : il lui écrit une longue lettre qu’il lui lit au téléphone, King estime qu’avec l’intensification de la guerre en Europe, la situation va se détériorer au Québec et que cela va entraîner une dégradation de la position de la province au sein du Canada et miner l’effort de guerre du fédéral.

 

Le 4 décembre, le premier ministre canadien convoque son homologue québécois à sa résidence à Ottawa. Malgré la présence du ministre Cardin et de Raoul Dandurand, un membre influent et estimé dans les rangs libéraux, Godbout ne fléchit pas : il restera à Québec. C’est finalement Louis Saint-Laurent qui sera désigné le lieutenant québécois des libéraux à Ottawa.

 

Mackenzie King note dans son journal personnel que Godbout a raté là, la chance de sa vie de mieux servir le Québec et le Canada dans une période aussi critique de l’histoire. Quant à sa maîtrise de la langue anglaise, elle était excellente, selon ses filles Marthe et Rachel. En effet, Godbout avait étudié aux États-Unis et faisait souvent des conférences partout au Canada. »

 

 

Crise de la conscription

 

Marcel Labelle décrit en ces mots la crise de la circonscription. « Le 7 décembre, les Japonais bombardent Pearl Harbour. Les États-Unis entrent en guerre. Le conflit est vraiment mondial. Au Canada, la pression devient plus forte en faveur de la conscription obligatoire des hommes : elle semble inévitable. Godbout va affronter, presque seul, l’une des plus graves crises sociales de l’histoire du Québec : la crise de la conscription.

 

En ce début de 1942, la situation des Alliés n’est pas reluisante. Les troupes d’Hitler sont aux portes de Moscou, la France est tombée et les Japonais remportent victoire sur victoire contre les Américains dans le Pacifique.

 

En 1939, à l’approche de la guerre, lors de la campagne électorale provinciale, les libéraux de Godbout, soutenus par les ministres fédéraux, dont Ernest Lapointe, avaient juré solennellement à la population canadienne-française que le Parti libéral ne voterait jamais la conscription. Ils sont donc liés par leur promesse.

 

Au Canada anglais, les pressions sont très fortes pour établir dès maintenant la conscription. Mackenzie King croit avoir trouvé un moyen de se délier de sa parole tout en participant activement à l’effort de guerre : il tiendra un plébiscite, c’est-à-dire un référendum pancanadien. La question se lit comme suit : “Consentez-vous à libérer le gouvernement de toute obligation résultant d’engagements antérieurs restreignant les méthodes de mobilisation pour le service militaire ?” Autrement dit, si les électeurs votent oui, le gouvernement canadien peut envisager un moyen de recrutement obligatoire afin que les hommes aillent à la guerre.

 

Dès le 7 février 1942, les nationalistes québécois fondent la Ligue pour la défense du Canada qui s’oppose à la conscription. Son bureau de direction est formé, entre autres, de Maxime Raymond, député libéral fédéral qui quitte les libéraux à cette occasion, des journalistes Georges Pelletier, Gérard Filion et André Laurendeau, et d’un jeune avocat, futur maire de Montréal, Jean Drapeau.

 

Le premier ministre Godbout se prononce contre la conscription, tel que rapporté par Le Devoir, dans son édition du 5 février 1942 : “Je suis contre, j’ai toujours été contre et, aujourd’hui plus que jamais, je suis contre l’envoi de soldats outre-mer.”

 

[…]

 

Adélard Godbout, premier ministre du Québec, même s’il se dit opposé à la conscription, ne se prononce jamais publiquement pour le “non”. Cette position ambivalente lui attirera des inimitiés chez les francophones, en particulier dans les milieux nationalistes.

 

Le 27 avril 1942, c’est la tenue du plébiscite. Les deux solitudes canadiennes s’expriment : le Canada anglais vote massivement pour la conscription, alors que 71 % des électeurs du Québec s’y opposent.

 

[…]

 

Malgré la défaite des anticonscriptionnistes à l’échelle canadienne, les membres de la Ligue de défense du Canada continuent leur campagne au Québec. Si bien qu’en septembre, ceux-ci lancent un parti politique : le Bloc populaire canadien. Cette coalition regroupe tant des anciens de l’Action libérale nationale de Paul Gouin que des députés libéraux fédéraux, comme Maxime Raymond qui en assume la direction, ou le député Pierre Gauthier chez qui s’étaient tenues, en 1936, les rencontres qui ont mené à la nomination d’Adélard Godbout comme chef du Parti libéral. Le Bloc populaire est un parti fédéral qui se définit comme dévolu aux intérêts de la “race” canadienne-française. »

 

 

 Élection québécoise du 8 août 1944 

 

Peu de temps sépare la crise de la conscription et l’élection de 1944. Le plébiscite de 1942 est tout frais dans la mémoire des Québécois. L’Union nationale de Maurice Duplessis en fait son cheval de bataille. Il martèle aussi le thème de l’autonomie. Durant la campagne, Duplessis reproche au premier ministre Godbout d’avoir cédé à Ottawa le droit de taxation pour le temps de la guerre.

 

Un nouveau joueur sur échiquier électoral fait son entrée suite à la crise de la conscription. Le Bloc populaire, dirigé par André Laurendeau au Québec, rallie la jeunesse et les nationalistes. Ce jeune parti réussit à présenter 80 candidats sur les 91 circonscriptions de la carte électorale de l’époque. Laurendeau reproche au premier ministre Godbout sa participation à l’effort de guerre et le trouve trop aligné sur les positions du premier ministre canadien Mackenzie King.

 

Autre parti actif à cette élection bien que plus marginal, l’Union des électeurs est issue de la doctrine créditiste. Ce dernier présente onze candidats, uniquement dans des comtés ruraux. Réal Caouette est candidat dans Abitibi-Ouest.

 

En plus des partis d’oppositions et des Canadiens français choquer contre la conscription, les capitalistes anglophones ont encore sur le cœur la nationalisation de la Montreal Light Heat and Power réalisée quelques mois plus tôt par le gouvernement Godbout. S’ajoute les milieux conservateurs et une partie du clergé qui n’ont pas apprécié l’obtention du droit de vote aux femmes et l’instruction obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans. Sans oublier que bien des électeurs dans les milieux ruraux amers de ne pas avoir pu bénéficier du traditionnel patronage généralement répandu dans les gouvernements précédents notamment en matière de construction de routes et de ponts.

 

En somme, les opposants au gouvernement Godbout sont légion. Les seuls alliés des libéraux sont les syndicats, satisfaits des législations ouvrières du gouvernement, ainsi que les anglophones et les allophones qui apprécient, eux, la collaboration entre les premiers ministres Godbout et King pour l’effort de guerre.

 

Le 8 août 1944, les femmes peuvent voter à une élection québécoise pour la première fois. Malgré une opposition sur plusieurs fronts, les libéraux d’Adélard Godbout obtiennent plus de votes que l’Union nationale, mais la répartition des sièges, qui avantage les circonscriptions rurales, redonne le pouvoir à Maurice Duplessis. Ce jour-là, le gouvernement d’Adélard Godbout est défait. L’Union nationale fait élire 48 députés avec 38 % du vote et le Parti libéral, 37 députés avec 39 % du vote. Le Bloc populaire fait élire 4 députés et la Cooperative Commonwealth Federation, un seul. Il y a un député indépendant. Le premier ministre Godbout demeure en fonction jusqu’au 30 août 1944.

Résultats de l'élection québécoise de 1944 dans la circonscription de L'Islet.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec


PREMIER MINISTRE
 

Affiche électorale du chef libéral Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1939.

Collection Dave Turcotte

Photographie du chef Adélard Godbout lors du lancement de la campagne libérale. 1939.

Collection famille Godbout

Article du journal Le Devoir sur le discours-manifeste d'Adélard Godbout. 2 octobre 1939.

Journal Le Devoir

Photographie du nouveau premier ministre Adélard Godbout le soir de sa victoire électorale, accompagné de son épouse Dorilda et de sa fille Thérèse. 1939.

Collection famille Godbout

Une du journal Le Courrier de Beauharnois. 27 octobre 1939.

Collection Dave Turcotte

Une du journal La Ferme. 7 novembre 1939.

Collection Alain Lavigne

Photographie du nouveau premier ministre Adélard Godbout qui prête serment. 1939.

Collection famille Godbout

Macaron commémoratif du premier ministre Adélard Godbout.

Collection Dave Turcotte

Photographie du nouveau du premier ministre Adélard Godbout à son bureau. 1939.

Collection famille Godbout

Photographie du nouveau du premier ministre Adélard Godbout lors de la première séance de la 21e législature. 1940.

Collection famille Godbout

Photographie de Maurice Duplessis et Adélard Godbout accompagnés de membres de leurs équipes.

Collection famille Godbout

Photographie de la carte électorale du Québec affichée dans les écoles de rang à l'époque. 1939.

Collection de l'école Delisle de la municipalité de Rivière-Ouelle

Photographe Dave Turcotte

Photographie du premier ministre Adélard Godbout interviewé par Gabrielle Roy.

Collection Gabrielle Roy

Par François Ricard

Caricature du premier ministre Adélard Godbout à la Une du journal Vers Demain. 1er mars 1940.

Collection Dave Turcotte

Lettre du premier ministre Adélard Godbout adressée au député René Chaloult23 décembre 1940.

Mémoires de René Chaloult

Une du journal Le Devoir sur le discours du premier ministre à la conférence interprovinciale. 16 janvier 1941.

Collection Dave Turcotte

Caricature satirique du premier ministre Adélard Godbout dans le journal L'Oeil. 15 février 1943.

Collection Alain Lavigne

Une du journal Le Devoir sur l'appui du premier ministre à la campagne d'épargne de guerre. 30 octobre 1941.

Collection Dave Turcotte

Publicité du premier ministre Adélard Godbout. Journal Alouette. Mars 1944.

Collection Dave Turcotte

Publicité électorale du chef libéral Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1944.

Collection Dave Turcotte

Publicité électorale du candidat libéral Adélard Godbout dans L'Islet. Parti libéral du Québec. 1944.

Collection Dave Turcotte

Brochure électorale d'Adélard Godbout. Parti libéral du Québec. 1944.
Collection Yves Beauregard

Assemblée nationale du Québec

Dépliant électoral sur le programme libéral. Parti libéral du Québec. 1944.

Collection Dave Turcotte

Dépliant électoral sur la sécurité sociale. Parti libéral du Québec. 1944.

Collection Dave Turcotte

Le chef de l'opposition

 Chef de l’opposition de 1944 à 1948 

 

Le Dictionnaire biographique du Canada relate que « malgré la défaite, Godbout demeure chef de l’opposition. Lorsque le gouvernement fédéral annonce, fin 1944, l’imposition de la conscription pour le service militaire outre-mer, il se trouve contraint de dissocier le Parti libéral provincial de son cousin fédéral. Le terrain constitutionnel demeure miné pour lui et ses affinités avec le Parti libéral fédéral aux politiques très centralisatrices lui font perdre de plus en plus de points au profit de l’Union nationale. »

 

Marcel Labelle raconte que « dès son retour au pouvoir, Duplessis s’allie le haut clergé à qui il distribue de généreuses subventions. Ses actions contre les communistes et les Témoins de Jéhovah plaisent à la frange conservatrice du clergé. Du côté des financiers, Duplessis se fait le champion de la libre entreprise en s’opposant aux syndicats. Godbout apparaît toujours comme un socialiste, puisqu’il a nationalisé la puissante Montreal Light Heat and Power pour créer une société d’État. Pour plaire aux agriculteurs, Duplessis revient, dès 1945 aux bonnes vieilles pratiques qui consistent à débloquer des budgets pour les réfections de routes dans les régions rurales. Le cultivateur, qui travaille quelques semaines de plus par année, et la caisse de l’Union nationale, qui bénéficie du financement des entrepreneurs, y trouvent leur compte. »

 

 

 Élection québécoise du 28 juillet 1948 

 

Marcel Labelle affirme que « c’est auprès des électeurs nationalistes que Duplessis va marquer un grand coup. En plus de s’opposer à Ottawa au nom de l’autonomie du Québec lors de la conférence fédérale-provinciale, Duplessis adopte, en janvier 1948, le drapeau fleurdelisé pour la province de Québec. Il est vu comme le grand défenseur du Québec contre les visées centralisatrices d’Ottawa. Il déclenche des élections générales pour le 28 juillet 1948. »

 

Le Dictionnaire biographique du Canada précise qu’au « déclenchement des élections générales de 1948, [l’Union nationale] se trouve en position de force : elle capte toute l’opinion nationaliste, et bénéficie d’un bon financement, d’une organisation performante et d’une propagande électorale redoutable. Les libéraux sont très vulnérables sur le plan de l’autonomie provinciale. »

 

Les résultats sont catastrophiques pour Adélard Godbout, souvent décrit comme le « valet d’Ottawa » tout le long de la campagne. Le gouvernement de Maurice Duplessis est réélu lors de l’élection du 28 juillet 1948. ​L’Union nationale fait élire 82 députés avec 51 % du vote et le Parti libéral ne fait élire que 8 députés avec 36 % du vote. Il y a deux députés indépendants. Dans sa propre circonscription de L’Islet, Adélard Godbout est battu par seulement 40 voix.

Opposition

Résultats de l'élection québécoise de 1948 dans la circonscription de L'Islet.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec